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Desmond Tutu, militant sud-africain lauréat du prix Nobel de la paix pour la justice raciale et les droits des LGBT est décédé, a annoncé dimanche le président sud-africain Cyril Ramaphosa. Il était âgé de 90 ans.
Par Andrew Meldrum – The Associated Press
Adversaire intransigeant de l'apartheid, le régime d'oppression brutale de l'Afrique du Sud à l'encontre de la majorité noire, M. Tutu a œuvré sans relâche, mais de manière non violente, pour sa chute.
Cet ecclésiastique au franc-parler et marqué par son dynamisme a utilisé sa chaire en tant que premier évêque noir de Johannesburg, puis archevêque du Cap, ainsi que ses fréquentes manifestations publiques pour galvaniser l'opinion publique contre l'inégalité raciale, tant au niveau national que mondial.
La mort de Desmond Tutu dimanche «est un autre chapitre du deuil dans l'adieu de notre nation à une génération de Sud-Africains exceptionnels qui nous ont légué une Afrique du Sud libérée», a indiqué le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, dans un communiqué.
«Des pavés de la résistance en Afrique du Sud aux chaires des grandes cathédrales et lieux de culte du monde, en passant par le cadre prestigieux de la cérémonie du prix Nobel de la paix, l'Arche s'est distingué comme un champion non sectaire et inclusif des droits de l'homme universels».
M. Tutu est décédé paisiblement à l'Oasis Frail Care Center au Cap, a indiqué la fondation Archbishop Desmond Tutu Trust dans un communiqué, dimanche.
Desmond Tutu avait été hospitalisé à plusieurs reprises depuis 2015, après avoir été diagnostiqué avec un cancer de la prostate en 1997.
Le premier ministre Justin Trudeau s'est dit «profondément attristé» par le décès de l'archevêque qui déjà a visité le Canada dans le cadre des efforts pour la vérité et la réconciliation avec les peuples autochtones.
«Tout au long de sa vie remarquable, l'archevêque Tutu s'est appuyé sur sa vision de la solidarité, de l'égalité et du pardon pour plaider en faveur d'un monde meilleur et plus pacifique», a-t-il déclaré dans un communiqué, offrant en son nom, à celui des Canadiens et de sa femme Sophie ses condoléances aux proches.
«Son optimisme inébranlable contre vents et marées et sa foi sans borne en l'humanité continueront de nous inspirer tous», a conclu M. Trudeau.
Tout au long des années 1980 - lorsque l'Afrique du Sud était en proie à la violence antiapartheid et à un état d'urgence donnant à la police et à l'armée des pouvoirs étendus - M. Tutu était l'un des Noirs les plus éminents capables de dénoncer les abus.
L'esprit vif de Desmond Tutu éclairait ses discours percutants et égayait des manifestations, des funérailles et des marches autrement sinistres. Petit, courageux, tenace, il était une force formidable, et les dirigeants de l'apartheid ont appris à ne pas négliger son talent astucieux pour citer des textes bibliques pertinents afin d'obtenir le soutien de la population en faveur du changement.
Le prix Nobel de la paix décerné en 1984 a souligné sa stature de champion des droits de l'homme parmi les plus efficaces au monde, une responsabilité qu'il a prise au sérieux jusqu'à la fin de sa vie.
Avec la fin de l'apartheid et les premières élections démocratiques en Afrique du Sud en 1994, Desmond Tutu a célébré la société multiraciale du pays, la qualifiant de«nation arc-en-ciel», une expression qui traduit bien l'optimisme du moment.
Surnommé «l'Arche», Desmond Tutu était de petite taille, doté d'un sens de l'humour espiègle, mais il est devenu une figure marquante de l'histoire de son pays, comparable à son collègue lauréat du prix Nobel Nelson Mandela, prisonnier sous le régime d'apartheid et devenu le premier président noir d'Afrique du Sud. Desmond Tutu et Nelson Mandela partageaient la même volonté de construire un pays meilleur et plus juste.
En 1990, après 27 ans de prison, M. Mandela a passé sa première nuit de liberté dans la résidence de M. Tutu, au Cap. Plus tard, Nelson Mandela l'a surnommé «l'archevêque du peuple».
Desmond Tutu a fait campagne au niveau international pour les droits de l'homme, notamment les droits des LGBT et le mariage homosexuel.
«Je ne vénérerais pas un Dieu homophobe et c'est ce que je ressens profondément à ce sujet», a-t-il déclaré en 2013, en lançant une campagne pour les droits LGBT au Cap. «Je refuserais d'aller dans un paradis homophobe. Non, je dirais: "Désolé, je préfère de loin aller dans l'autre endroit"».
La position très publique de Desmond Tutu en faveur des droits LGBT l'a mis en porte-à-faux avec de nombreuses personnes en Afrique du Sud et sur le continent, ainsi qu'au sein de l'Église anglicane.
L'Afrique du Sud, selon M. Tutu, est une nation «arc-en-ciel» promise à la réconciliation et à l'égalité raciale, même s'il a perdu ses illusions avec le Congrès national africain, le mouvement antiapartheid qui est devenu le parti au pouvoir lors des élections de 1994. Ses remarques franches longtemps après l'apartheid ont parfois provoqué la colère de ses partisans qui l'ont accusé d'être partial ou déconnecté.
Desmond Tutu avait présidé la Commission de la vérité et de la réconciliation qui a enquêté sur les atrocités commises sous l'apartheid et a accordé l'amnistie à certains auteurs, mais certains estiment que davantage d'anciens responsables blancs auraient dû être sanctionnés.
Desmond Mpilo Tutu est né le 7 octobre 1931 à Klerksdorp, à l'ouest de Johannesburg, et est devenu enseignant avant d'entrer au St. Peter's Theological College de Rosetenville, en 1958, pour suivre une formation de prêtre. Il est ordonné en 1961 et six ans plus tard, il devient aumônier de l'université de Fort Hare. Il s'installe ensuite dans le petit Royaume du Lesotho, en Afrique australe, puis en Grande-Bretagne, avant de rentrer chez lui en 1975. Il est devenu évêque du Lesotho, président du Conseil sud-africain des églises et, en 1985, le premier évêque anglican noir de Johannesburg, puis en 1986, le premier archevêque noir du Cap. Il a ordonné des femmes prêtres et promu des prêtres homosexuels.
Desmond Tutu a souvent dirigé des services funéraires après les massacres qui ont marqué la période de négociation de 1990 à 1994. Il s'est insurgé contre la violence politique entre Noirs, demandant aux foules: «Pourquoi nous infligeons-nous cela?». Dans un moment fort, M. Tutu a désamorcé la colère de milliers de personnes en deuil dans un stade de soccer après le massacre de 42 personnes à Boipatong en 1992, en entraînant la foule dans des chants proclamant leur amour de Dieu et d'eux-mêmes.
Desmond Tutu laisse derrière lui sa femme depuis 66 ans et leurs quatre enfants.
Interrogé une fois sur la façon dont il voulait qu'on se souvienne de lui, il a répondu à l'Associated Press: «Il aimait. Il a ri. Il a pleuré. Il a été pardonné. Il a pardonné. Un grand privilège».