Début du contenu principal.
Facebook a assuré lundi qu'il bloquera les contenus d'information au Canada si le Parlement adopte la Loi sur les nouvelles en ligne.
Facebook a assuré lundi qu'il bloquera les contenus d'information au Canada si le Parlement adopte la Loi sur les nouvelles en ligne, mettant ainsi à exécution sa menace proférée dans les derniers mois lors de l'adoption du projet de loi C-18 par la Chambre des communes et qui est maintenant étudié par le Sénat.
«Pour nous y conformer, nous devons soit opérer dans un environnement réglementaire imparfait soit mettre fin aux contenus d'information au Canada. C'est donc le cœur lourd que nous optons pour cette dernière solution», a déclaré Kevin Chan, le directeur des politiques mondiales de Meta, société mère de Facebook, devant un comité parlementaire.
Il s'agit d'une «décision d'affaires», a-t-il insisté. Les nouvelles ont «une valeur sociale», mais pas une «valeur économique», a renchéri la chef des politiques publiques pour le Canada, Rachel Curran.
La pièce législative proposée par les libéraux de Justin Trudeau vise à forcer les plateformes numériques, principalement Google et Facebook, à conclure des ententes d'indemnisation équitables avec les entreprises de presse pour le partage de leurs contenus journalistiques.
Devant le comité permanent du patrimoine canadien, M. Chan a plaidé que les utilisateurs de Facebook n'utilisent pas la plateforme pour lire les nouvelles, mais plutôt pour partager «les hauts et les bas de leur vie, ce qui les rend heureux ou tristes, ce qui les intéresse et les divertit».
En fait, les liens vers des articles de nouvelles représentent «moins de 3 % des contenus» affichés dans les fils Facebook. M. Chan a révélé que les utilisateurs ont néanmoins cliqué 1,9 milliard de fois sur des textes de nouvelles durant les 12 mois allant jusqu'en avril 2022, ce qui permet aux éditeurs de générer des revenus.
Facebook s'oppose vigoureusement au projet de loi et estime qu'il ferait du Canada «le premier pays démocratique à mettre un prix sur des liens gratuits vers des pages web».
M. Chan a fait valoir que Meta a versé 8 millions $ pour subventionner le journalisme au pays, notamment à travers une entente avec La Presse Canadienne. La députée libérale Lisa Hepfner lui a rétorqué du tac au tac que c'est une «infime proportion» de ce que Meta a dû payer en vertu d'une législation australienne et de ce qu'elle devrait payer en vertu de C-18.
Ne passant pas par quatre chemins, le libéral Chris Bittle a accusé l'entreprise de continuellement «induire en erreur» le comité. «Vous dites que les médias reçoivent des centaines de millions de dollars en publicité gratuite, mais passez sous silence que votre compagnie a des pratiques d'un monopole qui récolte la vaste majorité des revenus publicitaires, a-t-il déclaré. Cette publicité gratuite n'a donc aucune valeur.»
Les représentants du Bloc québécois et du Nouveau Parti démocratique (NPD) ont fait part de leurs préoccupations, l'un d'eux jugeant qu'il s'agit d'une «menace envers les parlementaires et notre démocratie».
La députée conservatrice Marilyn Gladu - dont le parti est le seul à avoir voté contre l'adoption du projet de loi - a jugé pour sa part `très logique' la décision de Facebook. Sa collègue Rachael Thomas s'est inquiétée que le gouvernement donne énormément de pouvoir puisque ces entreprises pourront décider avec quels éditeurs elles s'entendent.
La réunion du comité a été marquée par une série de vifs reproches à l'égard de la décision du président des Affaires mondiales de Meta, Nick Clegg, de renoncer à y témoigner après s'y être engagé.
Dans ses remarques préliminaires, M. Chan a affirmé que Meta avait «volontiers» accepté «l'invitation» de faire témoigner son président des Affaires mondiales puisque la compagnie est revenue sur son engagement compte tenu d'un «revirement de situation».
«Or, jeudi dernier, le 4 mai, nous avons été informés par le greffier du comité que le titre de l'audience avait été modifié par un autre beaucoup plus inquiétant qui n'avait apparemment rien à voir avec les nouvelles en ligne», a déclaré M. Chan.
Plus précisément, la compagnie s'offusque que la réunion du comité ait été nommée: «Utilisation actuelle et continue de tactiques d'intimidation et de subversion par les géants du Web pour échapper à la réglementation au Canada et à travers le monde».
Selon Meta, l'invitation indiquait que la réunion aurait pour titre: «Réaction des entreprises du secteur des technologies de l'information au projet de loi C-18».
Bien des membres du comité qui ont pris la parole étaient abasourdis. «Meta veut nous dicter quelles lois on doit passer et ils veulent aussi dicter à ce comité comment l'on titre nos réunions», a par exemple accusé le député libéral Anthony Housefather.
Le porte-parole du Bloc québécois en matière de patrimoine, Martin Champoux, s'est même demandé si Meta a «roulé dans la farine» les parlementaires.
C'est que la compagnie avait, semble-t-il, indiqué dans des échanges avec le greffier du comité que M. Clegg ne sentait pas l'obligation «d'obéir» à l'assignation à comparaître, mais qu'il témoignerait «de son plein gré» s'il recevait une «invitation» dans une perspective de «collaboration».
Le comité a donc, «par courtoisie et à leur demande», envoyé «une lettre sous forme d'invitation», a indiqué le député Champoux qui estime néanmoins que M. Clegg était tenu de se présenter non seulement parce qu'il avait donné «sa parole d'honneur», mais aussi «indirectement par la sommation qu'on avait envoyée».
Selon le porte-parole du NPD en matière de patrimoine canadien, Peter Julian, M. Clegg - qu'il a décrit comme un «parlementaire chevronné», ayant été vice-premier ministre britannique - a «transformé une sommation en invitation», ce qui «brouille un peu les cartes».
Le député néo-démocrate a donc présenté et fait adopter une motion pour assigner à comparaître à nouveau M. Clegg lundi prochain.
Il est à noter qu'une assignation à comparaître «n'a aucun effet» sur «un citoyen souverain d'un autre pays», a indiqué aux élus le greffier du comité.
Les comités parlementaires peuvent ordonner la comparution de témoins, mais n'ont pas le pouvoir de sanctionner ceux qui ne se conforment pas à de tels ordres. Seule la Chambre des communes dispose de pouvoirs disciplinaires. Les comités peuvent donc lui communiquer les cas qui posent problème.