Le ministre des Relations Couronne-Autochtones, Gary Anandasangaree, affirme que beaucoup de discussions sur la question de la prétendue fraude à l'identité autochtone sont fondées sur les appréhensions que les gens ont à l'idée que le gouvernement définisse qui est – et qui n'est pas – un détenteur de droits.
M. Anandasangaree a reconnu, en entrevue jeudi, que «la notion d'identité autochtone est évidemment très compliquée» et que celle-ci «s'appuie sur plusieurs siècles de colonialisme».
«Ce n'est vraiment pas le rôle du gouvernement fédéral de définir ce qu'est une personne autochtone et qui n'en est pas une», a soutenu le ministre.
Mais comme la reconnaissance des droits autochtones vient souvent du gouvernement fédéral, lui et la ministre des Services aux Autochtones, Patty Hajdu, subissent de plus en plus de pressions de la part des trois groupes de peuples autochtones reconnus par le fédéral – les Premières Nations, les Inuits et les Métis – pour qu'ils se retirent de la discussion, ou fassent davantage pour garantir que leurs droits soient respectés.
«Toute relation nécessite un travail et des conversations constants, a déclaré M. Anandasangaree. Parfois, vous savez, nous convenons que nous ne sommes pas d'accord.»
La question des Métis
Le sujet de la fraude à l'identité a atteint son paroxysme l'automne dernier avec un projet de loi controversé à la Chambre des communes qui cherchait à reconnaître les gouvernements métis de l'Ontario, de l'Alberta et de la Saskatchewan.
Les Premières Nations et la Fédération des Métis du Manitoba s'opposent fermement au projet de loi, invoquant des préoccupations concernant la Nation métisse de l'Ontario, tandis que le gouvernement fédéral a maintenu que cela était exigé par des affaires judiciaires et la Constitution elle-même.
Pendant ce temps, la Métis Nation of Ontario a vu ses dirigeants déclarer publiquement que ses membres étaient témoins des impacts réels des allégations de fraude à l'identité autochtone sur les terrains de jeux des écoles, sur leurs lieux de travail et en ligne.
Alors que le projet de loi reste largement dans les limbes, la Fédération des Métis du Manitoba et les Chiefs of Ontario ont tenu un sommet de deux jours au cours duquel ils ont critiqué le gouvernement fédéral pour avoir conféré une quelconque crédibilité à la Nation métisse de l'Ontario.
Patty Hajdu a déclaré dans une entrevue qu'elle avait entendu directement les chefs des Premières Nations de sa circonscription se dire préoccupés par la loi, ajoutant que «cela a vraiment lancé de nombreuses discussions sur qui sont les Métis et quels sont leurs droits».
«J'essaie de comprendre pourquoi il y a une telle anxiété parmi les membres de la communauté en ce moment» à propos de l'identité autochtone, a raconté Mme Hajdu.
«Pour la première fois, peut-être dans l'histoire de ce pays, de nouvelles opportunités apparaissent du fait d'être autochtone, qui n'existaient pas sous les gouvernements précédents.»
Plus à l'est, les Inuits et la nation innue ont fait part de leurs inquiétudes au sujet du conseil communautaire de NunatuKavut, qu'ils accusent d'aller trop loin dans leurs efforts pour être reconnus comme peuple autochtone, alors qu'eux aussi défendent leur histoire.
L'implication du gouvernement fédéral dans ce dossier survient également à un moment où de nombreuses personnes sont saisies par la notion de fraude à l'identité autochtone au niveau individuel, notamment via l'enquête très médiatisée de CBC News sur les prétentions de Buffy Sainte-Marie à une lignée crie. Il existe également un certain nombre d’affaires judiciaires sans rapport en cours concernant des personnes spécifiques.
M. Anandasangaree, affirme que la reconnaissance des droits est «très difficile», mais que des décisions doivent être prises au cours des prochaines années, notamment concernant la reconnaissance des Métis.
«Nous évaluons continuellement la façon dont nous faisons les choses, et souvent nous n'y sommes pas parvenus», a indiqué le ministre à propos de la manière dont les efforts visant à reconnaître les gouvernements métis se sont déroulés au cours de cette séance.
«Rétrospectivement, nous aurions probablement dû faire cela séparément et avoir une voie distincte pour chacune des nations.»
Mais il a noté que les trois groupes ont demandé au gouvernement de présenter un seul projet de loi, au lieu d'une législation distincte pour chaque nation.
Le gouvernement fédéral comme arbitre
Des centaines de groupes revendiquent une identité autochtone, et le gouvernement doit décider avec lesquels il souhaite travailler.
Lorsqu'il s'agit de prendre cette décision, M. Anandasangaree a déclaré qu'elle revient toujours à l'article 35 de la Constitution et à la responsabilité de ces groupes d'établir qu'ils détiennent ces droits à travers un «processus très ardu» – qui n'aboutit pas à des résultats prédéfinis.
«Nous devons faire preuve de diligence raisonnable et, à un moment donné, prendre une décision basée sur le contexte historique et une série de facteurs qui proviennent du ministère de la Justice, ainsi que de notre ministère.»
Le Conseil communautaire de NunatuKavut, par exemple, n’a pas encore atteint ce seuil, a-t-il pointé.
Les Premières Nations, quant à elles, ont exprimé leurs inquiétudes au cours de cette séance concernant la Loi sur les Indiens et la manière dont leurs membres sont structurés par rapport à des groupes comme la Nation métisse de l'Ontario et le Conseil communautaire NunatuKavut, qui cherchent à être reconnus par le gouvernement fédéral.
Un défi majeur est que la Loi sur les Indiens définit toujours qui est une Première Nation, laissant de nombreuses personnes privées de leurs droits en raison de ce que le ministre a appelé des «seuils arbitraires».
Le gouvernement fédéral finit par agir comme arbitre pour déterminer qui est ou non membre des Premières Nations en vertu de la Loi sur les Indiens, avec des coupures générationnelles et des critères stricts qui définissent qui est membre d'une communauté. Parallèlement, d’autres groupes autochtones, comme les Métis, sont en mesure de déterminer eux-mêmes qui est le bienvenu dans leurs espaces.
«La Loi sur les Indiens – et je l'ai dit à plusieurs reprises – est une loi profondément imparfaite et raciste, a fait valoir le ministre Anandasangaree. La notion de citoyenneté ne devrait pas être fondée sur une définition canadienne. Elle devrait être fondée sur les convictions de la nation et sur ses valeurs et sa conception de la citoyenneté.»
Le Répertoire des entreprises autochtones contesté
Au-delà de la reconnaissance des droits, le gouvernement est également aux prises avec sa Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones, après que le Répertoire des entreprises autochtones a été remis en question lors de l’évolution de la saga ArriveCan.
Cette liste fournit au gouvernement fédéral les noms d’entreprises autochtones qu’il pourrait envisager d’utiliser pour atteindre sa cible d'approvisionnement auprès des entreprises autochtones, qui stipule qu’au moins 5% de la valeur totale des contrats devraient être détenus par des entreprises autochtones. Mais certains se sont plaints du fait que la liste comporte des entreprises qui ne devraient pas être incluses.
Des consultations sur le groupe qui devrait prendre le relais et surveiller la liste sont en cours, a annoncé Mme Hajdu. Elle a noté qu'il existe un désaccord sur les entreprises qui devraient être répertoriées et sur le groupe qui devrait être le «gardien» de la liste.
Mais pour Patty Hajdu, toute la conversation autour de l’identité autochtone dépasse le niveau individuel, commercial ou communautaire.
«Tout cela est, je pense, le signe d'un pays aux prises avec son passé colonial et d'une voie à suivre où les gens sont respectés», a -t-elle dit.
