Justice

Des Premières Nations contesteront le projet de loi C-5 en Cour

Les Premières Nations demandent à la Cour une injonction interdisant au gouvernement fédéral de nommer des projets d'intérêt national.

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d0463b4843272a2954dce490abb6cd288d12d487d0628c046568ad5c32afe2f3.jpg Le premier ministre Mark Carney est rejoint par les membres de son cabinet et de son caucus lors d'une conférence de presse dans le foyer de la Chambre des communes à Ottawa, après l'adoption du projet de loi C-5 à la Chambre, le vendredi 20 juin 2025. LA PRESSE CANADIENNE/Justin Tang (Justin Tang | La Presse canadienne)

Neuf Premières Nations de l'Ontario demandent à un tribunal de déclarer inconstitutionnelles deux lois, fédérale et provinciale, visant à accélérer des projets d'infrastructure et sollicitent une injonction qui empêcherait les gouvernements d'utiliser certains de leurs aspects les plus litigieux.

Dans leur contestation judiciaire déposée devant la Cour supérieure de justice de l'Ontario, les communautés autochtones affirment que la loi fédérale, connue sous le nom de projet de loi C-5, et la loi ontarienne, connue sous le nom de projet de loi 5, représentent toutes deux un «danger clair et présent» pour le droit des Premières Nations à l'autodétermination quant à leurs modes de vie sur leurs territoires.

«Bien que les lois laissent ouverte la possibilité ou prévoient une consultation des Premières Nations dès la première étape, (...) leur participation à cette décision est à elle seule un leurre, détournant l'attention de toutes les autres façons dont les lois réduisent nécessairement la capacité des Premières Nations à s'engager sur les conséquences plus larges des régimes», écrivent-elles dans leur contestation judiciaire.

Le projet de loi fédéral C-5 permet au Cabinet d'accorder rapidement des approbations fédérales pour de grands projets industriels tels que des mines, des ports et des pipelines en contournant les lois existantes, tandis que le projet de loi de l'Ontario permet à son Cabinet de suspendre les lois provinciales et municipales par la création de «zones économiques spéciales».

Les Premières Nations demandent à la Cour une injonction interdisant au gouvernement fédéral de nommer des projets d'intérêt national et à l'Ontario de mettre en place des zones économiques spéciales.

Les gouvernements fédéral et ontarien ont tous deux déclaré que leurs lois constituaient des outils pour contrer les effets des droits de douane imposés par le président américain, Donald Trump, en permettant au développement canadien, notamment celui des ressources naturelles, de progresser plus rapidement.

Mais il ne s'agit pas d'une lutte entre le développement et l'absence de développement, affirment les Premières Nations. Elles préconisent plutôt de «bien faire les choses» en veillant à ce que les informations nécessaires soient recueillies avant de procéder et que les droits et les protections soient respectés «afin que les coûts réels du développement ne dépassent pas de loin les avantages revendiqués».

«La fragmentation et les retards résultent des choix de la Couronne et de la lourdeur des bureaucraties, et non des Premières Nations», écrivent les communautés dans le document judiciaire.

«Apporter des changements maintenant pour 'simplifier' (ou accélérer) des projets ne peut se faire au détriment des Premières Nations, de leurs droits, de la Constitution et de la réconciliation.»

Des promesses creuses

Les Premières Nations soutiennent que les lois sont inconstitutionnelles, car elles violent le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne garanti par la Charte, ainsi que les droits à l’égalité.

Les représentants des deux gouvernements ont assuré qu’ils respecteraient l’obligation de consulter les peuples autochtones, mais les neuf Premières Nations soutiennent que cela sonne creux, car les lois autorisent le contraire.

L’Ontario a déjà entamé des consultations avec les Premières Nations qui «partagent notre vision de l’ouverture des perspectives économiques et des infrastructures essentielles dans leurs communautés et poursuivront ces consultations tout au long de l’été», a écrit le cabinet du premier ministre, Doug Ford, dans une déclaration.

«Nous continuerons de bâtir un consensus avec les Premières Nations sur des priorités communes, notamment les infrastructures existantes, les routes toutes saisons et l’exploitation des ressources, qui soutiennent la prospérité à long terme.»

La Première Nation d'Aroland est l'une des communautés qui contestent ces lois. Doug Ford a invoqué le nom du chef Sonny Gagnon à plusieurs reprises ce printemps pour défendre le projet de loi 5, affirmant que certains chefs seront toujours contre le développement, tandis que d'autres sont des penseurs progressistes, comme le chef Sonny.

Alors qu'Aroland a signé un accord de prospérité partagée avec la province pour des améliorations majeures aux routes menant au Cercle de feu, riche en minéraux, dans le nord de l'Ontario, M. Gagnon s'est prononcé contre le projet de loi 5. Aroland n'a jamais consenti à l'exploitation minière du Cercle de feu, a-t-il dit.

La région revêt une importance particulière dans cette affaire, selon la contestation judiciaire, puisque l'Ontario a déclaré vouloir faire du Cercle de feu une zone économique spéciale et a demandé au gouvernement fédéral de la désigner comme projet d'édification nationale.

Aroland se situe à l'extérieur de la région du Cercle de feu et a accès au réseau routier provincial qui se termine près de son territoire.

Le premier ministre Mark Carney a promis de rencontrer les Premières Nations cette semaine, après que les chefs ont déclaré que leurs droits n'avaient pas été respectés par l'adoption précipitée du projet de loi au Parlement.

La cheffe Sylvia Koostachin-Metatawabin de la Première Nation d’Attawapiskat, l'une des communautés concernées par la contestation judiciaire, a rappelé dans un communiqué de presse annonçant la contestation que leur mode de vie n’est pas «un pion dans un jeu politique».

«Se lancer tête baissée dans de grands projets sans en connaître les coûts signifie que les gouvernements jouent un jeu dangereux avec nos terres et notre avenir», a-t-elle écrit.

Allison Jones

Allison Jones

Journaliste