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Les élèves québécois ont de la difficulté à écrire, à s'exprimer et à socialiser, rien de moins, disent avoir constaté les directeurs d'école.
Les élèves québécois ont de la difficulté à écrire, à s'exprimer et à socialiser, rien de moins, selon des directeurs d'école.
Mardi, l'Association québécoise du personnel de direction des écoles (AQPDE) a présenté un mémoire à la commission spéciale qui étudie les effets des écrans sur la santé et le bien-être des jeunes.
Elle a expliqué avoir sondé ses membres, qui se sont dits largement préoccupés par le fait que les élèves «ont moins de capacité à décoder le non verbal et les expressions faciales de leurs interlocuteurs».
Sur le plan linguistique, des élèves de cinq ans parlent comme des enfants de trois ans, signale l'AQPDE.
Le langage étant étroitement lié à la gestion des émotions, de plus en plus d'élèves se désorganisent en classe et le personnel, comme les directions, doit utiliser des mesures contraignantes pour intervenir.
«Nos directions constatent que cette pratique était rarement nécessaire dans nos écoles primaires il y a trois ou quatre ans», souligne l'AQPDE dans son mémoire.
Les élèves auraient une moins bonne motricité fine et plus de difficulté à apprendre à écrire, ce qui pourrait s'expliquer par la présence d'écrans tactiles à la maison et la diminution du temps passé à dessiner et bricoler.
Au chapitre des relations sociales, les directions d'école disent avoir constaté que les élèves ont du mal à entrer en contact entre eux.
«On estime qu'ils ne savent plus comment entrer en relation, donc c'est une grande perte (...) des habiletés sociales», particulièrement au préscolaire, où «la gestion des situations conflictuelles entre les élèves ne fait qu'augmenter», rapporte-t-on.
Par ailleurs, les réseaux sociaux amènent de nouvelles préoccupations. Au primaire, de jeunes filles arrivent en classe avec de la crème antirides, dont les mérites sont vantés par des influenceuses.
D'autres jeunes veulent être exemptés de leurs cours d'éducation physique parce qu'ils craignent d’être filmés.
Le personnel et les directions partagent d'ailleurs cette inquiétude d'être filmés ou enregistrés, selon l'AQPDE, qui verrait d'un bon œil le déploiement d'une campagne de sensibilisation destinée aux parents.
Il est temps de passer à la deuxième vitesse pour baliser les écrans, en incitant plusieurs acteurs de la société, pas juste les individus, à se responsabiliser, selon le chercheur épidémiologiste français Jonathan Bernard.
«Pour l'instant, on s'adresse aux individus, il faut faire ceci, cela. On n'a pas vraiment passé à la vitesse numéro deux pour contraindre aussi les acteurs, les responsabiliser aux effets pervers qu'ils peuvent causer sur la santé», a-t-il déclaré.
M. Bernard recommande aux gouvernements de mettre en place des «bornes» ou des «cadres». En France, par exemple, on a dit «pas d'écran avant trois ans» et pas de réseaux sociaux avant 15 ans sans le consentement des parents.
On a aussi complètement banni le téléphone cellulaire à l'école secondaire.
Très vite, il faudra également responsabiliser les grandes plateformes, notamment afin qu'elles limitent les «conceptions addictogènes» comme le défilement infini (infinite scrolling), a affirmé M. Bernard.
Car les études sur les effets nocifs des écrans sont de plus en plus «robustes» et «consensuelles», surtout en ce qui concerne le sommeil, la sédentarité, l'obésité et la vision, a ajouté la neurologue française Servane Mouton.
C'est sans parler du développement du langage, de la gestion des émotions, de la capacité attentionnelle et de la santé mentale des jeunes, toutes des questions qui font l'objet d'études de plus en plus «riches» à travers le monde.
Mme Mouton a rappelé aux élus québécois que les écrans ne sont pas essentiels au développement d'un enfant. «Ce n'est pas une nécessité pour en faire un être accompli», a-t-elle déclaré.
Qualifiant la situation de «véritable enjeu de santé publique», le président-directeur général de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a recommandé mardi une plus grande «sobriété numérique».
Pierre-Gerlier Forest dit s'appuyer sur les connaissances scientifiques actuelles pour appeler à la mise en place d'actions «structurelles, multifacettes et cohérentes entre les milieux, au-delà de la responsabilisation individuelle».
Par exemple, une réduction du temps d'écran en contexte scolaire devrait être considérée à la fois pour les usages pédagogiques en classe, les loisirs et les services de garde.
Actuellement, au Québec, certaines politiques portées par différents ministères ont des objectifs qui ne sont pas nécessairement arrimés, souligne l'INSPQ.
L'institut propose trois grands objectifs pour guider l'action publique: retarder l'usage des écrans, réduire le temps et l'exposition, surtout lorsqu'il n'y a aucune valeur pédagogique ajoutée, et réduire les méfaits.
Les consultations se poursuivent jusqu'au 26 septembre. La commission spéciale doit également faire une tournée dans des écoles, avant de déposer son rapport au plus tard le 30 mai 2025.