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Selon eux, le manque de personnel contraint les entreprises à hausser les salaires et à investir dans la productivité.
Le changement de cap du gouvernement fédéral sur l'immigration temporaire a lancé un vif débat sur les façons de régler les pénuries de main-d'œuvre.
Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé lundi que le gouvernement fédéral resserrerait les règles et durcirait les critères d'admissibilité afin de réduire le nombre de travailleurs étrangers temporaires au pays. Il a incité les entreprises à engager et à former des travailleurs canadiens.
La pandémie et le manque de main-d'œuvre qu'elle a provoqué avaient amené le gouvernement à se montrer plus souple sur l'entrée au pays de travailleurs étrangers temporaires.
Les groupes d'affaires ont approuvé des politiques favorisant l'immigration et l'arrivée de travailleurs étrangers afin de régler la pénurie de main-d'œuvre, mais des économistes rejettent le principe même d'une intervention gouvernementale dans ce domaine.
«Idéalement, les gouvernements ne devraient rien faire, mais il est difficile pour eux de ne rien faire quand les employeurs sont contrariés», lance Christopher Worswick, professeur d'économie à l'Université Carleton, à Ottawa.
Plusieurs économistes soutiennent qu'un resserrement du marché du travail est une bonne chose pour les travailleurs et pour l'économie. Selon eux, le manque de personnel contraint les entreprises à hausser les salaires et à investir davantage dans la technologie visant à augmenter la productivité.
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Les données du ministère de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté indiquent que 183 820 permis de travail ont été accordés à des travailleurs étrangers en 2023, une hausse de 88 % depuis 2019.
Le Pr Worswick réclame même l'abolition du programme pour les travailleurs temporaires étrangers. Le gouvernement devrait favoriser davantage le volet des postes à haut salaire dans ses programmes d'immigration.
L'économiste Mike Moffatt — un des experts qui se sont adressés aux ministres fédéraux au début de la semaine — demande aussi l'abolition du volet pour les postes à bas salaire dans les secteurs non liés à l'agriculture.
«On doit prendre garde contre ces demandes, car elles ne correspondent pas à la réalité de l'économie», riposte Diana Palmerin-Velasco, directrice principale, Avenir du travail à la Chambre de commerce du Canada.
Elle soutient que de nombreux postes à bas salaire doivent encore être comblés au pays, notamment dans les petites collectivités où le déclin démographique complique le recrutement d'employés.
Mme Palmerin-Velasco repousse aussi l'idée que la présence de travailleurs étrangers temporaires nuit aux salaires.
«Si les entreprises doivent augmenter les salaires pour attirer les travailleurs, qui en paiera le prix ? La facture sera refilée aux consommateurs à un moment où notre économie ne montre pas des signes de vitalité», dit-elle.
Le Pr Worswick souhaite que le Canada tente d'attirer l'élite des travailleurs qualifiés. Toutefois, l'immigration ne doit pas uniquement viser à résoudre les crises de main-d'œuvre, car celles-ci sont imprévisibles.
«Il vaut mieux se concentrer sur l'immigration des travailleurs qualifiés. Il faut cesser de parler des pénuries de main-d'œuvre. Il faut convaincre les entreprises à augmenter les salaires si elles ne peuvent combler les postes ou, comme l'a dit le premier ministre, de former leurs employés.»
Il dit ignore si le changement de cap du gouvernement fédéral signalement d’une nouvelle orientation sur le manque de main-d'œuvre.
«C'est la crise du logement qui a provoqué tout cela, souligne-t-il. Les gouvernements aiment parler des pénuries de main-d'œuvre. J'ignore si on changera de discours à ce sujet, mais les capacités d'accueil du pays sont désormais un enjeu.»