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Au Québec, la santé génère 3,6 % des émissions de GES de la province.
Des milliers de tonnes de déchets biomédicaux sont générés annuellement par les établissements de santé au Québec, ce qui comprend des seringues, des fioles de verre, des compresses, des outils chirurgicaux, etc. Or, certains hôpitaux sont plus innovants que d'autres pour gérer ces quantités colossales de déchets.
Même s'il n'est pas le secteur le plus polluant — au Québec, la santé génère 3,6 % des émissions de GES de la province — une quantité importante de déchets biomédicaux se retrouvent dans les sites d'enfouissement.
Selon l'organisme Synergie Santé Environnement, plus de 17 000 tonnes de déchets biomédicaux et pharmaceutiques sont produits annuellement par les établissements de santé et services sociaux au Québec.
Il faut distinguer deux principales catégories de déchets: ceux anatomiques, qui incluent des tissus humains, et les déchets biomédicaux non anatomiques. La première catégorie ne représente qu'environ 20 % des déchets biomédicaux. Ils doivent par ailleurs impérativement être traités par incinération.
Aucun hôpital ne traite les déchets anatomiques sur place. Ils sont confiés à des entreprises pour être traités par incinération à l'extérieur du Québec, a fait savoir le ministère de l'Environnement.
Pour les déchets non anatomiques, le ministère a indiqué qu'une trentaine d'hôpitaux utilisent un autoclave pour les désinfecter. Une fois traités, ces déchets sont gérés comme des matières résiduelles.
Les autres hôpitaux qui ne gèrent pas sur place leurs déchets ont recours à des entreprises spécialisées qui utilisent des technologies par autoclave ou par micro-ondes.
La technologie de l'autoclave, qui va désinfecter son contenu avec de la vapeur très chaude, comporte son lot d'inconvénients, selon Jérôme Ribesse, directeur général de Synergie Santé Environnement.
Il fait valoir que l'eau, qui a potentiellement été en contact avec des virus ou des produits dommageables pour la santé, est retournée dans les égouts. «On a un potentiel impact sur l’eau en termes de consommation d’eau et d’eau qu’on retourne à l’environnement. On ne sait pas exactement si elle est polluée ou pas, si elle répond à des normes ou pas», dit-il.
M. Ribesse estime que le Québec était avant-gardiste quand il a adopté en 1992 son Règlement sur les déchets biomédicaux qui visait à réduire les risques associés à leur gestion, mais depuis, il affirme que la province traîne de la patte.
«C’est toujours cette problématique au Québec: l’eau, on ne la paye pas, ou on la paye, mais on ne sait pas trop combien. On n’y fait pas trop attention. Notre idée en travaillant avec les établissements de santé, c’était de commencer à travailler sur différentes facettes du développement durable, d’avoir une vision la plus holistique possible des impacts environnementaux», explique-t-il.
M. Ribesse a travaillé avec le CISSS des Laurentides pour installer en 2018 une machine Ecosteryl sur le site de l'Hôpital de Saint-Jérôme. Au Québec, il existe seulement deux machines de ce type de la compagnie belge AMB, l'autre étant détenue par la société DBM environnement.
En résumé, la machine Ecosteryl désinfecte les déchets biomédicaux par micro-ondes, donc sans utiliser de l'eau, et elle déchiquette son contenu en petits confettis, ce qui réduit le transport vers les sites d'enfouissement en plus de prendre moins de place sur le site. Cela diminue aussi les risques de coupures et de blessures pour les personnes qui manoeuvrent la machine.
Les déchets biomédicaux non anatomiques de tous les établissements de santé du CISSS des Laurentides sont rapatriés à l'Hôpital de Saint-Jérôme, sauf pour quelques sites plus éloignés. Avec la machine Ecosteryl, le volume des déchets est réduit de 80 % en plus de générer des économies. Le CISSS parle de quelques centaines de milliers de dollars annuellement depuis la mise en service de la machine en 2018.
À terme, l'objectif serait de recycler les déchets biomédicaux, mais pour l'instant il y a trop de types de déchets qui ne devraient pas s'y retrouver.
D'autres centres hospitaliers qui ne bénéficient pas de cette machine font des pieds et des mains pour réduire les déchets à la source. C'est le cas du centre hospitalier de St-Mary's, à Montréal, qui a changé de petites pratiques qui font une grande différence.
L'hôpital a d'abord changé les gaz anesthésiques pour d'autres gaz moins polluants parce que c'était un pas facile à faire.
Lyndia Dernis, médecin anesthésiste à l'hôpital St-Mary's, a piloté plusieurs projets pour réduire et mieux trier les déchets. Son département a par exemple confectionné des bacs à linge sur roulettes pour trier le papier et le plastique lorsque le personnel prépare la salle d'opération. Ce petit geste fait une grande différence et permet de maximiser le recyclage, indique Dre Dernis.
«Le côté le plus générateur de déchets, c’est le côté chirurgie. Rapidement, les infirmières du côté chirurgie ont dit que c’est de leur côté que ça va faire une grande différence. On a commencé petit, et au fur et à mesure ç’a vraiment grandi», mentionne Dre Dernis.
«Il y a certaines études qui disent que 75 % des déchets dans un bloc opératoire sont prêts avant même que le patient entre dans la salle», souligne-t-elle.
Le bloc opératoire de l'hôpital St-Mary's a également changé les piqués jetables qui recouvraient les appuis-bras pour des taies d'oreiller. Il a aussi introduit l'an dernier des circuits respiratoires avec des tuyaux réutilisables au lieu d'être à usage unique. Le bloc opératoire utilisait auparavant 14 tuyaux par semaine alors que maintenant un seul est nécessaire.
Dre Dernis se dit découragée par les compagnies qui emballent parfois trois fois un même objet. «Pour beaucoup de produits, on a des guides d’utilisation dans toutes les langues inimaginables, notamment pour des prothèses ou des choses comme ça. Mais déjà, si tu as ça entre les mains, tu es censé savoir l’utiliser au lieu de te retrouver avec une espèce de bible qui explique comment faire. Je suis certaine qu’on peut faire mieux, mais l’industrie ne travaille pas forcément à nous aider», dit-elle.
Un autre aspect d'exemplarité de l'hôpital St-Mary's concerne les emballages en polypropylène des instruments pour les chirurgies. Souvent, les emballages se déchiraient, ce qui rendait non stériles les instruments, pouvant même retarder des chirurgies. Maintenant, de façon graduelle, ces emballages sont remplacés par des boîtes métalliques réutilisables (et stériles).
«Au bloc opératoire, on sait qu’on pollue, on sait que l’usage unique c’est une catastrophe, et on a commencé à travailler sur ce qu’on peut passer en usage multiple, ce qu’on peut essayer d’éviter comme gâchis et c’est devenu un énorme projet, pas seulement en réduction de l’empreinte carbone, mais aussi de la réduction de l’empreinte écologique globale», se réjouit Dre Dernis.
L'un des plus récents changements à l'hôpital vise les pinces de chirurgies qui sont envoyées, le plus possible, à une compagnie américaine qui les stérilise de nouveau et les revend moins cher. Sans risque pour le patient, cela a permis à l'hôpital d'économiser 4000 $ en six mois.
«On gagne en coût et on gagne en déchet», souligne Dre Denis. Elle n'a pas terminé d'avoir des idées qu'elle met en place bénévolement avec le comité environnement du CIUSSS l'Ouest-de-l'Île-de-Montréal.