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La Baie d’Hudson fermera probablement des magasins en se restructurant

Il n’est pas inhabituel que des détaillants sous la protection des créanciers prennent une telle mesure.

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e5eb4c6a246e9086a5c105fb2716efdc27b1c71d54bd1e0a1cab1cafa49ab6a6.jpg Un panneau de La Baie d'Hudson dans le quartier financier de Toronto, le vendredi 8 septembre 2023. LA PRESSE CANADIENNE/Andrew Lahodynskyj (Andrew Lahodynskyj | La Presse canadienne)

Le processus de restructuration lancé vendredi par La Baie d’Hudson verra probablement le plus ancien détaillant canadien réduire son nombre de magasins alors qu’il s’efforce de rester en vie.

Selon une source proche du dossier, l’entreprise envisage de fermer environ 40 de ses 80 magasins, bien que ce nombre puisse changer.

La personne a obtenu l’anonymat, car elle n’était pas autorisée à parler publiquement des discussions.

La Baie d’Hudson n’a pas fait de commentaires sur la fermeture éventuelle de magasins, mais, dans une déclaration publiée la semaine dernière, sa présidente et directrice générale Liz Rodbell a qualifié la restructuration imminente de l’entreprise d’étape «très difficile», mais «nécessaire».

Le nombre précis de magasins qui seront mis sur la touche sera déterminé au cours des prochaines semaines par la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans le cadre des procédures de protection des créanciers impliquant la compagnie.

L’entreprise, fondée en 1670, espère utiliser ces procédures pour restructurer et rationaliser ses opérations afin de pouvoir rester en activité, plutôt que d’opter pour une faillite, qui entraînerait la fermeture de l’entreprise.

Un processus de stabilisation

Le même processus a été utilisé ces dernières années par des détaillants tels que Mastermind Toys, The Body Shop Canada, Ricki’s and Cleo. Ils continuent tous de fonctionner aujourd’hui — bien que sous des propriétaires différents — mais ont fermé des magasins dans le cadre de leur processus de protection contre les créanciers.

Il n’est pas inhabituel pour les détaillants sous protection des créanciers de prendre une telle mesure, car c’est l’un des moyens les plus simples de stabiliser une entreprise, selon Dina Kovacevic, rédactrice en chef du bulletin d’information Insolvency Insider.

Mme Kovacevic ajoute qu’il est probable que la Baie d’Hudson et ses conseillers détermineront lesquels de ses 80 magasins sont les moins rentables et s’efforceront de les liquider, offrant ainsi un peu de répit aux emplacements les plus performants.

«Ce n’est pas que l’entreprise cessera d’exister, mais elle réduira probablement ses effectifs et certains magasins seront probablement fermés», avance-t-elle.

«Il pourrait y avoir des ventes de liquidation et l’entreprise se réorientera autour de certains emplacements plus performants.»

Une telle décision permettrait à La Baie d’Hudson de tirer parti de son atout le plus précieux: son parc immobilier. 

Les magasins de l’entreprise sont généralement situés dans des quartiers commerciaux et des centres commerciaux de premier plan, ce qui les rend plus attrayants pour les consommateurs potentiels. Cependant, leur taille massive pose un défi aux propriétaires qui savent que peu de détaillants ont besoin d’autant d’espace qu’un grand magasin et pourraient devoir diviser les sites pour trouver un nouveau locataire. 

Si ce processus se déroule, selon la cofondatrice du Retail Strategy Group, Liza Amlani, les consommateurs remarqueront les ventes de liquidation et tout, des stocks aux meubles du magasin, sera vendu.

Mais la fermeture de certains magasins ne sera pas la panacée. 

Un plan nécessaire

Pour maintenir l’entreprise en vie et même envisager une renaissance, les dirigeants devront développer une toute nouvelle façon de penser, affirme Jenna Jacobson, professeure à l’Université métropolitaine de Toronto et spécialisée dans le commerce de détail. 

«Il ne s’agit pas seulement de réduire les coûts, il s’agit en réalité de revoir ce que pourrait être un plan stratégique pour s’adapter aux défis présents dans ce paysage de vente au détail en évolution», explique-t-elle. 

Mme Amlani acquiesce. 

«Si un tel objectif existe, alors nous devons revenir à l’essentiel et nous inscrire au “Vente au détail 101”», écrit-elle dans un courriel. 

«Cela signifie que les dirigeants doivent commencer par faire leurs propres achats. Allez en magasin et voyez à quoi ressemble l’expérience du client. Les domaines d’amélioration deviendront apparents très rapidement.» 

Les analystes du commerce de détail ont depuis longtemps noté que les magasins de la Baie d’Hudson avaient l’air fatigués et attiraient peu d’achalandage, car les acheteurs dépensaient de l’argent en ligne ou chez d’autres détaillants offrant une expérience en magasin plus excitante. 

Plusieurs causes

En déposant une demande de protection des créanciers vendredi, l’entreprise a imputé ses malheurs à la faiblesse des dépenses de consommation, aux tensions commerciales entre les États-Unis et le Canada et au déclin post-pandémie de la fréquentation des magasins des centres-villes. 

La situation est devenue si grave que Jennifer Bewley, directrice financière de la société mère de La Baie d’Hudson, a déclaré dans un document judiciaire que l’entreprise avait du mal à effectuer des paiements aux propriétaires, aux fournisseurs de services et aux vendeurs et qu’elle avait dû reporter certains paiements pendant plusieurs mois. 

Vendredi, Mme Bewley a indiqué qu’un propriétaire avait «illégalement verrouillé» un magasin de la Baie d’Hudson de l’extérieur à Sydney, en Nouvelle-Écosse, et qu’une équipe d’huissiers avait tenté de saisir des marchandises dans un magasin qu’elle exploite à Sherway Gardens, un centre commercial d’Etobicoke, en Ontario. 

Elle a prévenu que l’entreprise serait à deux doigts de ne pas respecter ses obligations salariales envers ses 9364 employés, si elle ne recevait pas plus de financement. 

Les détails n’ont pas surpris Mme Kovacevic. Le déclin de la Baie d’Hudson se reflète dans les dossiers qu’elle a vus de toutes sortes de détaillants qui sont maintenant aux prises avec la façon dont la COVID-19 a sabordé leur achalandage et leurs ventes. 

Cependant, la Baie d’Hudson a attribué une partie de ses difficultés à la guerre commerciale entre les États-Unis et le Canada. 

C’est la première fois que Mme Kovacevic voit des tensions commerciales figurer dans une demande de protection contre les créanciers au Canada. 

Elle s’attend à ce que d’autres cas suivent, mais elle estime qu’il n’est pas juste que la Baie d’Hudson impute sa situation aux droits de douane. 

«Je pense que c’était peut-être le dernier clou dans le cercueil, conclut-elle. Mais je pense que la Baie d’Hudson allait probablement dans cette direction de toute façon.»

Tara Deschamps

Tara Deschamps

Journaliste