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Les données publiées lundi par l’Observatoire des inégalités du Québec sont sans appel.
La forte hausse du coût de la vie après la pandémie a provoqué une croissance marquée des inégalités au Québec et au Canada.
Les données publiées lundi par l’Observatoire des inégalités du Québec sont sans appel: les plus riches se sont enrichis et les plus pauvres se sont appauvris après la flambée des prix, particulièrement ceux du logement et de l’alimentation.
On a beaucoup parlé du taux d’inflation de 8 % en 2022, mais ce qui est moins véhiculé est le cumul des hausses de prix entre 2020 et 2025. Durant les cinq dernières années, soit d’août 2020 à août 2025, l’augmentation totale des prix a été de 21,8 % au Québec.
Le portrait prend un tout autre éclairage quand on isole les composantes de l’indice des prix à la consommation, alors que l’on constate que le logement a augmenté de 31,4 % et l’alimentation de 28,2 %. Or, ces deux postes occupaient la moitié des dépenses des 20 % les plus pauvres de la population au Québec (28 % pour le logement, 22 % pour l’alimentation), mais seulement 22 % (14 % pour le logement et 8 % pour l’alimentation) des dépenses des 20 % les plus riches. Comme il s’agit des chiffres de l’Enquête sur les dépenses des ménages de 2023 de Statistique Canada, on peut présumer que ce portrait s’est aggravé depuis deux ans du côté du quintile des plus pauvres.
Ces augmentations n'ont donc pas le même impact aux deux bouts du spectre, souligne l'auteur du rapport, Geoffroy Boucher, économiste à l'Observatoire: «Lorsque le prix des aliments, le prix du logement, augmente rapidement, ça touche la moitié des dépenses des personnes à plus faible revenu, alors que ça touche à seulement 22 % des dépenses des ménages plus élevés. Donc, ils sont touchés de manière plus marquée par les hausses de prix.»
Les revenus, pendant ce temps, ont pris des chemins inverses selon le groupe dans lequel on se trouve. Si la moyenne nous dit que le revenu disponible des Québécois s’est accru de 19,3 % entre 2020 et 2024, soit légèrement au-dessus de l’IPC cumulé de 18,3 % durant ces quatre années, ce chiffre est faussé par l’augmentation disproportionnée du revenu des ménages les plus riches.
Ainsi, les 20 % les plus riches de la population (revenus de plus de 210 000 $) ont vu leur revenu annuel disponible bondir de 71 807 $ en dollars constants, une poussée de 51,4 %, alors que les ménages du quintile le plus pauvre (revenus de moins de 30 000 $) ont vu leur revenu baisser de 568 $, un recul de près de 2 %.
«Ce qui nous surprend, c'est l'ampleur de cet accroissement des inégalités et la rapidité avec laquelle il y a une augmentation. Parce qu’en 2020-2021, on avait vu une réduction assez importante des inégalités pendant la pandémie en raison des aides gouvernementales d'urgence – PCU, PCRE et autres – et cette aide avait eu un impact sur la distribution des revenus dans la société, notamment une augmentation du revenu des personnes à plus faible revenu, ce qui a fait que la réduction des inégalités a été marquée», rappelle l'économiste.
«Mais là, non seulement on a rattrapé la situation prépandémique, mais on est sur une trajectoire où on atteint des niveaux historiques d'inégalité et ce, même après impôt, donc même après redistribution par le système fiscal.»
Dans les trois autres quintiles entre le plus riche et le plus pauvre, les hausses de revenu disponible varient entre 1464 $ et 9221 $, donc rien qui ne s'approche du pactole des plus riches.
Les données les plus récentes de Statistique Canada ne permettent pas d’établir les écarts de revenu actuels à l’échelle québécoise, mais un autre calcul à l’échelle canadienne, soit la différence de revenu disponible entre les 40 % des ménages les plus riches et les 40 % des ménages les plus pauvres, montre un écart de 48,4 % au deuxième trimestre de 2025, un sommet historique d’inégalité selon ce calcul.
Quant à la situation du Québec, le rapport de l’Observatoire note que «comme les inégalités de revenu au Québec, quoique moins marquées, évoluent généralement dans la même direction que celles observées à l’échelle du Canada, il est hautement probable qu’une hausse marquée des inégalités de revenu s’y manifeste également pour les années 2023 à 2025».
L'écart est encore plus grand lorsqu'on regarde le patrimoine, c'est-à-dire les propriétés, placements, fonds de pension et autres, selon les chiffres canadiens du deuxième trimestre de 2025. Si les 20 % les plus riches reçoivent 42,3 % du revenu disponible, ils sont propriétaires de près de 65 % de la richesse. À l'opposé, si l'on additionne les deux quintiles inférieurs, c'est-à-dire les 40 % les plus pauvres de la population canadienne, ceux-ci récoltent 17,3 % du revenu disponible, mais ne détiennent qu'une infime portion de 3,3 % de la richesse accumulée au Canada.