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En Haïti, des gangs incendient un célèbre hôtel

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7b8d6993c189347d2f99392f30a33fcd8132fc9dd9d275c2cc553d821f2788b8.jpg Des gangs ont attaqué une autre ville du centre d'Haïti, tuant au moins quatre personnes, dont un enfant de 11 ans, a indiqué lundi une militante des droits de la personne à l'Associated Press. Un soldat mène une opération antigang dans le quartier de Kenscoff, à Port-au-Prince, en Haïti, le 3 février 2025. (Odelyn Joseph | AP Photo)

Le Grand Hôtel Oloffson, autrefois illustre hôtel gothique de style Gingerbread, a inspiré des livres, accueilli des fêtes jusqu'à l'aube et attiré des visiteurs comme Mick Jagger et les présidents haïtiens. Il a été incendié par des gangs le week-end dernier.

Des centaines d'Haïtiens et d'étrangers ont déploré la nouvelle, qui s'est répandue sur les réseaux sociaux. Le directeur de l'hôtel a confirmé lundi l'incendie sur X dans un bref commentaire.

Bien que la violence des gangs ait contraint l'hôtel de Port-au-Prince, la capitale d'Haïti, à fermer ses portes ces dernières années, nombreux étaient ceux qui espéraient sa réouverture. «Cela a donné naissance à une telle culture et à une telle expression», a rappelé Riva Précil, une chanteuse haïtiano-américaine qui a grandi dans l'hôtel de 5 à 15 ans.

Lors d'un entretien téléphonique empreint de larmes, Précil a raconté comment elle avait appris à nager, danser et chanter à l'Oloffson.

L'attaque contre le quartier où se trouvait l'hôtel a commencé tard samedi, selon James Jean-Louis, qui habite au-dessus de l'Oloffson. Il a rapporté à l'Associated Press, lors d'un entretien téléphonique dimanche, avoir observé les flammes tandis que lui et d'autres résidants étaient chassés, tandis que la police et les gangs échangeaient des tirs nourris.

Parmi ceux qui ont déploré l'incendie se trouvait Michael Deibert, un journaliste américain auteur de livres sur Haïti.

À son arrivée à Miami dimanche, il a ouvert son téléphone et découvert une avalanche de messages d'amis haïtiens.

«En allant à l'Oloffson, on avait vraiment l'impression d'être en contact avec l'histoire politique et culturelle d'Haïti, a-t-il raconté. Quand on est allé en Haïti et on n'est plus jamais le même. Et l'Oloffson a vraiment capturé cela.»

«C'est notre chez-nous»

L'hôtel a attiré des artistes, des intellectuels et des hommes politiques d'Haïti et d'ailleurs, dont Jacqueline Onassis et Tennessee Williams. Il a également survécu à des coups d'État, des dictatures et au tremblement de terre dévastateur de 2010.

Isabelle Morse, fille de Richard Morse, devenu directeur de l'hôtel il y a plusieurs décennies, a déclaré qu'il aimait accueillir des écrivains, des photographes et d'autres artistes à l'Oloffson.

«Son sens de la communauté était très important pour lui», a-t-elle confié lors d'un entretien téléphonique lundi, décrivant l'hôtel comme étant «toute sa vie».

«Pour lui, il représentait la liberté, un espace où des personnes de tous horizons pouvaient venir et partager cet espace.»

Richard Morse n'a pas répondu à une demande de commentaires. Le célèbre groupe qu'il a fondé, RAM, a publié sur X tôt lundi que l'hôtel avait «entièrement brûlé».

Sa fille a expliqué que ses parents avaient espéré rouvrir l'Oloffson.

«Ce n'est pas seulement une entreprise, c'est notre foyer. Nous y avons grandi, a-t-elle insisté. Il s'agissait davantage de revenir au pays que de rouvrir l'entreprise.»

Le patrimoine haïtien en flammes

L'Oloffson a servi de palais d'été présidentiel au début des années 1900, puis est devenu un hôpital du Corps des Marines des États-Unis, avant qu'un capitaine de navire suédois ne le transforme en hôtel dans les années 1930.

Il a également inspiré l'Hôtel Trianon dans le roman de Graham Greene paru en 1966, «Les Comédiens», dont l'action se déroule en Haïti sous la dictature brutale de François Duvalier, plus connu sous le nom de «Papa Doc».

Dans la réalité, le tourisme a décliné sous les Duvalier et l'hôtel est devenu un refuge pour les travailleurs humanitaires et les correspondants étrangers.

À la fin des années 1980, Richard Morse en est devenu le directeur. Son groupe, RAM, jouait de la musique traditionnelle haïtienne les jeudis soirs, devenus légendaires, tout comme les célébrations du jour des Morts, connues sous le nom de Fèt Gede, qui attiraient les adeptes du vaudou.

L'Oloffson était niché dans le quartier huppé de Pacot, au sud-est de Port-au-Prince, la capitale. Entouré de jardins luxuriants, il était souvent décrit comme un lieu mythique, réputé pour ses treillis complexes, ses tourelles, ses flèches et ses parquets grinçants, caractéristiques des maisons de style Gingerbread menacées d'Haïti.

L'hôtel a fermé ses portes ces dernières années, à la suite des raids de gangs qui ont pris le contrôle de communautés autrefois paisibles.

«Une grande partie du patrimoine architectural haïtien est en train de brûler, tandis que de soi-disant dirigeants restent les bras croisés», s'est insurgé le journaliste Michael Deibert. «La destruction de l'Oloffson symbolise la destruction de l'histoire et de la culture haïtiennes à laquelle nous assistons depuis plusieurs années.»