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«Leur inaction a brisé ma vie.»
La mère des garçons tués en 2020 par leur père Michaël Chicoine dans une résidence de Wendake, Émilie Arsenault, ainsi que les grands-parents des enfants, Claude Guimont et Jean-Guy Arsenault, poursuivent le CIUSSS de la Capitale-Nationale et le Directeur de protection de la jeunesse (DPJ) pour 2,5 millions de dollars.
La famille réclame cette somme, notamment en raison de la «négligence grossière» des défenderesses et des «conséquences découlant fort probablement des carences flagrantes de celle-ci à l'étape de l'évaluation des signalements» concernant Olivier et Alex, qui avaient respectivement 5 et 2 ans au moment de leurs décès.
Voyez le compte-rendu de Laurence Royer dans la vidéo liée à l'article.
Le dépôt de la poursuite en responsabilité civile coïncidait avec l'anniversaire du jeune Olivier, qui aurait eu 9 ans le 15 février.
«Aujourd’hui, je demande réparation pour l’inaction de la DPJ, qui a mené au plus grand chamboulement de ma vie. Au-delà de la réparation, mon but ultime est de voir un changement réel, un remaniement complet des procédés au sein de la DPJ», a déclaré Mme Arsenault en marge d'une conférence de presse, jeudi.
Mme Arsenault a affirmé qu'elle trouvait la force de se battre parce qu'elle était portée par un nouveau combat: celui de s'assurer que tous les parents soient entendus lorsqu’il s’agit de craindre pour leurs enfants.
«Leur inaction a brisé ma vie.»
«Comment on fait pour dire que c’est de la faute à personne? Moi, des portes j’en ai cogné pour essayer de protéger mes enfants. À aucun moment, je ne me suis sentie écoutée. À aucun moment, on ne m’a tendu la main pour me dire que ça allait aider et qu’on allait m’aider», poursuit la mère d'Olivier et d'Alex.
«J’étais, je suis et je serai la maman d’Olivier et Alex pour toujours.»
La mère des jeunes enfants avait émis trois signalement à la DPJ avant le tragique événement. Ceux-ci n'ont toutefois pas été retenus.
Me Valérie Assouline, qui représente la famille dans le dossier, dénonce notamment que l'événement n'a eu aucun impact au sein de la DPJ. «Malgré de multiples enquêtes, aucun bureaucrate ne perdra son emploi à la DPJ. Personne n’est responsable, personne ne sera imputable. Lorsqu’il y a drame d’enfant et que personne n’est responsable ou imputable, c’est le socle même de la justice qui est ébranlé. », déplore-t-elle.
Selon l'avocate, il ne s'agit pas d'un simple cas de mauvaise évaluation d'un dossier, mais plutôt «d’une conduite irresponsable, d’incurie, de négligence grossière au plus haut point pendant des années».
«Ce sont des décès qui auraient pu et qui surtout auraient du être évités.»
Les grands-parents demandent chacun 200 000 $, tandis que Mme Arsenault demande 2,1 millions de dollars.
Mme Arsenault avait déjà déposé une mise en demeure à hauteur de 2 millions de dollars contre la DPJ en avril 2022. Elle reprochait au service d’avoir ignoré ses signalements et avançait que cet «aveuglement volontaire […] a coûté la vie» à ses enfants: Alex, 2 ans, et Olivier, 5 ans, morts le 11 octobre 2020.
Selon l’information découlant de la mise en demeure, Émilie Arsenault avait effectué un premier signalement le 21 mai 2018 non retenu par la DPJ, avant la naissance d’Alex. Olivier avait 3 ans à l’époque.
D’après Me Valérie Assouline, l’avocate d’Émilie Arsenault, la DPJ avait mis 60 jours pour indiquer qu’elle ne retenait pas un deuxième signalement de la mère des petits garçons.
Émilie Arsenault a tenté un troisième signalement le 11 février 2020, non retenu par la DPJ un mois plus tard environ.
«Nous attribuons ces écarts au manque de constance, de rigueur, d'encadrement, de supervision et de direction du travail de la DPJ effectué par le CIUSSS de la Capitale-nationale», écrivait Me Assouline, au moment du dépôt de la mise en demeure.
«Dans ces circonstances, le CIUSSSCN et le ministère de la Santé ont fait preuve d’une négligence grossière, d’imprudence et d’insouciance causant un préjudice irréparable à Olivier et Alex ainsi qu’à notre cliente, ce qui constitue sans l’ombre d’un doute une faute lourde portant ainsi atteinte aux droits à la sécurité, à l’intégrité et à la dignité», ajoutait-elle.
Mme Arsenault expliquait entreprendre sa démarche notamment pour que le nom de ses enfants ne soit pas oublié. «C'est pour que ça change, qu'il y ait un impact, que la DPJ et le ministre acceptent de voir la réalité, que ce n'est pas à jour avec la vie d'aujourd'hui», ajoute-t-elle.
Après avoir consulté le rapport de la Commission des droits de la personne, Mme Arsenault affirmait alors être en mesure de dire qu'il y a eu de «gros manquements au niveau des signalements qui n'ont pas été retenus».
Elle précisait toutefois ne pas en vouloir aux intervenants, mais plutôt à la structure «défaillante» en place. «Ce n'est pas de leur faute à eux. C'est vraiment la mentalité de la DPJ qui doit changer, les lois qui doivent être refaites. Ça doit vraiment être refait de A à Z», insistait-elle.
Avec la collaboration de Guillaume Théroux pour Noovo Info.