Justice

«Je n'arrivais pas à y croire»: acquitté au pénal, son agresseur est reconnu coupable au civil

«Pendant 30 ans, cet homme a prétendu que je mentais, que j'étais folle.»

Publié

«Je n'arrivais pas à y croire»: acquitté au pénal, son agresseur est reconnu coupable au civil Une Québécoise, qui a vu son agresseur être acquitté par un tribunal au criminel, a remporté son procès au civil le mois dernier.

Une Québécoise, qui a vu son agresseur être acquitté par un tribunal au criminel, a remporté son procès au civil le mois dernier. Elle affirme pouvoir enfin guérir des événements traumatisants qui remontent à 1996.

Lorsque Mélanie Briand a reçu le jugement de 2021 innocentant son ancien beau-père de toutes les accusations d'abus sexuels, elle dit avoir eu l'impression que le monde s'était arrêté.

Ce texte est une traduction d'un article de CTV News.

«Je n'arrivais pas à y croire. J'avais tellement espoir de gagner le procès et j'avais l'impression d'avoir bien témoigné, mais c'est comme ça, je ne peux pas fournir d'autres preuves», a-t-elle raconté à CTV News.

Selon les documents judiciaires, Mélanie Briand a accusé Roger Bélanger de l'avoir agressée sexuellement et d'avoir créé une «dynamique incestueuse» lorsqu'elle avait 16 ans. Il entretenait une relation amoureuse avec la mère de Mélanie Briand et vivait avec la famille à l'époque.

«Il faut comprendre que pendant 30 ans, cet homme a prétendu que je mentais, que j'étais folle. J'ai porté ce poids pendant 30 ans, et maintenant c'est fini. Cela ne m'appartient plus.»
-Mélanie Briand 

Roger Bélanger a nié ces accusations. Ses avocats n'ont pas répondu à la demande de commentaires de CTV News.

Mme Briand espérait pouvoir faire appel, mais on lui a dit que le procureur ne donnerait pas suite à son affaire.

«Cela a été très difficile pour moi. J'ai eu besoin de temps pour pleurer, puis j'ai beaucoup prié à ce moment-là pour essayer de comprendre où tout cela me menait», a-t-elle ajouté.

À peu près à la même époque, un groupe de femmes accusant Gilbert Rozon, fondateur du festival Juste pour rire, d'agression sexuelle a fait la une des journaux en intentant une action civile contre lui après qu'il ait été acquitté par le tribunal pénal.

C'est à ce moment-là que Mélanie Briand a réalisé pour la première fois qu'il pouvait y avoir d'autres options pour elle.

«Mon sentiment d'injustice était si fort que je n'avais d'autre choix que de rebondir. Je ne pouvais pas rester dans cet état parce que j'étais trop blessée par le système.»

Elle a donc intenté un procès pour obtenir 100 000 dollars en dommages et intérêts, affirmant que les abus sexuels présumés lui avaient causé un traumatisme durable, et elle a gagné son procès.

Dans sa décision du 17 octobre, le juge québécois Maxime Roy a déclaré que le témoignage de Mélanie Briand était «crédible et fiable».

«Mélanie Briand livre un récit détaillé, cohérent, précis et cohérent, avec assurance et sans agressivité», a-t-il écrit. «Elle cherche sincèrement à dire la vérité.»

Procédure pénale c. civile

Bien que les faits présumés remontent à 1996, Mme Briand ne s'est sentie prête à porter plainte auprès de la police qu'en 2018.

La procédure pénale a duré trois ans.

«J'ai suivi la procédure, j'ai rencontré le procureur, qui m'a vraiment laissé le temps de raconter mon histoire. Mais bien sûr, comme il s'agissait d'une affaire historique, les faits remontant à plus de 30 ans, mes chances de succès n'étaient pas très élevées», a admis Mme Briand.

Elle a néanmoins poursuivi la procédure et a perdu son procès. Selon Mme Briand, celle-ci n'a pas eu accès à sa déclaration originale à la police et a subi le procès seule, sans témoins pour témoigner en sa faveur.

Elle affirme que M. Bélanger, quant à lui, avait accès à tous les documents et était mieux préparé.

Contrairement au juge Roy, le juge au criminel a jugé le témoignage de Mme Briand «peu fiable» et «pas assez convaincant», a-t-elle souligné.

«Si vous n'avez pas de preuves matérielles, votre témoignage revêt une importance capitale. Il ne peut y avoir aucune incohérence, il doit être vraiment parfait. Et c'est là la grande différence avec les affaires civiles», a confié Mme Briand.

Au tribunal pénal, un juge doit être convaincu au-delà de tout doute raisonnable avant de déclarer un accusé coupable.

La charge de la preuve est différente au tribunal civil: un plaignant doit démontrer un équilibre des probabilités et prouver que les faits à l'appui de sa demande sont plus probables qu'improbables.

Mme Briand dit qu'elle se sentait plus confiante et mieux préparée lorsque le procès civil a commencé, qu'elle avait des témoins à appeler et que le juge comprenait que le temps et le traumatisme peuvent affecter la mémoire.

«Le plus difficile, c'est que vous vous exposez complètement. Je parle de tous les dommages psychologiques que j'ai subis, de toutes mes blessures, de toutes les choses qui ont été difficiles pour moi dans ma vie», explique Mme Briand. «Vous vous mettez donc complètement à nu devant le juge et des inconnus, et devant la personne qui vous a fait du mal. Et c'est vraiment difficile.»

Le juge s'étant rangé de son côté, elle se dit fière et satisfaite de son procès civil.

Les nouveaux tribunaux spécialisés du Québec

Mme Briand dit qu'elle aurait aimé avoir accès aux nouveaux tribunaux du Québec qui traitent les affaires de violence sexuelle.

En 2022, le gouvernement a mis en place un réseau de tribunaux spécialisés dans les affaires de violence domestique et sexuelle. Dans ces tribunaux, les victimes sont accompagnées et soutenues dans leurs démarches juridiques dès qu'elles déposent plainte.

L'idée est d'éviter aux victimes d'avoir à répéter leur histoire plusieurs fois et d'être physiquement proches de leur agresseur tout au long du processus.

À VOIR AUSSI | «Pas de corps, pas de preuve»: une victime de violence conjugale appréhende la sortie de prison de son agresseur

En novembre, 25 des 36 districts judiciaires de la province disposaient d'un de ces tribunaux.

Mais l'affaire Briand a été jugée avant leur création.

«Parfois, les stratégies de défense utilisées peuvent être très intimidantes. Et dans ce type de tribunal, les avocats ont une approche sensible au traumatisme, ce que je n'ai pas eu», a-t-elle soutenu.

«C'est tellement important, surtout quand on doit raconter des événements qui vous ont profondément perturbé, qui vous ont profondément affecté, devant des inconnus. Des mesures doivent être mises en place autour des victimes pour qu'elles se sentent en sécurité. Je ne peux pas dire que j'ai bénéficié de cela, mais j'aurais aimé en bénéficier.»

Elle ajoute toutefois qu'elle a entamé la procédure judiciaire en 2018 avec le désir de guérir et qu'elle en ressort avec «une nouvelle Mélanie de 2025».