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Le conflit entre la Russie et l'Ukraine risque de propulser le prix de l'essence à près de 2$ le litre.
Même si le Canada n’importe presque pas de pétrole de la Russie, le conflit entre le pays de Vladimir Poutine et l’Ukraine fait gonfler la facture d’essence chez nous.
À Montréal, le prix du litre d’essence - en hausse constante depuis plusieurs semaines - frôlait 1,66 $ jeudi matin.
«La Russie est un joueur extrêmement important dans le domaine des produits pétroliers, explique Carol Montreuil, vice-président de l’Association canadienne des carburants. Quand un joueur important est au sein d’un conflit qui pourrait avoir un impact sur l’approvisionnement, on doit s’attendre à ce qu’il y ait un impact sur les prix.»
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Pour l’heure, les tensions entre la Russie et l’Ukraine n’ont pas eu d’effet sur l’offre mondiale de pétrole. Mais elles ont eu un effet sur la demande mondiale en barils… du moins, ceux en papier.
«Quand on parle de demande, c’est autant une question de barils liquides que de contrats, de “barils en papier”», explique M. Montreuil.
«C’est un peu comme le syndrome du papier de toilette. Quand on annonce une pénurie, qu’est-ce que les gens font? Ils se précipitent pour en acheter, de peur d’en manquer.»
— Carol Montreuil, vice-président de l'Association canadienne des carburants
Devant les tensions qui s’intensifient depuis plusieurs semaines, les raffineurs de partout dans le monde ont donc passé d’importantes commandes sur le marché mondial, souvent jusqu’à 90 jours d’avance.
Les craintes pour l’approvisionnement sont multiples, explique Normand Mousseau, directeur académique de l’Institut de l’énergie Trottier, basé à Polytechnique Montréal.
«La peur, c’est qu’on dérange les circuits de production, résume-t-il. On risque d’avoir des sanctions réelles qui vont limiter la capacité de la Russie à sortir son pétrole. Ça peut aussi être des problèmes de chaine d’approvisionnement, qui empêcherait de se procurer les pièces nécessaires en cas de bris d’équipement.»
S’il existe des réserves stratégiques, celles-ci ne sont pas infinies, rappelle M. Mousseau. «On va les utiliser avec parcimonie, parce que personne ne sait combien de temps ce conflit va durer.»
Chose certaine, ces craintes ont fait bondir le prix du pétrole. De 50 $ US un peu avant Noël, le cours du pétrole brut a bondi pour frôler la barre des 100$ US le baril à la Bourse des matières premières, jeudi.
Dans une analyse publiée il y a deux semaines, la société financière JPMorgan avertissait que «toute disruption des flux de pétrole en provenance de la Russie dans un contexte de faible capacité de réserve dans d’autres régions pourrait facilement propulser le prix du baril à 120 $ US». Si les exportations russes devaient diminuer de moitié, le prix pourrait grimper jusqu’à 150 $ US, selon la même analyse.
«Si on fait une règle du pouce, pour chaque dollar d’augmentation du baril, vous pouvez vous attendre à peu près à un sou d’augmentation à la pompe», explique M. Montreuil.
Il ne serait donc pas impossible de voir le prix à la pompe s’approcher dangereusement de 2$ le litre au Québec, du moins à Montréal où le prix est toujours plus élevé en raison de taxes supplémentaires.
Toutefois, les banques centrales pourraient venir calmer le jeu, tempère M. Montreuil.
«Avec l’inflation très importante, les politiques monétaires sont appelées à se resserrer, rappelle-t-il. Et les taux d’intérêt qui augmentent refroidissent l’économie.»
La spéculation va bon train sur les marchés boursiers en période d'incertitude politique. (Photo: AP/Seth Wenig)
Ainsi, une augmentation des taux d’intérêt pourrait venir ralentir la hausse des prix causée par la crise russo-ukrainienne.
Mais les experts s’entendent pour dire que ce n’est pas demain la veille que notre plein d’essence coutera moins cher.
«À moins que le conflit se règle demain matin, c’est difficile d’imaginer que les prix vont descendre, estime Normand Mousseau. On s’approche de l’été et la demande en pétrole va augmenter avec les voyages.»
Après deux ans de pandémie, il fait le pari que les gens voudront se déplacer cet été, et dépenser l’argent qu’ils ont accumulé en confinement.
«À moins qu’on augmente le taux d’intérêt de 5%, je ne vois pas comment on pourrait faire descendre le prix», résume-t-il.
Les Québécois devront donc se préparer à voir le compteur tourner de plus en plus vite à la station-service. Ou encore, faire le saut vers un véhicule électrique, ce qui pourrait s’avérer plus compliqué que prévu.