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«Une chose est certaine, je sais comment gagner, a lancé le politicien. Je sais également que ce pays a besoin du Parti conservateur.»
L'ancien premier ministre du Québec Jean Charest a promis jeudi soir aux militants du Parti conservateur du Canada de leur «livrer un gouvernement» s'ils le choisissent comme chef de leur formation.
Une telle affirmation, «aucun autre candidat dans la course» ne peut la faire, a-t-il prétendu, lançant du même coup une flèche à celui qui est perçu comme le meneur, le député Pierre Poilievre de la région d’Ottawa.
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L'événement, qui avait lieu dans une brasserie de Calgary où s'était rassemblée une centaine de militants, a permis à M. Charest de se présenter comme le candidat en mesure «d’unir le parti et d’unir le pays».
Dans un discours d’une vingtaine de minutes entièrement en anglais, durant lequel il n’a jamais regardé ses notes, il a expliqué que l'Alberta doit être «à la table» du gouvernement, en train de définir les politiques, plutôt que dans l'opposition, à «vivre avec».
M. Charest a longuement tenté de se défaire de l'image du premier ministre qui n'a pas assez défendu l'industrie pétrolière et qui ne comprend pas les enjeux énergétiques de l'Ouest canadien, lui qui, en tant que premier ministre du Québec, avait notamment lancé un programme de plafonnement et d’échange d'émissions de GES.
Il a dit ne pas être contre les pipelines. Au contraire. «Vous savez qui a bâti le dernier pipeline au Québec? a-t-il lancé. C'est mon gouvernement!»
Le politicien, qui fait un retour en politique fédérale après plus de 20 ans, a plaidé savoir «comment un gouvernement fonctionne», ce qui permet d'«accomplir de grandes choses», comme construire «des pipelines», a-t-il dit dans une énumération où il s'est fait chaudement applaudir.
L'invasion de l'Ukraine par la Russie a changé la donne, et ce, «soudainement», mettant de l'avant l'importance de la sécurité d'approvisionnement en énergie, a-t-il plaidé.
«La Russie est en train d'être financée par l'Europe qui lui achète son pétrole et son gaz pour payer une guerre contre l'Ukraine, a expliqué M. Charest. Et où est le Canada dans tout ça? Où est le pays au monde qui peut les approvisionner en pétrole et en gaz?»
Jean Charest, aujourd'hui âgé de 63 ans, avait fait son entrée à la Chambre des communes en 1984 après avoir été élu sous la bannière du gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney. Il était devenu ministre avant même d’atteindre l'âge de 30 ans.
Le politicien natif de Sherbrooke a dirigé les conservateurs pendant plusieurs années, jusqu’en 1998, lorsqu'il a quitté la politique fédérale pour aller diriger le Parti libéral du Québec (PLQ) sur la scène provinciale.
Jean Charest a été premier ministre du Québec de 2003 à 2012, avant d’être défait à la suite d’importantes manifestations étudiantes.
Depuis que le nom de M. Charest circule en coulisse, M. Poilievre a rapidement dépeint son futur adversaire comme étant en faveur de politiques comme la tarification fédérale du carbone, ce à quoi sont opposés plusieurs membres du parti.
Jean Charest doit se rendre vendredi à Vancouver avant de revenir au Québec pour planifier la suite de sa tournée.
L'ancien premier ministre du Québec, Jean Charest, lance officiellement sa campagne pour la course à la direction des conservateurs lors d'un événement à Calgary, en Alberta, le jeudi 10 mars 2022. LA PRESSE CANADIENNE/Dave Chidley
Charest a choisi de lancer sa campagne dans l'Ouest, l'un des champs de bataille de la course à la direction du Parti conservateur du Canada.
La ville choisie, Calgary, perçue comme la capitale de l'énergie au pays, contraste avec le politicien qui a instauré une taxe sur le carbone alors qu'il était premier ministre du Québec.
«C'est un opportuniste», lance Garry Dyck, un septuagénaire attablé dans une populaire chaîne de burgers d'Airdrie, une ville-dortoir, à une vingtaine de minutes de route du centre-ville.
L'ouverture de M. Charest à la construction de pipelines pour des raisons de sécurité énergétique qu'il a déclarée sur de nombreuses tribunes, jeudi, renforce son impression de celui qui a contribué à «détruire» le pays en instaurant une taxe sur le carbone.
Il a «attendu jusqu'à minuit moins une pour voir la lumière», lance M. Dyck au sujet du politicien dont les positions sont flexibles «en fonction d'où le vent souffle», dit-il en promenant son index dans les airs. Sans compter qu'il a été «un fantôme» depuis trop longtemps.
À l'inverse, M. Dyck voit en Pierre Poilievre, le principal adversaire, un politicien «éloquent et intelligent», qui exige des comptes des «élites».
M. Charest «ne récoltera pas beaucoup d'appuis» dans l'Ouest, confirme Duane Bratt, un professeur de science politique à l'Université Mount Royal, à Calgary.
«Mais il y a une voie claire vers la victoire pour Jean Charest, et les conservateurs doivent déterminer s'ils veulent un conservateur de droite pur et dur comme Poilievre ou s'ils sentent qu'ils veulent gagner des élections», résume-t-il.
Selon lui, le véritable champ de bataille de la course à la direction sera, comme durant les élections fédérales, la couronne de Toronto. Le politologue prédit que le Québec sera à l'avantage de Jean Charest et que les votes de l'Ouest iront essentiellement à Pierre Poilievre.
C'est le professeur Bratt qui a recommandé de sortir de Calgary, où Jean Charest lançait sa campagne, pour trouver des lieux «bondés de conservateurs», parce que la ville est davantage progressiste et que l'idée qu'elle est le centre de la pensée conservatrice relève davantage de l'histoire et de la tradition intellectuelle.
Et comme de fait, la dizaine de personnes avec qui La Presse Canadienne a discuté à Airdrie ont presque toutes déclaré voter pour le Parti conservateur, à l'exception d'un homme refusant de révéler son allégeance politique, mais qui déteste «le gars aux beaux cheveux».
Il n'en reste pas moins que Jean Charest est généralement perçu dans l'Ouest comme «un libéral» qui n'a pas suffisamment défendu l'industrie pétrolière et qui a même mis des bâtons dans les roues de l'ancien premier ministre conservateur Stephen Harper, note M. Boily.
Le camp de Pierre Poilievre s'appuie sur la perception que Jean Charest n'est pas un vrai conservateur. Le sénateur conservateur montréalais Leo Housakos, qui travaille au sein de l'équipe de Pierre Poilievre dans la course à la direction du parti, a d'ailleurs qualifié plus tôt cette semaine Jean Charest de «conservateur de convenance».
Selon le professeur Bratt, le message s'adresse aux conservateurs qui n'aiment pas Justin Trudeau, qui pensaient que l'ancien chef Erin O'Toole était une pâle imitation de M. Trudeau et qui pensent que Jean Charest pourrait être une imitation encore plus pâle.
Le potentiel de division est bien réel dans cette course, tant sur des enjeux idéologiques que régionaux, affirme son collègue Boily, un avis partagé par plusieurs conservateurs.
L'endroit où Jean Charest se lance officiellement dans la course jeudi, la brasserie Wild Rose, constitue un clin d'oeil, rappelle l'historien Stéphane Guévremont de l'Université de Calgary.
En plus de porter le nom de la fleur symbolique de la province de l'Alberta, la rose sauvage, elle a surtout «le même nom que le parti politique radical de droite qui avait ébranlé l'Alberta au début des années 2000 et qui avait mené à la dislocation du Parti conservateur albertain en petits groupes de droite et d'extrême droite».
Parmi les autres candidats déclarés à la course à la direction du Parti conservateur, il y a aussi la députée ontarienne Leslyn Lewis et le député indépendant de l’Assemblée législative de l'Ontario Roman Baber.
La députée conservatrice Leslyn Lewis à Ottawa le lundi 7 février 2022. La Presse canadienne/Justin Tang
Roman Baber est montré dans cette photo d'archive non datée. La Presse canadienne
Les aspirants à la chefferie pour succéder à Erin O'Toole ont jusqu’au 19 avril pour présenter leur candidature.