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«À mes collègues en Europe et dans le monde entier, je dis depuis longtemps que le Canada est le canari dans la mine.»
La ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, promet d'utiliser chacune de ses rencontres avec ses homologues du G7, d'ici la fin de la semaine, pour presser les États-Unis de faire marche arrière sur les droits de douane qu'ils imposent au Canada.
«Dans chaque réunion, je vais soulever l'enjeu des tarifs, pour coordonner notre réponse avec les Européens et pour mettre de la pression sur les Américains», a dit mercredi Mme Joly, à Ottawa, quelques heures avant de se rendre dans la région de Charlevoix, au Québec, où elle rencontrera ses vis-à-vis du Groupe des sept (G7).
Elle a prévenu les Européens qu'ils ne sont pas à l'abri d'éventuels droits de douane du président américain Donald Trump.
«À mes collègues en Europe et dans le monde entier, je dis depuis longtemps que le Canada est le canari dans la mine, que, si les États-Unis peuvent nous faire ça à nous – leur allié et ami le plus proche –, aucun d’entre vous n'en est exempt», a-t-elle déclaré en point de presse.
Mme Joly doit accueillir dans Charlevoix, plus tard mercredi, le secrétaire d'État américain Marco Rubio, de même que les représentants du Royaume-Uni, de la France, de l'Allemagne, de l'Italie, du Japon et de l'Union européenne.
Leurs discussions doivent s'échelonner sur trois jours et mettre la table pour le prochain sommet des dirigeants du G7, qui est prévu en juin à Kananaskis, en Alberta.
Le Canada souhaite faire de l'invasion russe de l'Ukraine sa priorité pour ce sommet, mais le contexte de guerre commerciale avec les États-Unis a le potentiel de chambouler les plans des réunions préparatoires pilotées par Mme Joly.
Si la ministre a signalé qu'elle a l'intention d'aborder les droits de douane américains dans chaque réunion de travail qu'elle aura dans Charlevoix, M. Rubio ne s'attend pas à ce que la question soit discutée.
«Ce n'est pas ce dont nous allons parler au G7, et ce n'est pas ce dont nous allons parler durant notre séjour là-bas», a-t-il dit mercredi en s'adressant aux journalistes depuis l'Irlande.
Le secrétaire d'État américain était alors questionné sur l'opinion négative du gouvernement canadien à l'égard de la surtaxe que défend M. Trump, de même que l'indignation d'Ottawa face à l'idée que le Canada devrait devenir le 51e État américain.
«Nous avons beaucoup d'autres choses sur lesquelles travailler», a ajouté M. Rubio.
La rencontre de Mme Joly et ses homologues doit permettre d'aborder «le soutien continu à l’Ukraine relativement à l’agression de la Russie, la situation au Moyen-Orient et la stabilité dans la région indopacifique», a indiqué le gouvernement canadien par communiqué.
Le Canada assure la présidence du G7 cette année, rôle qui est attribué en alternance entre les pays membres de l'organisation.
La première session de travail préparatoire qui doit avoir lieu jeudi, dans Charlevoix, aura pour thème «renforcer le G7».
Le sénateur et ancien diplomate Peter Boehm estime que, si l'événement est un succès, les représentants des différents pays arriveront, au bout de trois jours, avec une «déclaration qui fait consensus et qui couvre tous les aspects».
«Nous devons tous nous allier de la meilleure façon que nous pouvons», a dit en entrevue celui qui a joué, pendant des décennies, un rôle central dans la participation du Canada au sein du G7.
En plus des réunions de travail incluant les sept interlocuteurs, Mme Joly aura plusieurs rencontres bilatérales durant lesquelles elle pourra insister sur les intérêts canadiens.
Ces rencontres pourraient être l'occasion d'aborder les discussions commerciales avec le Royaume-Uni, qui stagnent, de même que celles sur le renforcement de la collaboration militaire avec l'Allemagne. Avec la France, la question de cheminer dans le partenariat sur l'intelligence artificielle pourrait aussi être au menu.
Le sénateur Boehm a soutenu que la situation en Ukraine occupera beaucoup de place dans les discussions qui se dérouleront derrière des portes closes.
Ottawa défend l'idée que si la Russie n'est pas punie pour son invasion de l'Ukraine, d'autres pays vont tenter de gagner du territoire par la force.
Les Européens soutiennent que la guerre doit prendre fin d'une façon qui empêcherait Moscou d'attaquer l'Ukraine à nouveau ou d'empiéter sur des pays voisins. Or, les États-Unis ont rejeté l'idée de déployer des troupes pour sécuriser un cessez-le-feu.
L'administration Trump suggère plutôt que de nouveaux projets miniers américains en Ukraine pourraient dissuader Moscou de mener une invasion.
«Le défi est de voir s'il peut y avoir un terrain d'entente qui répondra aux préoccupations» tant de l'Europe que des États-Unis quant à l'Ukraine, croit M. Boehm.
Le Canada a été à l'avant-plan des efforts visant à utiliser les avoirs russes qui sont gelés - ou, à tout le moins, les intérêts sur ces comptes gelés - pour aider à financer la défense de l'Ukraine.
Le G7 a déjà entrepris des démarches préliminaires pour utiliser les intérêts - actuels et futurs - de ces comptes comme garantie pour des prêts d'Ottawa envers Kyiv.
Ottawa plaide pour accroître les efforts en ce sens, avec l'appui de ses pairs, mais les leaders européens ont été hésitants à piger dans les comptes présentement gelés.
Selon M. Boehm, la déclaration de clôture des ministres pourrait ressembler à celle qu'ils ont publiée à la mi-février, en marge de la Conférence de Munich sur la sécurité. Les ministres avaient alors évité des sujets, tels que les droits de douane américains, mais avaient trouvé un consensus sur la Syrie, l'Iran et l'Indopacifique.