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À coup de centaines de milliards de dollars, l’offensive du gouvernement Biden pour encourager les investissements dans l’énergie renouvelable et la filière batterie va avoir des répercussions jusqu’au Québec. L’industrie québécoise n’aura pas le choix de s’ajuster, selon un rapport conjoint de l’Institut du Québec (IDQ) et de l’Alliance Switch, publié jeudi.
Les États-Unis devraient apporter un soutien financier d’environ 400 milliards $US sur 10 ans pour soutenir des investissements dans la lutte au changement climatique en vertu de l’Inflation reduction Act (IRA).
L’intervention du gouvernement américain pour rendre leur économie plus verte est «une maudite bonne nouvelle» dans la lutte mondiale au changement climatique, commente le président et chef de la direction d’Écotech Québec et membre de l’Alliance Switch, Denis Leclerc, en entrevue. L’industrie québécoise devra toutefois s’ajuster à la réalité politique de leur imposant voisin, selon lui.
«Est-ce que nos entreprises en économie verte, les technologies propres, vont être plus encouragées à s'installer aux États-Unis, car il va y avoir des incitatifs fiscaux, et bien la réponse, c'est oui.»
L’IRA n’est pas qu’une source d’inquiétudes pour l’économie québécoise. L’intervention économique américaine créera une importante demande qui pourrait profiter à certains fournisseurs et au secteur minier, nuance le rapport publié jeudi.
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Reste que les stratégies gouvernementales vont devoir s’ajuster en conséquence, ajoute la directrice générale de l’IDQ, Emna Braham. Le gouvernement Legault devra peut-être modifier sa stratégie en abandonnant certains segments de la filière batteries pour en prioriser d’autres.
C’est le cas notamment pour la production de cellules de batteries, une étape de la chaîne que Québec n’est pas encore parvenue à implanter dans la province, souligne Mme Braham. «Le Québec va se retrouver en compétition avec des États américains qui vont avoir des incitatifs supplémentaires pour attirer ce type d'investissement. Et donc, il va falloir garder un œil sur l'évolution du contexte concurrentiel et voir où ce serait le plus judicieux pour le Québec de se positionner.»
Le Canada a réussi à tempérer certaines visées protectionnistes de Washington en obtenant d’élargir les critères de l’IRA aux producteurs d’Amérique du Nord dans plusieurs cas.
Or, la préférence nord-américaine n’avantagera pas certains secteurs où le Québec espère se démarquer. En effet, la production de véhicules commerciaux, comme les camions ou les autobus électriques, est ouverte à la concurrence. «On sera donc considéré au même titre que les entreprises asiatiques et européennes», souligne la directrice générale de l’IDQ.
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L’électricité québécoise pourrait aussi perdre son avantage concurrentiel par rapport à l’électricité américaine. L’IRA entraînera une augmentation de la production d’énergie solaire et éolienne aux États-Unis et permettra une réduction des prix.
Au Québec, les prix de l’électricité devraient suivre une tendance inverse tandis que les nouveaux approvisionnements devraient être plus coûteux que le bloc patrimonial. La question sera de voir quelle sera la position concurrentielle de l’électricité québécoise dans ce contexte, juge Mme Braham. «C’est quelque chose qu’il va falloir surveiller.»
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L’effet se fera sentir sur la filière de l’hydrogène vert. Les progrès de l’énergie solaire et éolienne pourraient faire diminuer les coûts de production de l’hydrogène vert. «Si ces prévisions s’avèrent, l’environnement concurrentiel deviendra extrêmement difficile pour le Québec», peut-on lire dans le rapport.
L’adoption de l’IRA est toutefois de bon augure pour le secteur des minéraux critiques. À cet égard, les minières québécoises n’ont pas à craindre le protectionnisme américain tandis que l’offre n’est pas suffisante pour répondre à la demande.
Devant l’urgence climatique, Québec aurait tort «de tourner les coins ronds» en assouplissant les règles environnementales afin d’accélérer les projets, prévient Mme Braham. «La tentation pourrait être de dire qu'on voudrait réduire, dans les contraintes réglementaires, entre guillemets, pour accélérer la production de minéraux critiques, explique-t-elle. Ce qu'on dit, c'est qu’au contraire, dans un contexte où les investisseurs et les gouvernements cherchent des organisations qui vont avoir une bonne performance ESG, bien, le cadre réglementaire québécois pourrait être plus un avantage compétitif qu’une contrainte.»