Huit décennies après la fin du conflit militaire le plus meurtrier de l'histoire, les Canadiens ont observé une minute de silence mardi, lors des cérémonies du jour du Souvenir, afin d'honorer ceux qui ont donné leur vie pour leur pays.
À Ottawa, par un froid glacial, près du Monument commémoratif de guerre du Canada légèrement saupoudré de neige, John Preece, vétéran de la Seconde Guerre mondiale âgé de 99 ans, a confié à La Presse Canadienne se souvenir encore des pénibles marches dans la boue et par mauvais temps pendant la guerre.
M. Preece, qui servait comme simple soldat, a été blessé au bras par une balle de tireur d'élite alors qu'il manœuvrait une mitrailleuse légère Bren aux Pays-Bas en avril 1945.
Il fait partie des quelques milliers de vétérans canadiens de cette guerre décisive encore en vie.
«Je ne connais aucun vétéran (de la guerre). Je n'en ai jamais vu. Quand je vais à l'ancien régiment à Toronto pour leur rendre visite, il n'y a personne. Tout le monde est parti, a-t-il dit. Combien de personnes de 100 ans ou plus connaissez-vous?»
Anciens Combattants Canada estime qu'il reste cette année 3691 vétérans canadiens de la Seconde Guerre mondiale – 667 femmes et 3024 hommes.
«Les événements de la Seconde Guerre mondiale passent très rapidement du récit vécu par ceux à qui l'on peut parler… à une histoire dont on ne peut plus entendre les souvenirs», explique Jeff Noakes, historien de la Seconde Guerre mondiale au Musée canadien de la guerre.
Les récits de cette guerre – des horreurs sanglantes des combats aux conséquences de l'incertitude économique de l'après-guerre – passent du vécu à l'histoire écrite à mesure que le nombre de vétérans qui se souviennent de cette époque diminue.
«Même si vous aviez cinq ans à la fin de la guerre, vous auriez 85 ans aujourd'hui, ajoute M. Noakes. On passe donc du statut de personne connue, d'un voisin ou d'un membre de la famille, à celui d'une personne qui ne peut plus en parler… d'une histoire qui n'est plus vécue.»
Wayne MacCulloch, major à la retraite et ancien Casque bleu ayant servi en Haïti et en Bosnie, a soutenu que davantage de civils devraient prendre le temps de discuter avec les vétérans de leurs expériences.
Il a énuméré une série d'expériences marquantes de sa propre carrière militaire: une confrontation avec une foule armée de machettes en Haïti, un détour par un champ de mines, une attaque à la tronçonneuse, des échanges de tirs soudains.
«On comprend mieux ce que c'était que de servir son pays en discutant avec quelqu'un, a-t-il confié. On peut lire dans leurs yeux ce qu'ils ont vécu, et ce n'est qu'en comprenant concrètement comment les intérêts du Canada sont représentés à travers le monde qu'on peut vraiment saisir toute la portée de ces événements.
«C'est pour ça que je reviens toujours pour le jour du Souvenir.»
Des personnalités et des familles
Nancy Payne, une mère décorée de la Croix d'argent, a déposé une couronne lors de la cérémonie à Ottawa au nom des mères dont les proches sont morts au service de leur pays.
Le premier ministre Mark Carney, accompagné de son épouse Diana, a déposé à son tour une couronne commémorative.
Par la suite, M. Carney a serré la main de plusieurs vétérans, dont trois membres d'une même famille représentant différentes générations de militaires.
Ralph Storey a fêté ses 88 ans le jour du Souvenir. Il a servi dans une mission de l'OTAN en Allemagne dans les années 1950, alors qu'il était adolescent.
Il assistait à la cérémonie à Ottawa avec son fils Ed, lui aussi ingénieur militaire, dans la soixantaine, et son petit-fils Charles, trentenaire, qui sert dans la Marine.
«Je suis très fier d'eux tous», a affirmé Ralph Storey.
Des familles de soldats morts au combat ont pris place des heures à l'avance dans la capitale fédérale enneigée, bravant le froid pour avoir une bonne vue sur la cérémonie au Monument commémoratif de guerre du Canada.
Brian Revet, qui a perdu un oncle, mitrailleur d'avion pendant la Seconde Guerre mondiale, a fait le voyage de Saskatoon à Ottawa pour l'événement.
Il est arrivé à 8 h pour pouvoir assister de près à une cérémonie qu'il suit à la télévision depuis son adolescence.
«Cela a toujours été très important pour moi, depuis l'âge de 16 ans. Je n'ai jamais servi, je ne pouvais pas imaginer ce que c'était», a-t-il confié.
Fait rare, la gouverneure générale Mary Simon était absente de la cérémonie, car elle se remettait d’un virus respiratoire à l’hôpital. Le juge en chef de la Cour suprême, Richard Wagner, l’a remplacée à la présidence de la cérémonie à Ottawa.
Un hélicoptère UH-60 Black Hawk de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a survolé la cérémonie à Ottawa; les avions de chasse CF-18 Hornet de l'Aviation royale canadienne étaient cloués au sol en raison des conditions météorologiques.
Don Bindon, un vétéran de la GRC comptant 36 ans de service, qui assistait à la cérémonie à Vancouver en uniforme rouge, a indiqué que son fils était dans l'armée et que son père avait servi pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le maître principal de 2e classe Matthew Chabassol était également présent à la cérémonie à Vancouver. Il a déclaré que cette journée lui donnait l'occasion de penser à ses amis et aux membres de sa famille qui ont servi.
«Certains ne sont plus parmi nous, a-t-il dit. Cela me rappelle avec force ce que nous avons fait et accompli.»
Ailleurs au pays
Lors de la cérémonie à Halifax, en Nouvelle-Écosse, la mairesse de Boston, Michelle Wu, récemment réélue, était présente.
Accompagnée du maire d'Halifax, Andy Fillmore, Mme Wu s'est dite heureuse d'assister à la cérémonie, y voyant un témoignage des liens étroits qui unissent Halifax et Boston. Elle a déposé une gerbe au cénotaphe local au nom de la Ville de Boston.
À Calgary, des milliers de personnes se sont rassemblées aux Musées militaires pour la cérémonie, où un honneur était réservé aux anciens combattants.
À l’ancien hôtel de ville de Toronto, la mairesse Olivia Chow a déclaré que le jour du Souvenir revêtait une signification particulière cette année, marquant le centenaire du cénotaphe de Toronto, érigé après la Première Guerre mondiale.
À Queen’s Park, des tirs d’artillerie ont couvert le son des cornemuses, dans le cadre d’une salve de 21 coups de canon. Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, et la ministre de l’Industrie, Mélanie Joly, figuraient parmi les personnalités présentes. La cérémonie s’est conclue par une sonnerie de trompettes après le passage de deux avions Hercules.
— Avec la collaboration de de Rianna Lim et Sonja Puzic. à Toronto, de Bill Graveland, à Calgary, de Ian Young et Wolfgang Depner, à Vancouver, et d'Emily Cadloff, à Halifax


