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Chaque organisme communautaire détient un morceau de la solution au casse-tête de l'itinérance.
L’itinérance est de plus en plus visible dans les rues de Sherbrooke, et les ressources d’aide mises à la disposition de cette population sont donc plus importantes que jamais.
Ces ressources - et les gens qui les tiennent à bout de bras -, Gabriel Pallotta les connait bien. Le coordonnateur de la Table Itinérance de Sherbrooke a invité Noovo Info à les rencontrer, le temps d'une balade à travers la ville.
Lorsqu’on est en situation d’itinérance, «c'est beaucoup d'heures dans une journée où on doit trouver comment traverser la journée et comment survivre», rappelle M. Pallotta. Chacune des ressources présentes sur le territoire de la Ville de Sherbrooke représente un morceau de la solution au casse-tête quotidien des personnes en situation d’itinérance.
Notre premier arrêt se fait à La Chaudronnée, mieux connue comme la soupe populaire de la région, où le coordonnateur François Lemieux nous fait visiter les locaux. On y sert des déjeuners et des dîners tous les jours, pour seulement 2 $. Des intervenants sont également sur place pour échanger avec la clientèle et la rediriger vers les bonnes ressources d'aide, si souhaité. Diverses activités sont également proposées pour aider les gens à se remettre sur pied et retrouver un sentiment d'accomplissement trop souvent perdu lors de périodes difficiles.
Avec l'enjeu d'itinérance qui ne fait qu'augmenter, est-ce que l'organisme arrive à répondre aux besoins de tous ses usagers? «Oui, on y arrive. Tout le monde ici mange, et on s'assure d'avoir assez de nourriture», soutient M. Lemieux. Dans la dernière année, La Chaudronnée a servi 34 000 repas, soit une augmentation de 30% par rapport à l’année dernière, souligne-t-il.
En quittant les lieux, nous rencontrons Stéphane, un homme dans la cinquantaine vivant en situation d'itinérance depuis quelques années. Pour le moment, il vit dans sa voiture dans le stationnement de La Chaudronnée. Malgré sa situation précaire, sa confiance en lui-même et sa joie de vivre sont contagieuses. «Ils me permettent de rester ici le temps que je fasse réparer ma voiture», lance-t-il, reconnaissant. Ces derniers temps, l’homme affirme se débrouiller pour faire l’épicerie pour une centaine de dollars par mois. «Mais disons que je suis loin de manger du caviar», nuance-t-il. «Ici, pour 20$, je mange tout le mois.»
Plus loin, nous allons à la rencontre du travailleur de rue Mathieu Smith. Il circule à pied au centre-ville de Sherbrooke quotidiennement, en interpellant les personnes en situation d’itinérance qu'il croise. Celui qui occupe cet emploi avec passion depuis 22 ans a admis avoir vu la situation se détériorer tout au long de sa carrière. «Les problèmes de consommation et les types de drogues sont de pire en pire. Avant, j'en rencontrais très peu dans les rues, mais maintenant, ils sont plusieurs, et partout.» Son travail en est avant tout un de prévention, explique-t-il. «J'interviens si nécessaire, tout le temps dans le but d'améliorer la qualité de vie des gens qu'on rencontre.»
Le Centre de jour Ma Cabane se trouve tout près de l'intersection des rues King Est et Bowen Sud, un endroit très fréquenté par les populations vulnérables. «C'est un lieu où les gens peuvent aller se déposer pendant la journée, avec des petites collations et des activités. Mais c'est surtout un endroit de socialisation, qui offre aussi un accès à des ordinateurs et des téléphones», explique son directeur général, Marc St-Louis. C'est également là qu'on retrouve la Halte-Chaleur, l'hiver.
«En parlant avec la clientèle, nos intervenants sur place constatent les besoins de chacun et les redirigent vers les bons organismes. En ce moment, ça se promène entre 80 et 120 personnes différentes par jour, 80 % d'hommes et 20 % de femmes. Physiquement, on est à la limite de nos capacités et on ne peut plus vraiment s'agrandir.»
Prochain arrêt: IRIS Estrie, un centre de prévention des surdoses et des infections liées à la consommation de drogues et aux comportements sexuels à risque. Les personnes aux prises avec des problèmes de dépendances peuvent ainsi s'y présenter, et consommer leurs stupéfiants en étant supervisées par des intervenants qualifiés. D'autres peuvent aussi profiter de services gratuits de dépistage de maladies transmises sexuellement.
«C'est beaucoup du bouche-à-oreille dans le milieu. Je pense que les gens nous connaissent bien et présentement, on est en augmentation d'utilisation de cette salle-là. Les gens peuvent venir en soirée quand les autres organismes, pour la plupart, sont fermés, pour venir consommer ici de façon sécuritaire», explique Charlene Aubé, directrice chez IRIS Estrie.
Notre tournée se termine ce jour-là au Partage Saint-François, en activité depuis des années à Sherbrooke. Différents volets se trouvent entre les murs du bâtiment, comme le comptoir familial, l'aile de réinsertion sociale, et le centre d'hébergement pour hommes et femmes en situation d'itinérance ou à risque de le devenir, l'Accueil Poirier. Tous les soirs à 17h00, le centre ouvre ses portes et accueille des usagers ayant besoin d'un lit de manière urgente et temporaire. Les personnes qui s'y présentent ont accès à l'un des 28 lits du refuge, une douche, des vêtements propres et un repas chaud.
Elisabeth Barbin est l'intervenante-responsable. «C'est d'accueillir la personne qui arrive en situation de stress, qui vient de passer toute la journée dehors, qui n'a pas réussi à trouver à manger ou même une cigarette. Ça nous permet de prendre le pouls de comment notre soirée va se passer.»
Avec tous les efforts de concertation mis en place pour faire face à l'itinérance, Sherbrooke est l'une des villes les plus avancées du Québec en termes de services offerts aux populations vulnérables, selon Gabriel Pallotta. En ce qui a trait aux fausses croyances voulant que les personnes en situation d'itinérance ne veulent pas se faire aider, ce dernier répond que c'est un mythe, et que c'est beaucoup plus complexe que ça.
«Quand on est dans une situation aussi marginale que celle de vivre dans la rue avec différentes problématiques, c'est difficile de demander de l'aide de la bonne manière et au bon moment. Donc oui, des fois, on dirait qu'il y a des personnes qui sont réfractaires à s'aider. Mais en fait, elles sont réfractaires de par les problématiques qu'elles vivent. C'est très rare que quelqu'un qui veut s'en sortir ne va pas pouvoir s'en sortir, mais c'est long, et c'est difficile.»