Société

Disparus au Québec depuis plusieurs années: voici pourquoi les cas les plus anciens ont été repartagés

«Il y a beaucoup de personnes décédées non identifiées...»

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(Courtoisie | Suzanne Lejeune)

Le Bureau du coroner a repartagé ses affaires les plus anciennes et les plus froides, dans l'espoir que quelqu'un, quelque part, reconnaisse quelque chose.

En février, le Bureau a dévoilé une base de données sur les corps non identifiés, contenant des photos et des descriptions d'objets personnels trouvés avec eux: chandails, bijoux, tatouages, cicatrices, chaussures, portefeuilles - et même des fragments de tatouages ou de soins dentaires.

Ce texte est une traduction d'un article de CTV News.

 

Jusqu'à présent, plus de 120 cas ont été publiés, ce qui, selon les responsables, n'est qu'une fraction de ce qui est à venir. 

«Il y a beaucoup de personnes décédées non identifiées», a soutenu la coroner Karine Spénard.

«Au cours des 40 dernières années, nous avons environ 500 à 600 personnes que nous n'avons pas encore identifiées. La base de données fait partie d'un effort de modernisation lancé il y a deux ans par l'actuel coroner en chef du Québec. Avec un groupe de travail multi-agences qui réexamine les dossiers non résolus, le nouvel outil est destiné à impliquer directement le public - ce qui, selon les responsables, est essentiel pour résoudre des cas qui, autrement, resteraient enfouis.»

Selon Mme Spénard, même après des décennies, le bon indice - une veste, une cicatrice, une paire de bottes - peut ouvrir une piste.

«Des gens nous ont dit: "Je pense que c'est peut-être mon frère", simplement en voyant des photos», a-t-elle mentionné. «Nous sommes aujourd'hui en mesure de revenir en arrière et de faire correspondre les corps avec les dossiers médicaux ou l'ADN, mais nous avons besoin de cette première étincelle. Le public nous la donne.»

Suzanne Lejeune, dont la sœur Louise a disparu à LaSalle en 1990, est l'une des personnes qui surveillent de près la base de données. Louise avait quitté l'Ontario pour le Québec afin de se rapprocher de son fils, dont sa mère s'occupait à Châteauguay, en Montérégie.

Diagnostiquée schizophrène pendant sa grossesse, elle bénéficiait de l'aide sociale et vivait avec des moyens limités.

«Elle espérait vraiment qu'elle irait mieux et qu'elle finirait par récupérer la garde de son fils», a raconté Mme Lejeune.

«Elle ne se souciait que de son fils. Louise prenait le bus chaque semaine pour lui rendre visite, mais un jour elle a arrêté.»

«Elle n'est pas venue en décembre et pour Noël», dit-elle, ajoutant qu'elle et les autres membres de la famille n'ont pas réalisé qu'elle manquait à l'appel depuis des années.

À l'époque, elle dit qu'elle et ses sœurs ne parlaient plus à leur mère. Ce n'est qu'en 1995 qu'elle a appris que Louise avait disparu depuis 1990. Ce qui est encore plus troublant, c'est que Mme Lejeune a découvert plus tard que la disparition de sa sœur n'avait pas été signalée tout de suite. Selon elle, ce n'est que lorsque le petit ami de Louise a appelé la police en février 1991 qu'un dossier de disparition a été ouvert.

Aujourd'hui, Mme Lejeune affirme qu'il n'y a toujours pas de suspects, de preuves ni de pistes. «Pas de corps, pas de crime, pas de justice», a-t-elle déclaré. «Je ne peux rien faire pour savoir ce qui lui est arrivé sans corps.»

Elle décrit sa sœur comme quelqu'un de gentil, de timide et de vulnérable, qui aurait pu faire confiance à la mauvaise personne. Louise ne parlait pas non plus français.

«Elle était la plus intelligente de nous tous, la plus douce et elle ne méritait pas ce qui lui est arrivé», se souvient Mme Lejeune.

Si le cas de Louise était ajouté au nouveau site du coroner, Mme Lejeune pense qu'elle pourrait reconnaître quelque chose, comme le pull qu'elle portait toujours.

«C'était un épais chandail de laine gris avec un col mauve. Je la taquinais toujours en disant qu'il était moche, mais elle l'adorait», a-t-elle déclaré. «C'est la dernière chose qu'on l'a vue porter.»

La base de données, dit-elle, pourrait être particulièrement utile aux familles comme la sienne, celles qui n'ont pas eu la chance de tirer la sonnette d'alarme très tôt et qui gardent espoir des décennies plus tard.

«Parfois, c'est une image qui change tout. Quelqu'un voit un vêtement et se souvient», a-t-elle lancé.

Le site comprend également une ligne d'information pour toute personne pensant reconnaître quelque chose. Mme Spénard a indiqué qu'elle téléchargeait progressivement d'autres cas, ce qui pourrait inclure des dossiers remontant jusqu'à 1953. Depuis la création du groupe de travail sur les affaires non résolues, Mme Spénard a indiqué que le Bureau du coroner avait confirmé 22 identités.

Le détective privé Stéphane Luce, fondateur de Meurtres et disparitions irrésolus au Québec (MDIQ), un groupe d'enquête dirigé par des citoyens, a qualifié la base de données de «grande surprise» et estime qu'elle pourrait changer la donne si elle était utilisée correctement.

«Dans le passé, nous entendions parler d'un meurtre ou d'une personne disparue, mais sans presque aucun détail», explique M. Luce. «Aujourd'hui, grâce à ce type d'outils, nous pouvons obtenir de nombreuses informations, en particulier des photos.»

Il ajoute que l'accès du public est essentiel au progrès. «Ils ont besoin des informations du public pour pouvoir résoudre ces affaires.»

«Ils doivent travailler plus étroitement avec le public et les enquêteurs privés comme nous. Nous faisons tous partie du même casse-tête.» Pour Mme Lejeune, tout se résume à une chose. «L'espoir», dit-elle. «Un vêtement, un fragment de quelque chose, c'est tout ce que je cherche.»