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Il y a maintenant huit ans que les autorités canadiennes de réglementation des valeurs mobilières ont mis en place des règles de type «appliquer ou expliquer» dans le but d'augmenter le nombre de femmes dans les conseils d'administration.
Il y a maintenant huit ans que les autorités canadiennes de réglementation des valeurs mobilières ont mis en place des règles de type «appliquer ou expliquer» dans le but d'augmenter le nombre de femmes dans les conseils d'administration et les bureaux de direction des entreprises du pays.
Kelly Schmitt, l'une des rares femmes occupant un poste de cheffe de la direction au Canada, ne mâche pas ses mots lorsqu'on lui demande ce qu'elle pense de la dernière série de données montrant que 66 % des sociétés albertaines inscrites en Bourse comptent une ou plusieurs femmes à des postes de direction.
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«C'est pathétique», a déclaré Mme Schmitt, cheffe de la direction de la société de technologie Benevity, établie à Calgary. «Et le 'une ou plusieurs' donne l'impression qu'en avoir 'une' suffit. Est-ce vraiment la barre que nous fixons?»
À l'échelle du Canada, les statistiques ne sont guère meilleures, puisque seulement 70 % des entreprises inscrites à la cote de la Bourse de Toronto affirment avoir au moins une femme au sein de leur haute direction.
Depuis 2014, les entreprises présentes à la Bourse de Toronto sont tenues de divulguer — ou d'expliquer pourquoi elles ne peuvent pas divulguer — leurs progrès pour nommer plus de femmes dans leur conseil d'administration ou à leurs postes de haute direction.
Certains progrès ont été réalisés. Les chiffres de 2022, publiés par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) le mois dernier, montrent que 24 % des sièges des conseils d'administration d'entreprises au Canada sont occupés par des femmes, contre 11 % à la mise en place des exigences «appliquer ou expliquer».
Les statistiques montrent également que 61 % des entreprises cotées en Bourse ont désormais une politique relative à la représentation des femmes dans leur conseil d'administration, contre seulement 15 % des entreprises en 2014. En 2022, 45 % des postes vacants au sein des conseils d'administration étaient pourvus par des femmes (une augmentation de 10 % par rapport à 2021).
Mais en ce qui concerne les équipes de haute direction, moins de progrès ont été réalisés. Seulement 5 % des entreprises inscrites au TSX avaient une cheffe de la direction en 2022, un nombre qui a à peine bougé depuis la première année de collecte de données. Et seulement 4 % des sociétés ont adopté des objectifs de diversité des genres au niveau de la direction, soit une fraction seulement des 39 % qui ont fixé des objectifs de diversité des genres pour leurs conseils d'administration.
«Mon opinion personnelle est que diversifier la composition du conseil d'administration est en fait la partie la plus facile», a affirmé Mme Schmitt, qui est l'une des cinq femmes membres de l'équipe de direction de neuf personnes de Benevity. «Avoir plus de femmes dans la haute direction est plus difficile.»
Selon un récent rapport de McKinsey & Company et LeanIn.org, qui ont interrogé des entreprises aux États-Unis et au Canada, les femmes dirigeantes sont aussi susceptibles que les hommes à leur niveau de vouloir être promues et d'aspirer à des postes de direction.
Mais le rapport a également révélé que les femmes étaient beaucoup plus susceptibles de signaler des forces qui les empêchent d'avancer dans leur carrière. Les femmes dirigeantes sont beaucoup plus susceptibles que les hommes dirigeants d'avoir des collègues qui laissent entendre qu'elles ne sont pas qualifiées pour leur travail. Et les femmes dirigeantes sont deux fois plus susceptibles que les dirigeants masculins d'être confondues avec quelqu'un d'un rang moins élevé de la hiérarchie.
Selon McKinsey, les femmes dirigeantes sont également plus susceptibles de déclarer que des caractéristiques personnelles, telles que leur sexe ou le fait d'être parent, ont joué un rôle dans leur refus ou leur exclusion pour une augmentation ou une promotion.
Chez Benevity, 54 % de l'effectif total sont des femmes et 59 % des mutations latérales ou des promotions au sein de l'entreprise au cours de l'année écoulée ont été attribuées à des femmes. Mme Schmitt a fait valoir que ces statistiques n'étaient pas le fruit du hasard.
«Benevity n'a jamais fixé d'objectifs pour arriver à ce point, mais nous nous concentrons sur les comportements qui favorisent la diversité, a-t-elle expliqué. Nous embauchons des femmes enceintes, nous promouvons les femmes en congé parental, nous avons des programmes qui donnent des primes de coparentalité aux hommes qui partagent le congé parental avec leur partenaire.»
«Dans notre processus de recrutement, nous avons des objectifs qui garantissent que, en particulier pour les postes de direction, l'entonnoir de candidats est un ensemble diversifié de candidats», a-t-elle ajouté.
Le géant des pipelines Enbridge, qui a remporté un prix de l'organisme mondial à but non lucratif Catalyst, plus tôt cette année, pour son travail visant à accroître la représentation et l'inclusion des femmes dans son effectif, a introduit en 2017 un «tableau de bord de la diversité» qui suit la participation des femmes à tous les niveaux de l'entreprise et met ces informations à la disposition de tous les employés.
La directrice de la gestion des talents de l'entreprise, Lisa Barrett, a indiqué que cet outil avait été essentiel pour aider l'entreprise à faire passer la proportion de femmes chez les cadres de 27 % à 35 %, et au sein de la direction de 25 % à 33 %.
«La clé est d'avoir l'information — d'être clair sur les lacunes en ce qui a trait aux talents, puis d'établir un plan pour les combler», a poursuivi Mme Barrett, ajoutant que si le secteur pétrolier et gazier était traditionnellement plus dominé par les hommes que d'autres industries, les programmes comme le programme Women in Technology d'Enbridge et le programme Women in Leadership avaient fait une différence démontrable.
Le rapport McKinsey indique que retenir les femmes cadres est également un défi et souligne que depuis la pandémie de COVID-19, les femmes dirigeantes quittent leur entreprise à un rythme beaucoup plus élevé que les dirigeants masculins. Il désigne la flexibilité — que ce soit par rapport aux lieux de travail ou à la répartition des heures de travail — comme la première chose que les entreprises peuvent faire pour conserver leurs femmes dirigeantes.
Mme Schmitt est d'accord, ajoutant que l'une des raisons pour lesquelles Benevity n'avait pas forcé ses employés à retourner au bureau à la suite de la levée des restrictions de santé publique est qu'elle estimait qu'une telle décision affecterait de manière disproportionnée les femmes.
En fin de compte, attirer et retenir des femmes leaders revient à reconnaître que les employés — tous les employés, pas seulement les femmes — sont humains, a estimé Mme Schmitt.
«Il faut avoir un niveau d'empathie et de compréhension pour concevoir le travail d'une manière qui profite à l'entreprise et à la communauté des personnes qui travaillent ici, mais aussi permettre aux gens de concevoir leur vie d'une manière qui leur sert aussi», a fait valoir Mme Schmitt.