Les signes de résilience de l’économie canadienne ont suffi à la Banque du Canada pour maintenir son taux directeur inchangé mercredi, mais le spectre de l’incertitude commerciale américaine continue de peser sur les décisions de la banque centrale.
La Banque du Canada maintient son taux directeur à 2,75 % pour la troisième fois consécutive.
Dans une allocution préparée, le gouverneur Tiff Macklem a souligné que, lors de la décision du conseil, «le consensus était clair».
Dans un contexte de forte incertitude commerciale, l’économie canadienne ne s’est pas encore fortement détériorée face aux droits de douane des États-Unis, et l’inflation sous-jacente fait preuve d’une certaine persistance.
La Banque du Canada abaisse son taux directeur lorsqu’elle souhaite stimuler l’économie, mais maintient les coûts d’emprunt à un niveau élevé lorsqu’elle craint une augmentation de l’inflation.
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M. Macklem précise que l’économie fait preuve d’une «certaine résilience» jusqu’à présent, mais il ouvre également la porte à une baisse des taux si la croissance ralentit davantage.
«Si l’affaiblissement de l’économie fait peser des pressions à la baisse supplémentaires sur l’inflation et que les pressions à la hausse sur les prix dues aux perturbations commerciales sont contenues, une réduction du taux directeur pourrait être nécessaire», convient-il.
Alors que l’inflation globale a augmenté de 0,2 % pour atteindre 1,9 % en juin, la Banque du Canada prévoit une inflation sous-jacente d’environ 2,5 %, hors volatilité et modifications fiscales qui faussent les données.
Le marché du travail canadien montre une certaine faiblesse dans les secteurs exposés aux droits de douane, comme le secteur manufacturier, mais d’autres secteurs continuent de créer des emplois.
M. Macklem explique que la Banque du Canada surveillera l’impact des droits de douane sur l’activité économique et la demande d’exportations canadiennes ainsi que l'éventualité que la hausse des coûts liée à ces droits d’importation soit répercutée sur les consommateurs.
Les hausses des taux des droits de douane sont «inférieures à celles que l’administration américaine avait menacé d’appliquer», note M. Macklem, mais ils restent supérieurs aux niveaux historiques récents. Les risques d’une guerre commerciale mondiale «grave qui s’envenime» ont diminué ces derniers mois, ajoute-t-il.
Même si le président américain Donald Trump a récemment conclu des accords commerciaux avec des pays comme le Japon et l’Union européenne, ces accords comportent toujours des droits de douane.
M. Macklem convient que la nature de ces accords suggère que «les États-Unis n’envisagent pas un retour à l’ouverture des échanges».
Différents scénarios
La Banque du Canada a publié un rapport sur la politique monétaire parallèlement à sa décision sur les taux mercredi, mais ce rapport ne comprenait une fois de plus aucune prévision économique centrale, les perspectives de la banque centrale restant assombries par l’incertitude.
La banque a plutôt proposé un scénario basé sur le maintien du niveau actuel des droits de douane, ainsi que deux autres qui prévoient à la fois une désescalade et une nouvelle augmentation des droits de douane. Chacune de ces études de cas prévoit au moins un certain maintien des droits de douane.
Bien qu’il soit difficile d’obtenir des chiffres précis sur les niveaux des droits de douane compte tenu de la diversité des exemptions et des chevauchements, la banque centrale estime que le taux effectif des droits de douane américains sur le Canada s’élève aujourd’hui à environ 7 ou 8 %, soit une hausse de 5 points de pourcentage par rapport au début de l’année.
Les responsables de la politique monétaire de la banque centrale supposent également qu’une grande majorité des biens canadiens seront exemptés de droits de douane au cours des prochaines années grâce à leur conformité à l’Accord Canada-États-Unis-Mexique, les entreprises s’empressant d’obtenir leur certification.
Dans le scénario du statu quo, la Banque du Canada prévoit une reprise économique d’ici la fin de l’année, après une baisse estimée de 1,5 % du produit intérieur brut réel annualisé au dernier trimestre.
Le scénario actuel de droits de douane prévoit une croissance du PIB réel inférieure de 0,5 point de pourcentage en 2025 et 2026 par rapport aux projections de la Banque du Canada avant la guerre commerciale, en janvier.
L’inflation se maintiendrait également autour de 2 % jusqu’à la fin de 2027 dans ce scénario, les forces qui poussent les prix à la hausse étant à peu près compensées par celles qui les freinent.
Un scénario de désescalade réduirait de moitié les droits de douane américains sur le Canada, ce qui réduirait la pression à la hausse sur l’inflation et favoriserait une reprise plus rapide de la croissance. Les droits de douane de rétorsion du Canada sont également supprimés dans cet exemple.
Mais une escalade des tensions verrait les États-Unis imposer un droit de douane de 10 % sur toutes les marchandises en provenance du Canada et du Mexique — sans tenir compte des exemptions actuelles liées à la conformité à l’ACEUM — en plus d’une menace de droit de douane de 50 % sur les importations de cuivre. Le Canada réagirait alors en imposant des droits de douane de 25 % sur 120 milliards $ de marchandises américaines, contre 60 milliards $ actuellement.
Ce scénario d’escalade entraînerait une hausse de l’inflation et une récession économique pour le reste de 2025.
Le président Trump a menacé d’imposer un droit de douane de 35 % sur les importations canadiennes à compter de vendredi si aucun accord commercial n’est conclu entre les deux pays d’ici là. Les prévisions de la Banque du Canada ne tiennent pas compte spécifiquement des conséquences d’une telle éventualité.
