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Sa fille meurt à Gaza: un Palestinien de Montréal dénonce les délais d'Affaires mondiales Canada

«Je ne peux pas perdre d'autres membres de ma famille.»

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(Courtoisie | CTV News)

Il y a plus d'un an et demi, Mahmoud El-Kahlout perdait sa fille. Alors âgée de 13 ans, elle est morte de malnutrition à Gaza, six ans après qu'il ait tenté par tous les moyens de la faire venir au Canada depuis cette région dévastée.

Ce texte est une traduction d'un article de CTV News.

Le résident de Montréal a raconté qu'il attendait que sa résidence permanente canadienne soit approuvée afin de pouvoir parrainer une demande d'immigration pour sa fille, Jana, atteinte d'une paralysie cérébrale.

Le statut canadien d'El-Kahlout a été confirmé en février 2024, un mois après la mort de Jana.

«J'ai perdu ma fille lors de la guerre à Gaza, deux semaines avant que nous ne soyons censés nous retrouver», a-t-il déploré. «Elle a eu une vie difficile.»

M. El-Kahlout explique à CTV News qu'il n'a pas eu le temps de faire son deuil et qu'il s'inquiète toujours pour les membres de sa famille toujours en vie à Gaza.

Il dit qu'il essaie maintenant de les faire venir au Québec, mais montre du doigt les formalités administratives, qui rendent la chose impossible.

CTV News a commencé à discuter avec El-Kahlout il y a trois semaines.

Depuis, il affirme que son cousin et ses enfants ont été tués dans leur tente par des frappes israéliennes et que plusieurs autres membres de sa famille ont été grièvement blessés.

«Je ne peux pas perdre d'autres membres de ma famille. Il n'y a pas de vie à Gaza.»
- Mahmoud El-Kahlout
CTV News (CTV News)

Il explique que sa femme, Samar Alkhdour, s'est d'abord installée en Ohio, aux États-Unis, en 2017, avec deux des enfants du couple, aujourd'hui âgés de 11 et 8 ans, pour obtenir une maîtrise en développement international.

El-Kahlout, qui travaillait dans l'aide humanitaire à Gaza, est d'abord resté avec Jana.

Il est finalement parti en 2018 et se trouve à Montréal depuis 2019, lorsque sa demande d'asile a été acceptée.

Jana, qui souffrait d'atrophie cérébrale et avait toujours besoin de deux ou trois soignants à proximité, ne pouvait pas voyager en toute sécurité et est restée avec les parents d'El-Kahlout, ainsi qu'avec son frère, Hasan, et sa femme, Mariam.

El-Kahlout dit avoir dit aux autorités canadiennes que sa fille était toujours à Gaza, mais il a dû faire face à des retards de la part d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) lorsqu'il a essayé de la retrouver.

En raison de l'état de santé avancé de sa fille, M. El-Kahlout dit avoir d'abord pensé qu'il serait plus facile de la faire sortir du pays une fois que sa femme et lui auraient été réinstallés au Canada et seraient devenus des résidents permanents.

Ils disent qu'ils ne s'attendaient pas à devoir faire face à autant d'obstacles bureaucratiques.

Malgré des rencontres avec des hommes politiques canadiens, dont l'ancien procureur général du Canada David Lametti, les demandes d'El-Kahlout pour que Jana quitte Gaza sont restées au point mort.

Il estime que sa famille a été confrontée à des préjugés anti-palestiniens.

«Nous sommes ici pour des raisons humanitaires, pour sauver notre enfant», a lancé M. El-Kahlout. «Nous ne sommes pas à l'origine d'un conflit. Nous sommes des Palestiniens qui vivent au Canada et nous avons besoin d'une solution.»

M. El-Kahlout explique qu'Affaires mondiales Canada a finalement permis à Jana d'entrer au Canada en décembre 2023, car sa vie était en danger, mais sa santé s'était considérablement détériorée en raison d'un manque d'accès à la nourriture et aux médicaments.

Jana est finalement décédée le 8 janvier 2024, quelques jours après son 13e anniversaire, alors que son oncle et sa tante, Hasan et Mariam, s'apprêtaient à l'emmener en lieu sûr par le point de passage de Rafah.

«Nous avons perdu Jana dans ce génocide. Les ressources disponibles n'ont pas suffi à la sauver et elle est décédée, nous laissant un immense chagrin.»

Une rencontre fortuite

La mort de Jana a créé des obstacles supplémentaires pour Hasan et Mariam, qui était enceinte à l'époque, pour quitter la bande de Gaza.

Leurs documents indiquaient qu'ils devaient voyager avec une enfant de 13 ans, mais en raison de la guerre, ils n'ont pas pu obtenir son certificat de décès.

Ils sont restés bloqués en Égypte pendant des mois, sans maison ni revenu, tandis qu'El-Kahlout plaidait pour qu'ils le rejoignent.

M. El-Kahlout a déclaré qu'il n'arrivait à rien faire avec Affaires mondiales Canada, jusqu'à ce qu'une rencontre fortuite avec le premier ministre de l'époque, Justin Trudeau, lors de l'élection partielle dans la circonscription montréalaise de LaSalle-Émard-Verdun en septembre 2024, débouche sur une avancée longtemps attendue dans le dossier.

«Je lui ai dit que je ne bougerai pas tant que vous n'aurez pas trouvé une solution pour mon frère et sa femme», se souvient M. El-Kahlout.

Il raconte que M. Trudeau lui a remis une carte avec le numéro de son bureau et que, deux semaines plus tard, M. El-Kahlout a reçu un courriel indiquant que les visas de Hasan et de Mariam avaient été approuvés.

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Les deux l'ont finalement rejoint au Québec.

Aujourd'hui, il dit vouloir trouver un moyen de faire sortir ses parents et ses autres frères et sœurs de Gaza.

«Tous les jours, ils m'envoient des SMS pour me demander de les faire sortir», confie M. El-Kahlout. «J'ai besoin d'un nouveau miracle pour ma famille, et pas seulement pour ma famille, mais pour tous les habitants de Gaza.»

Un échec crève-cœur

La Montréalaise Israa Hilles dit connaître les délais monstres d'Affaires mondiales Canada, qualifiant la situation de «déchirante».

Elle dit avoir soumis des demandes pour que ses frères et sœurs et leurs enfants puissent venir au Canada en vertu des mesures spéciales du pays pour Gaza en janvier 2024.

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Bien qu'elle ait satisfait à toutes les exigences, dépensé des milliers de dollars et effectué d'innombrables suivis, Mme Hilles affirme que «les demandes n'ont pas été traitées».

Elle affirme que sa sœur et ses enfants se trouvent actuellement en Turquie, tandis que ses frères sont en Égypte, tous sans statut juridique, sans logement convenable, sans éducation et sans accès aux soins médicaux.

«Cela fait presque deux ans, et pourtant nous attendons toujours, sans aucune explication pour ce retard», dit-elle. «Nous voyons nos familles souffrir pendant que le système reste silencieux. Ce n'est pas seulement de la bureaucratie, c'est la vie des gens qui est en suspens. L'un de mes frères est perdu à Gaza depuis décembre 2023, et jusqu'à présent, il n'y a pas eu de nouvelles.»

Les personnes qui tentent de passer en Égypte depuis la frontière de Rafah doivent payer des milliers de dollars - 5000 dollars pour un enfant et jusqu'à 10 000 dollars pour un adulte - selon M. El-Kahlout et Mme Hilles.

Le plus grand défi

En réponse à la détérioration de la situation, le Canada a ouvert un programme de visa de résident temporaire (VRT) pour permettre à 5000 Palestiniens de retrouver leur famille élargie.

Ce programme a cessé d'accepter les demandes le 6 mars, selon le site web de l'IRCC.

L'IRCC déclare qu'il ne prévoit pas d'accepter de nouvelles demandes.

Selon un communiqué de presse d'Amnistie internationale daté du 23 juillet, «seules quelques douzaines de Gazaouis sont arrivés au Canada dans le cadre du programme VRT. Quelque 800 Gazaouis sont arrivés par d'autres voies».

L'organisation a qualifié le programme d'«échec déchirant».

«Les familles restent douloureusement séparées, de nombreux proches étant coincés à Gaza sous des bombardements incessants ou bloqués en Égypte, souvent dans des conditions surpeuplées ou dangereuses, dans l'attente d'une réponse sur leur statut au titre du programme VRT», a déclaré Amnesty International.

IRCC a confirmé à CTV News que quelque 1750 personnes ayant quitté Gaza ont été autorisées à venir au Canada et que 864 personnes étaient arrivées au 8 juillet.

Le ministère a souligné que la sortie de Gaza est le principal obstacle au regroupement familial au Canada, «car chaque pays fixe ses propres exigences en matière d'entrée et de sortie».

«Bien que nous continuions à plaider en faveur de la sortie en toute sécurité des demandeurs, IRCC n'a ni le mandat ni la capacité d'évacuer les ressortissants étrangers des zones de conflit», a indiqué le ministère. «En fin de compte, dans le cadre du processus de demande d'adhésion à ce programme et avant qu'une demande puisse être finalisée, les personnes doivent être en mesure de quitter Gaza pour compléter leurs données biométriques, ce qui continue d'être le plus grand défi.»

Amnistie Internationale demande néanmoins au Canada de traiter toutes les demandes restantes dans un délai de 14 jours, en appliquant les mêmes critères de contrôle de sécurité que pour le visa d'autorisation de voyage d'urgence Canada-Ukraine, entre autres mesures.

Ce programme dispense les Ukrainiens de passer des examens médicaux d'immigration à l'étranger et permet de traiter leurs demandes dans un délai de deux semaines.

M. El-Kahlout souhaite également que le Canada mette en place des centres de collecte de données biométriques en Égypte et dans d'autres pays voisins, et qu'il garantisse des abris de courte durée dans les zones de transit afin que les personnes comme la famille de M. Hilles disposent d'un lieu de séjour adéquat.

«Le Canada veut reconnaître un État palestinien en septembre... s'il vous plaît, reconnaissez les Palestiniens au Canada. Nous avons une famille, nous avons des êtres chers, nous pouvons les perdre à tout moment.»

Le ministère de la Santé de Gaza et les Nations unies ont mentionné que plus de 61 000 Palestiniens ont été tués par les forces israéliennes depuis le 8 octobre 2023, et estiment que des milliers d'autres sont portés disparus ou piégés sous les décombres.

À l'inverse, le gouvernement israélien affirme avoir recensé 1 983 morts depuis cette date, ajoutant que 50 otages sont toujours détenus par le Hamas, dont 20 seraient encore en vie.

M. El-Kahlout dit qu'il espère désespérément pouvoir faire sortir le reste de sa famille avant qu'il ne soit trop tard.