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Tout ça pour un travail qui comptait pour 1,5% de la note finale.
La poursuite de deux parents contre le Centre de services scolaire des Premières-Seigneuries, où étudiait leur fille, et où travaillait l'enseignante de celle-ci, qui lui avait donné la note de zéro pour avoir présumément plagié, a été rejetée par la Cour supérieure.
Les parents rejetaient le verdict du centre de service scolaire et réclamaient la somme de 30 000 $ en dommages et intérêts ainsi que 10 000 $ en dommages punitifs.
Et bien que le travail en question ne comptait que pour 1,5% de la note finale de Sylvie*, cette histoire se sera finalement étalée sur plusieurs années.
Au moment des faits, en novembre 2022, Sylvie était une bonne élève de secondaire 4, qui présentait une moyenne générale oscillant entre 80% et 85% et qui «n’avait jamais eu de problème de tricherie».
Dans son verdict rendu le 28 février dernier, la juge Nancy Bonsaint reconnaît que Sylvie a vécu du «stress» et de la «souffrance» en raison de l’incident, mais n’estime pas que l’institution d’enseignement a fait preuve de mauvaise foi dans sa décision. L’enseignante concernée insistait justement que le «dernier mot» quant à la note de l’étudiante revenait à la direction de l’école.
C’est lors d’un travail d’équipe réalisé avec sa meilleure amie dans le cadre d’un cours de français que s’est produit l’incident qui lui est reproché. L’enseignante Mélissa Poulin a jugé que le travail du binôme et celui de deux autres étudiants, surnommés C et D dans le jugement, étaient trop semblables et a donc attribué une note de zéro à l’ensemble des élèves concernés.
Dès le début de la saga, Sylvie s’est défendue d’avoir triché et aucun élève n’a voulu prendre le blâme. Les parents de la jeune fille ont alors pris le parti de celle-ci, affirmant qu’elle «aurait justice».
Un mois après, Mme Poulin a convoqué Sylvie et son amie pour leur apprendre que les élèves C et D avaient admis avoir plagié et copié leur travail. L’enseignante a alors demandé aux étudiantes comment leurs camarades pouvaient avoir accédé au devoir. L’amie de Sylvie a alors reconnu avoir montré leur introduction, au grand désarroi de la jeune fille. Celle-ci avoue d’ailleurs à sa mère que l’un des deux élèves qui ont plagié est le «petit ami» de sa meilleure amie.
Un mois plus tard, la directrice adjointe de l’école, Marie-Andrée Julien, propose néanmoins à Sylvie qu’elle reprenne son travail, de manière orale ou écrite. Si, dans sa déclaration sous serment, Mme Julien affirme que l’élève a accepté l’entente, mais celle-ci témoigne avoir alors estimé que de refaire son devoir équivaudrait à admettre qu’elle a plagié.
En juin, le Comité de révision du Centre de services scolaire des Premières-Seigneuries finit par trancher: la note de zéro sera maintenue.
À compter de décembre 2022, les parents de Sylvie se sont impliqués dans le litige, avant que leur avocat prenne le relais du dossier en mars 2023.
Pour son père, qui est enseignant au primaire, l’étudiante est «l’enfant parfaite», qui présente toujours de bons résultats. Il est abasourdi lorsque sa fille revient à la maison le 2 décembre 2022, affirmant qu’elle est «détruite, [qu’] il ne l’a jamais vu de même, [qu’] il ne comprenait rien».
Sa femme et lui entament alors une guerre de courriels avec l’enseignante de leur fille.
Reconnaissant que toute cette histoire ait pu porter préjudice à Sylvie en raison du stress subi, la juge Bonsaint mentionne que le dossier a pris des dimensions disproportionnées, surtout en comparaison avec la faible pondération du travail en question.
«Le Tribunal est convaincu, soutenu en cela par la jurisprudence, qu’à moins qu’il ne soit démontré qu’une institution d’enseignement a fait preuve de mauvaise foi ou a agi de façon déraisonnable, arbitraire ou discriminatoire, il y a lieu de faire preuve de retenue et de s’en remettre aux décisions prises par les enseignants et les directions d’école, quotidiennement, dans le cadre de leurs fonctions», peut-on lire dans le jugement.
Admettant que ce type de décision peut parfois provoquer un «certain sentiment d’injustice», on juge néanmoins qu’il s’agit de «la voie à adopter».
«En effet, les enseignants et directions d’école doivent prendre des décisions difficiles et sensibles, comme celle d’attribuer une note de zéro à des élèves impliqués dans un travail plagié», poursuit-on. «Cependant, ils doivent pouvoir prendre ces décisions sans risquer de faire l’objet de poursuites civiles.»
De son côté, Mme Poulin dit aussi avoir été éprouvée par toute cette histoire. «La judiciarisation de cette situation a fait en sorte que mon nom a été identifié dans plusieurs articles de journaux relatant les faits en litige, ce qui a accentué les conséquences négatives générées par cette situation dans ma vie personnelle, notamment, du stress et un sérieux désarroi», a-t-elle exprimé.
*Nom fictif