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Près d'un an avant la fermeture du «24 Sussex» en raison d'un délabrement général et d'une infestation de rongeurs l'automne dernier, le président du conseil d'administration de la Commission de la capitale nationale (CNN) a prévenu le cabinet fédéral que retarder davantage la décision sur le sort de la résidence officielle mettrait en péril tout le bâtiment patrimonial.
Le manoir de 34 pièces, sis sur une propriété riveraine de choix, à quelques kilomètres de la colline du Parlement, promenade Sussex, sert de résidence aux premiers ministres du Canada depuis 1950 — jusqu'à sa fermeture temporaire en 2015.
Les inquiétudes suscitées par la détérioration du bâtiment ont incité le premier ministre Justin Trudeau et sa famille à déménager dans une autre résidence officielle après son élection en octobre 2015. Depuis près de huit ans, les Trudeau vivent donc à «Rideau Cottage», sur le terrain de la résidence de la gouverneure générale, «Rideau Hall», tout près.
Depuis ce déménagement, le cabinet libéral fédéral a continuellement reporté la décision sur la restauration éventuelle de la propriété patrimoniale. C'est un peu, de fait, un panier de crabes politique. En 2018, M. Trudeau faisait remarquer qu'aucun premier ministre n'avait voulu s'aventurer à dépenser l'argent des contribuables pour le «24 Sussex».
Mais en janvier 2022, le président du conseil d'administration de la Commission de la capitale nationale, Marc Seaman, a écrit à Filomena Tassi, alors ministre des Services publics et de l'Approvisionnement, pour lui exprimer «son inquiétude quant au retard d'une décision du cabinet au-delà de décembre 2021».
Les préoccupations sont détaillées dans une note d'information du Bureau du Conseil privé, le bras administratif du cabinet fédéral. La note a été obtenue par La Presse Canadienne en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.
Dans cette note, dont des sections ont été caviardées, M. Seaman indique qu'il souhaite transmettre «l'opinion ferme du conseil selon laquelle un report continu (…) comporte des risques réels à la fois pour l'intégrité physique du bâtiment lui-même, mais aussi pour notre capacité, au nom de tous les Canadiens, à exécuter notre responsabilité fiduciaire en tant que gardiens de ce très important édifice patrimonial classé».
La propriété a été utilisée depuis 2015 pour des réceptions en plein air et le personnel utilisait encore certaines pièces. Mais en juillet 2022, M. Seaman a informé le gouvernement des plans de la commission de fermer entièrement la résidence, affirmant que les travaux qui devaient être effectués «ne préjugent en aucun cas des décisions futures du gouvernement fédéral concernant l'utilisation et le but de la résidence».
L'automne dernier, une infestation de rongeurs, des craintes que des problèmes électriques ne déclenchent un incendie et des dégâts d'eau exceptionnels, entre autres problèmes, ont conduit la commission à déterminer que le «24 Sussex» posait désormais un risque réel pour la santé et la sécurité du personnel restant qui y travaillait encore.
Le bâtiment a donc été officiellement fermé, afin d'éliminer par ailleurs les systèmes vieillissants et l'amiante. Il restera fermé au moins l'année prochaine, alors que des entrepreneurs se sont installés la semaine dernière pour commencer ces travaux, selon la porte-parole de la commission, Valérie Dufour.
Les responsables attribuent la détérioration du manoir à la réticence des gouvernements successifs à «dépenser de l'argent des contribuables» pour réparer et entretenir correctement la résidence officielle, qui avait été construite à l'origine par un riche homme d'affaires, Joseph Merrill Currier, en 1868.
Une porte-parole de la ministre des Services publics et de l'Approvisionnement, Helena Jaczek, qui a remplacé Mme Tassi à ce portefeuille en août dernier, a déclaré jeudi qu'elle continuait de travailler avec la commission «afin d'élaborer un plan pour l'avenir du 24, promenade Sussex».
La commission a déclaré que le gouvernement fédéral examinait les options pour la propriété, qui s'étend sur plus de deux hectares et comprend un bâtiment principal de 12 000 pieds carrés avec 34 pièces, un petit bâtiment, un pavillon de piscine et deux postes de sécurité.
Une ébauche de rapport sur la revitalisation de la résidence officielle, également obtenue par La Presse Canadienne, montre que la commission a offert au gouvernement une série d'options précises, y compris une approche recommandée et une «liste de pour et de contre». Les détails concernant ces options sont toutefois caviardés.
Les documents identifient également d'autres problèmes à la résidence — au-delà de son état de délabrement. L'agencement et les mesures de sécurité ne suffisent pas pour servir de résidence moderne officielle du premier ministre, destinée à accueillir des dignitaires et divers événements mondains, suggère-t-on.
On évoque notamment une mauvaise accessibilité, des pièces de taille insuffisante et un manque d'espaces auxiliaires, comme des toilettes accessibles aux personnes à mobilité réduite.
Les documents soulignent par ailleurs que si à peu près 20 % de l'espace est conçu pour que le premier ministre et sa famille puissent y vivre, la vie privée demeure un problème, car «il n'y a pas de séparation claire entre les espaces privés et les espaces officiels».
Un rapport de 2021 de la commission sur l'état de ses actifs indiquait qu'il y avait 36 millions $ d'entretien différé à terminer au «24 Sussex», sans compter les mises à niveau de sécurité ou d'autres infrastructures.