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Entrevue avec l'entraîneur Martin Laurendeau, qui a vu une belle progression cet été chez le tennisman québécois.
Gabriel Diallo aurait pu devoir se rendre au boulot lundi à New York, même si la journée coïncide avec la fête du Travail au Canada et aux États-Unis. Toutefois, le Montréalais de 22 ans aurait probablement savouré ce moment de labeur, car il aurait assurément été entouré de milliers de spectateurs, peut-être foulé la plus grande scène du tennis sur la planète et bataillé contre le joueur numéro un au monde.
Finalement, il n’y a pas eu de rendez-vous entre Diallo et l’Italien Jannik Sinner en huitièmes de finale des Internationaux des États-Unis, dans un match qui aurait probablement été présenté dans le stade Arthur-Ashe du Centre national de tennis Billie-Jean-King et peut-être même à heure de grande écoute.
L’Américain Tommy Paul, 14e joueur mondial, l’en a empêché en l’éliminant en quatre manches, samedi après-midi sur le court du stade Louis-Armstrong, aux termes d’une bataille qui a duré près de trois heures et demie et qui a nécessité deux bris d’égalité, dont un à l'avantage de Diallo.
«Ç’aurait été une autre coche dans son arc au niveau de la courbe d’apprentissage», estime Martin Laurendeau, entraîneur chez Tennis Canada, lors d’une entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne depuis New York dimanche après-midi.
«Ce sont des choses dont on rêve comme joueur de tennis. On n’a pas peur de ces situations-là. On rêve de jouer contre les meilleurs joueurs au monde, sur des gros terrains, dans des gros tournois. Gabriel l’a démontré en Coupe Davis (en septembre 2023) alors qu’il était tout jeune et inexpérimenté et qu’il avait battu le 18e mondial (Lorenzo Musetti). Il n’avait vraiment pas eu froid aux yeux. Il était vraiment excité à cette idée-là. On espérait tenir assez longtemps pour se rendre jusque-là», a admis Laurendeau, en faisant allusion au choc possible avec Sinner.
Mais ce n’est peut-être que partie remise. Car depuis ses deux victoires lors du match de barrage de la Coupe Davis contre la Corée du Sud en février dernier à Montréal, Diallo s’est visiblement amélioré.
Ses progrès seront tangibles au classement de l’ATP, où il est assuré du 103e rang – le plus haut de sa jeune carrière – alors qu’il était 132e il y a sept mois.
Ses progrès sont aussi apparus lors de son parcours au tableau principal du simple masculin à Flushing Meadows, où il a signé ses deux premières victoires en carrière en Grand Chelem, dont une face au Français Arthur Fils, 24e au monde.
Et par moments, samedi, il a causé de sérieux tracas à Paul.
«Il est plus complet», a affirmé Laurendeau, qui côtoie Diallo depuis maintenant deux ans dans son rôle axé sur la transition au sein du volet masculin avec Tennis Canada, et qui avoue avoir beaucoup de plaisir à le faire.
«Le joueur qu'on a vu en février, c'est quelqu'un qui a joué le tennis qu'il avait à ce moment-là. Il a joué comme il en était capable. Depuis ce temps-là, il a évolué. Il a fait une saison de terre battue de plus, une saison de gazon. Les balles hautes, les balles basses, aller chercher les angles, toute la complexité et les subtilités du tennis, il est allé chercher d'autres expériences. Moi, je vois quand même une bonne différence. Il a bien progressé au niveau de la complexité de son jeu et aussi de ses habiletés comme joueur de tennis.»
Lorsqu’il est invité à analyser les récentes prestations de Diallo, Laurendeau brosse un tableau qui tient compte de la saison estivale dans son ensemble.
«Avec les Jeux olympiques en même temps que plusieurs tournois qui précédaient le US Open, j’étais avec Gabriel et c’était dans notre périodisation, en revenant d’Europe, des tournois de terre battue et de gazon, de jouer le plus grand nombre possible de matchs pour faire la transition sur le dur, qui est la surface de prédilection de Gabriel», explique Laurendeau.
«On voulait optimiser cette période-là dans notre calendrier avec le tournoi à Montréal, le tournoi à Flushing Meadows et une Coupe Davis ensuite (à Manchester dans environ 10 jours) pour arriver à notre peak.»
Selon Laurendeau, c’est ce qui s’est produit, mais c’est passé inaperçu avec les Jeux olympiques qui retenaient toute l’attention.
«Gabriel a gagné un tournoi Challenger à Chicago (à la fin juillet), il a fait les quarts de finale la semaine suivante. À Montréal, il est tombé contre un gros canon (Karen Khachanov, 22e mondial). Après ça, on est allé à Cary, en Caroline du Nord, pour un Challenger très relevé où Gabriel, alors classé 140e, est passé par les qualifications. Il s’est qualifié, il a fait les demi-finales et on a gagné cinq matchs là-bas», a-t-il relaté.
Tout ça, selon Laurendeau, a permis à Diallo de se présenter à New York avec un bon bagage de matchs dans le corps et dans une excellente forme mentale et psychologique.
À preuve, sans doute, le fait qu’il ait sauvé deux balles de match lors de son deuxième duel du volet des qualifications contre le Français Titouan Droguet.
À Flushing Meadows, Diallo n’en était qu’à sa deuxième participation au tableau principal d’un tournoi du Grand Chelem, après Roland-Garros en mai dernier. Il avait alors perdu en cinq manches, après avoir concédé les deux premières, contre le Japonais Kei Nishikori dans un match qui avait duré 4h26 minutes en première ronde.
À New York, Laurendeau espérait non seulement que Diallo franchisse les qualifications, mais qu’il gagne au moins un tour.
Laurendeau dit aimer la façon dont Diallo gère des matchs trois de cinq, surtout qu’il n’en a joué que quatre en carrière.
«J’avais trouvé qu’il avait fait un travail exceptionnel contre Nishikori. Il y avait des moments très frustrants dans le match, mais (Diallo) est un gars avec une bonne tête sur les épaules. Il était vraiment dans un territoire inconnu et il avait géré la partie physique, la partie mentale, la partie tactique comme un vétéran.
«Comme Gabriel l’a fait à chaque fois qu’il a joué des joueurs de très haut niveau, dans les top-30, il s’en sort très bien. Il compétitionne et il en a battu. On voit le potentiel. Maintenant, il faut se mettre en position pour avoir plus d’opportunités pour jouer contre ces joueurs-là, les plus gros tournois, les plus gros tableaux et vraiment s’installer où son potentiel va l’amener.»