La ministre des Transports et du Commerce intérieur, Chrystia Freeland, a annoncé mardi avoir décidé de quitter le conseil des ministres. Le premier ministre Mark Carney a aussitôt fait savoir qu'elle était nommée dans un tout nouveau poste diplomatique lié à la guerre en Ukraine.
Ce dernier a indiqué, dans une déclaration partagée sur «X», que Mme Freeland sera «représentante spéciale du Canada pour la reconstruction de l'Ukraine», sans toutefois fournir de détails sur ce en quoi consistera le poste.
«Grâce à sa compréhension de l'Ukraine et de son économie, Chrystia est véritablement dans une position unique pour accomplir ce travail essentiel et opportun en faveur d'un avenir meilleur pour les Ukrainiens», a ajouté le premier ministre.
Quelques minutes plus tôt, la principale intéressée y avait été de sa propre déclaration sur le même réseau, sans préciser ce qui l'attendait après son départ du conseil des ministres.
«Je ne quitte pas pour passer plus de temps avec ma famille ou parce que le fardeau d'un poste politique est trop lourd à porter», peut-on lire.
C'est le leader parlementaire Steven MacKinnon qui prendra la relève de Mme Freeland à la tête du ministère des Transports. Le ministre Dominic LeBlanc hérite quant à lui de la responsabilité du Commerce intérieur, en plus de ses multiples autres dossiers, comme celui des relations entre le Canada et les États-Unis. Les deux élus ont été assermentés pour ces fonctions additionnelles en fin de journée.
M. Carney a spécifié avoir demandé à Mme Freeland de cumuler ses nouvelles fonctions de représentante spéciale en même temps que celles de députée.
Or, deux sources dans l'entourage de la ministre démissionnaire ont indiqué à La Presse Canadienne que celle-ci avait l'intention d'également quitter prochainement son poste d'élue fédérale.
Les deux sources ont requis l'anonymat puisqu'elles n'étaient pas autorisées à parler publiquement de ces questions.
Le moment choisi pour que Mme Freeland laisse son siège au Communes dépendra des besoins identifiés par son association de circonscription, a-t-on soutenu.
Dans sa déclaration écrite, l'élue s'en est pour l'instant tenue à signaler qu'elle renonce à briguer les suffrages aux prochaines élections.
«Après douze belles années de vie publique, je sais que le moment est venu pour moi de céder ma place à d'autres et de me lancer vers de nouveaux défis», a-t-elle écrit.
Chose certaine, son départ du cabinet se préparait depuis des semaines, les discussions avec M. Carney à ce sujet remontant à environ un mois, ont dit les deux personnes proches de Mme Freeland. C'est après que la ministre aurait exprimé son désir de partir que le rôle de représentante spéciale lui aurait été offert.
Un peu moins d'une heure avant l'annonce coordonnée sur les réseaux sociaux, mardi, Mme Freeland et M. Carney défilaient devant les journalistes qui faisaient le pied de grue à la sortie d'une réunion du cabinet, bras dessus, bras dessous, d'une façon qui pouvait sembler chorégraphiée. Tous deux ont ignoré les questions qui leur étaient posées.
La nouvelle du départ de Mme Freeland et sa nomination à un poste en lien avec l'Ukraine avait été ébruitée depuis des heures dans divers médias, à commencer par le «Globe and Mail».
Mme Freeland, dont les grands-parents maternels étaient ukrainiens, milite de longue date pour les droits du peuple de l'Ukraine, ont souligné deux députés qui ont été secrétaires parlementaires pour elle.
«Nous avons besoin de quelqu'un qui a son intelligence. Elle parle la langue, elle la parle couramment. Elle a le respect de la population ukrainienne, a affirmé l'élu Rob Oliphant. Je ne peux imaginer rien de mieux pour elle que de faire cela.»
«Je sais que son cœur est avec les Ukrainiens et elle est vraiment déterminée à aider l'Ukraine à sortir de ce conflit, de cette guerre, de cette agression illégale de la Russie», a renchéri le député Ryan Turnbull alors qu'il se rendait à la période des questions.
Mme Freeland a, au cours du week-end dernier, participé à une conférence à Kyiv portant sur les façons de mettre fin à l'invasion russe de l'Ukraine.
De nombreux autres élus libéraux se sont arrêtés devant les médias pour couvrir d'éloges Mme Freeland.
L'ex-ministre et député de Québec-Centre Jean-Yves Duclos a notamment soutenu que Mme Freeland est encore «jeune, pleine d'énergie et pleine de talent». «Elle va continuer à servir le Canada, peu importe la manière dont elle va choisir de le faire», a-t-il dit.
Longtemps considérée comme une ministre ténor dans l'ex-gouvernement de Justin Trudeau, Mme Freeland a fait son arrivée à la Chambre des communes en 2013 après avoir remporté une élection partielle.
Celle qui a été, pendant des années, vice-première ministre a créé une onde de choc, en décembre dernier, en claquant la porte du cabinet le matin même où elle devait, en tant que ministre des Finances, présenter une mise à jour économique avec un important déficit.
Elle avait exposé au grand jour ses désaccords avec M. Trudeau sur des mesures qu'elle qualifiait d'«astuces politiques coûteuses», ce qui avait alimenté la grogne déjà bien ancrée au sein du caucus libéral contre l'ancien premier ministre.
L'épisode a mené M. Trudeau à démissionner et Mme Freeland a ensuite tenté de devenir cheffe du Parti libéral. Elle a toutefois mordu la poussière au profit de l'actuel premier ministre, Mark Carney.
Sous la première administration du président américain Donald Trump, Mme Freeland a été responsable de la longue renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), marquée par une guerre tarifaire sur l'acier et l'aluminium.
Avec la collaboration de Samira Ait Kaci Ali, à Montréal
