Société

De possibles sépultures d'enfants sur un terrain de la SAQ à Montréal

Le site, situé au 1501, rue Futailles, est situé sur l'ancien hôpital Saint-Jean-de-Dieu qui a accueilli des enfants au milieu du XXe siècle. Des corps d'enfants de l'époque des «orphelins de Duplessis» pourraient y reposer.

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La Société des alcools du Québec (SAQ) a interrompu les travaux d'excavation dans un entrepôt de Montréal après que des questions aient été soulevées quant à la présence d'un cimetière «informel» où pourraient reposer les corps d'enfants de l'époque des «orphelins de Duplessis».

Une lettre conjointe du Comité des orphelins et orphelines institutionalisées de Duplessis et du Kanien'keha:ka Kahnistensera (Mohawk Mothers) a informé la SAQ que sa distribution au 1501, rue Futailles, dans l'arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal, est située sur l'ancien hôpital Saint-Jean de Dieu qui a accueilli des enfants au milieu du XXe siècle, une époque parfois appelée «la Grande Noirceur».

Ce texte est une traduction d'un article de CTV News.

«Malgré une "exhumation massive" du cimetière en 1967 et le transport des corps au Cimetière de l'Est, devenu le Cimetière St-François d'Assise, d'autres restes humains ont été découverts lors de la construction des bâtiments de la Société des Alcools du Québec en 1975, révélant que tous les ossements n'avaient pas été exhumés en 1967», peut-on lire dans la lettre.

Voyez le compte-rendu de Jean-François Poudrier dans la vidéo liée à l'article.

D'autres travaux d'agrandissement du stationnement du Centre de distribution de la SAQ en 1999 ont mené à la découverte accidentelle d'autres ossements humains. La SAQ a admis à l'époque que «ses techniciens et ingénieurs n'avaient pas d'expertise particulière en médecine légale».

La responsable des relations avec les médias de la SAQ, Clémence Beaulieu Gendron, a indiqué que dès que la SAQ a reçu la lettre, les travaux d'excavation ont été interrompus.

«Une chose est certaine : nous voulons faire les choses correctement», a déclaré Mme Gendron.

Nommés en l'honneur de l'ancien premier ministre du Québec, Maurice Duplessis, les Orphelins de Duplessis ont été qualifiés à tort de «retardés mentaux» par les médecins du gouvernement et transférés dans un hôpital pour malades mentaux géré par l'Église catholique de 1949 à 1956.

Certains de ces orphelins se sont retrouvés à l'hôpital Saint-Jean-de-Dieu, dirigé par les Sœurs de la Charité de la Providence.

Dans un document judiciaire datant de 1980, la sœur Marie Paule Levaque a déclaré qu'environ 2 000 corps ont été enterrés dans le cimetière entre 1873 et 1958 et que beaucoup n'ont pas été réclamés par leurs familles.

Les orphelins qui y vivaient l'appelaient le «cimetière des porcheries» car des animaux y vivaient également.

Les deux groupes estiment qu'il y a peut-être encore des enfants autochtones et non autochtones sur le site.

Philippe Blouin, maître de conférences à l'université McGill, travaille avec les deux groupes et affirme qu'il n'y a jamais eu d'enquête publique sur ce qu'il est advenu des enfants qui faisaient partie de cette «profonde cicatrice dans l'histoire du Québec».

«Il n'y a eu aucune admission de la culpabilité du gouvernement du Québec dans la création de cette situation», a-t-il déclaré. 

«Les orphelins, à l'époque, n'étaient pas nécessairement des orphelins, juste un très petit pourcentage d'entre eux n'avaient pas de parents parce que tous les enfants nés hors mariage étaient pris par l'État et souvent donnés à l'adoption ou utilisés pour des expériences médicales, très tristement, surtout en psychiatrie, à l'époque au Québec.»
- Philippe Blouin, maître de conférences à l'université McGill

L'ancien premier ministre du Québec, Lucien Bouchard, a présenté des excuses publiques aux orphelins le 4 mars 1999, mais «sans blâmer ni imputer de responsabilité légale à qui que ce soit».

Les deux groupes souhaitent que les informations sur les fouilles soient rendues publiques, qu'un bioarchéologue qualifié soit présent pendant les travaux et qu'un moniteur culturel autochtone soit nommé par les Kanien'kehá:ka Kahnistensera.

«Étant donné la forte probabilité de la présence de sépultures anonymes d'enfants autochtones et non autochtones sur le site, nous cherchons à établir un protocole de collaboration archéologique et médico-légale afin de protéger les restes humains avant les travaux d'excavation», peut-on lire dans la lettre.

Un dispositif similaire a été mis en place lorsque des travaux d'excavation ont été entrepris dans le cadre des travaux de l'ancien hôpital Royal Victoria.

«Ces survivants veulent tourner la page et surtout protéger les preuves de ce qui leur est arrivé», a déclaré M. Blouin. «Les orphelins de Duplessis sont jumelés aux mères mohawks parce qu'ils ont découvert une histoire commune dans la façon dont les enfants autochtones disparaissaient dans le système de soins de santé du Québec, souvent leurs noms étaient changés, souvent pris comme orphelins, ils étaient regroupés avec les orphelins.»