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Cette décision marque la septième baisse consécutive des taux d'intérêt de la banque centrale et ramène son taux directeur à 2,75 %.
Les prix vont augmenter, l’économie va souffrir et la Banque du Canada ne peut pas baisser suffisamment les taux d’intérêt pour protéger les Canadiens des pires conséquences d’un conflit commercial prolongé avec les États-Unis.
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C’est ce qu’a affirmé mercredi le gouverneur de la Banque du Canada, après avoir réduit une nouvelle fois son taux directeur d’un quart de point de pourcentage, alors que l’incertitude persiste quant à la guerre des droits de douane avec les États-Unis.
Le taux directeur s’établit désormais à 2,75 % après la septième baisse consécutive de la banque centrale. Plus tard dans la journée, les six grandes banques du pays ont toutes annoncé qu’elles réduiraient leur taux préférentiel, qui est utilisé pour fixer les taux d’intérêt sur les autres prêts, d’un quart de point, passant de 5,20 % à 4,95 %, à compter de jeudi.
Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a qualifié le conflit commercial avec les États-Unis de «crise» et a averti que les répercussions économiques pourraient être «graves», selon l’ampleur et la durée des nouveaux droits de douane américains
Selon lui, des signes indiquent déjà que les consommateurs et les entreprises se sont repliés sur eux-mêmes au cours des dernières semaines, et, si le conflit persiste, la croissance au deuxième trimestre de 2025 sera affectée.
«L’incertitude généralisée des derniers mois — causée par les menaces tarifaires américaines qui changent de jour en jour — a ébranlé la confiance des entreprises et des consommateurs», a-t-il déclaré.
«À elle seule, l’incertitude cause déjà des torts.»
Avery Shenfeld, économiste en chef chez Marchés des capitaux CIBC, a indiqué mercredi dans une note à ses clients que les signes d’une reprise économique au Canada à l’approche de 2025 auraient probablement suffi à inciter la banque centrale à adopter une attitude attentiste quant à de nouvelles réductions, mais la guerre commerciale a ensuite éclaté.
Claire Fan, économiste principale à la Banque Royale du Canada, a précisé lors d'une entrevue que la dernière réduction montrait que la Banque du Canada était prête à intervenir pour atténuer «l’impact réel et tangible» des droits de douane sur l’économie.
Mercredi, le président américain Donald Trump a intensifié la guerre commerciale qu’il avait déclenchée le 4 mars, avec l’entrée en vigueur de droits de douane de 25 % sur les importations d’acier et d’aluminium canadiens entrant aux États-Unis.
Plus tard dans la journée, le Canada a annoncé des droits de douane de près de 30 milliards $ en guise de représailles. Ceux-ci devraient commencer à 00 h 01 (heure de l’Est) jeudi.
M. Macklem a expliqué que les Canadiens peuvent s’attendre à payer plus cher dans les mois à venir en raison du conflit commercial, qui touchera d’abord les denrées périssables, comme les fruits et légumes frais en provenance des États-Unis, tandis que les biens durables, dont les cycles de production sont plus longs, pourraient voir leurs coûts grimper par la suite.
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La Banque du Canada a souligné que la faiblesse du huard entraînait une hausse du prix des importations au moment même où de nombreuses entreprises cherchaient de nouveaux fournisseurs en dehors des États-Unis, ce qui pouvait s’avérer coûteux.
«La réalité, c’est que certains prix vont augmenter. Nous n’y pouvons rien», a-t-il déclaré aux journalistes lors d’une conférence de presse mercredi.
Près de la moitié des entreprises interrogées ont également indiqué qu’elles seraient prêtes à répercuter rapidement la hausse des coûts liée aux droits de douane sur les consommateurs, surtout si elles font preuve de transparence envers ces derniers quant aux raisons de la hausse des prix.
M. Macklem a ajouté que la Banque du Canada utilisera la politique monétaire pour s’assurer que les chocs de prix causés par les droits de douane ne se transforment pas en une poussée inflationniste.
Les enquêtes menées entre la fin janvier et le mois de février indiquent que les Canadiens prévoient de réduire leurs dépenses, craignant de perdre leur emploi dans le conflit commercial, particulièrement dans le secteur manufacturier, vulnérable aux droits de douane.
Environ 40 % des chefs d’entreprise interrogés par la banque centrale ont indiqué qu’ils réduisaient leurs projets d’embauche.
«Ce que les entreprises nous disent, c’est qu’elles ralentissent leurs investissements et leurs embauches. Les Canadiens épargnent davantage et dépensent moins. Tout cela n’est donc pas de bon augure pour la croissance», a affirmé la première sous-gouverneure de la Banque du Canada, Carolyn Rogers, mercredi.
M. Macklem a déclaré que la banque centrale «va aborder avec prudence tout changement futur du taux directeur», en tenant compte à la fois du frein à la croissance économique et des pressions à la hausse sur les prix liées au conflit commercial.
Mercredi après-midi, les marchés monétaires évaluaient à environ 45 % les chances d’une nouvelle réduction lors de la prochaine réunion de la Banque du Canada, le 16 avril, selon LSEG Data & Analytics.
M. Shenfeld a dit s’attendre à ce que la banque centrale accorde plus d’importance aux risques sur la croissance qu’à l’inflation à court terme, ce qui laisserait la possibilité de deux autres baisses de taux d’intérêt d’ici juin.
Mme Fan a indiqué que la Banque Royale s’attend également à deux réductions supplémentaires pour ramener le taux directeur de la Banque du Canada à 2,25 % vers le milieu de l’année.
Elle a prévenu qu’il n’y aurait pas de «course vers le bas» pour les taux d’intérêt, la banque centrale devant trouver un équilibre entre la nécessité d’une politique monétaire plus stimulante et son mandat de maintenir l’inflation dans la cible de 2 %.
Au lieu de cela, elle attend des gouvernements qu’ils accordent des allègements fiscaux aux entreprises et aux travailleurs touchés par la guerre commerciale, ce qui soulagerait la Banque du Canada d’une partie de la pression qu’elle exerce pour stimuler l’économie par de nouvelles baisses des taux d’intérêt.
«S’attendre à ce que la Banque réduise ses taux jusqu’à zéro n’est pas le bon cadre pour réfléchir à ses futures décisions en matière de taux», a conclu Mme Fan.