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Une première au Québec qui pourrait avoir un effet sur la responsabilité des CSS en matière de sécurité des enfants lors d’actes sexuels dénoncés.
Une demande d'action collective contre un centre de services scolaire (CSS) de l'Abitibi-Témiscamingue dans une affaire d'agressions sexuelles commises par un ex-enseignant du secondaire a été autorisée, mercredi, par la Cour supérieure. Une première au Québec qui pourrait avoir un effet sur la responsabilité des CSS en matière de sécurité des enfants lors d’actes sexuels dénoncés, selon le cabinet d'avocats représentant la demanderesse.
Le recours judiciaire vise le CSS de l’Or-et-des-Bois en lien avec les agissements présumés de Jean-Pierre Colas, aujourd'hui décédé. Il a été enseignant de français et entraîneur de water-polo à la Polyvalente Le Carrefour de Val-d’Or entre 1972 et 1993.
«Ce qui est allégué, c'est que pendant toute la période où il a enseigné à l'école secondaire Le Carrefour il a agressé sexuellement différentes élèves», a mentionné en entrevue l'avocate qui pilote l'action collective, Maryse Lapointe, du cabinet montréalais Lapointe Légal.
La demande d'autorisation a été déposée en juin dernier au nom de Jacinthe Boisvert St-Laurent, qui soutient avoir été agressée sexuellement par Colas en 1987, alors qu’elle avait 17 ans.
Me Lapointe indique que quelques jours après l'agression, la mère de la victime avait dénoncé la situation auprès de la direction de l'établissement. Celle-ci aurait répondu être au courant «du problème» concernant l'enseignant, «mais que rien ne pouvait être fait».
En 1993, Colas a cessé de travailler à la polyvalente après avoir été reconnu coupable d'agression sexuelle envers une autre de ses élèves. Dans le cas des gestes présumément commis à l'endroit de Mme Boisvert St-Laurent, aucune plainte officielle n'avait été déposée à l'époque, précise Me Lapointe.
Aujourd'hui âgée de 52 ans, Mme Boisvert St-Laurent perçoit l'autorisation de la demande d'action collective comme «un premier pas vers la justice». Elle déplore l'inaction des responsables du réseau scolaire de l'époque à l'égard de l'enseignant.
«L'employeur savait à l'époque qu'il avait des contacts inappropriés avec des élèves et les gestes ont été ignorés. Nous n'avons pas été protégés. L'employeur savait déjà, avant mon agression, que cet enseignant était problématique», déclare-t-elle dans un communiqué du bureau d'avocats.
«Si la Polyvalente Le Carrefour ou le Centre de services scolaire de l'Or-et-des-Bois avaient agi responsablement, je n'aurais pas été agressée. Nombre d'adolescents n'auraient pas subi ces agressions sexuelles si les dirigeants de l'époque avaient pris leurs responsabilités de les protéger», poursuit Mme Boisvert St-Laurent.
Selon Me Lapointe, il s'agit de la première action collective autorisée contre un CSS francophone du Québec pour une affaire d'agressions sexuelles commises par un enseignant. Et les conclusions du procès seront à surveiller, estime-t-elle.
Puisque la décision pourrait «confirmer la responsabilité légale des institutions d'enseignement envers les enfants qui fréquentent les écoles du Québec, particulièrement en matière d'agression sexuelle par une personne en situation d'autorité comme un enseignant», affirme l'avocate.
En effet, le tribunal entend notamment déterminer si le CSS «a omis d'instaurer des politiques ou de prendre des mesures propres à prévenir ou à faire cesser» les agressions alléguées.
La Cour supérieure a accepté la demande d'action collective alors que le CSS de l'Or-et-des-Bois n'a pas présenté de contestation. Mme Boisvert St-Laurent réclame du centre de services scolaire un total de 600 000 $ en dommages.
Le centre de services scolaire a réagi par courriel mercredi soir.
«Considérant le seuil peu élevé pour l'autorisation en matière d'action collective et la jurisprudence concernant les demandes d'autorisations d'actions collectives, le Centre de services scolaire de l'Or-et-des-Bois a suivi la recommandation de ses procureurs de ne pas contester à cette étape du processus et compte plutôt faire valoir ses droits d'une défense pleine et entière lors de l'audition sur le fond de la demande d'action collective», a-t-elle expliqué dans une courte déclaration.
La demanderesse a décidé d'agir à visage découvert afin d'inciter les autres victimes de Colas à se manifester. «Pour elle, une victime d'agression sexuelle n'a pas à avoir honte du fait d'être victime, même si elle comprend que certaines peuvent décider de le faire anonymement», explique Me Lapointe.
Les victimes potentielles de Colas désirant s'inscrire à l'action collective peuvent contacter de manière confidentielle et gratuite le cabinet Lapointe Legal, soit par courriel au actioncollective?lapointelegal.ca, soit par téléphone au 514 688-9169.
Au moins trois à six victimes de l'ex-enseignant ont pu être identifiées grâce à différents documents judiciaires obtenus par la demanderesse.
Le procès pourrait avoir lieu l'hiver prochain, indique Me Lapointe. Le tribunal établira les indemnisations que pourraient obtenir les membres de l'action collective.