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À VOIR | Un Montréalais organise des ateliers de course à pied pour des jeunes en situation de précarité. Objectif: courir un 5 km à la fin de l’été.
Trois jeunes discutent à l’entrée d’un parc, coin Gilford et de Bordeaux. Des jeunes en situation de précarité, aux horizons bien différents. Mais pour la prochaine heure, ils mettront de côté leur réalité, le temps d’un atelier de course à pied. Incursion dans un groupe de course peu commun.
Chaque vendredi, un peu avant midi, Theophil Haberstroh se dirige vers les Dîners St-Louis, qui offrent des repas gratuits aux jeunes de 18 à 30 ans. À 11h45, ça bourdonne et ça cliquette dans la salle principale de l’organisme montréalais. Le personnel se prépare à recevoir une clientèle de plus en plus nombreuse depuis la récente hausse du coût de la vie.
Vers 13h, celui que l’on surnomme Theo, accompagné d’une poignée de jeunes à l’estomac maintenant bien rempli, emboîte le pas vers le Jardin communautaire De Lorimier. C’est ici que débutera une nouvelle séance de L’atelier de la course à pied.
«Le concept, c'est que j'offre des entraînements aux participants des centres communautaires pour qu’ils puissent s'entraîner régulièrement et faire des activités ensemble», explique M. Haberstroh.
«Les jeunes qui fréquentent les Dîners St-Louis ont des contextes très variés et sont également en recherche de réconfort, poursuit-il. Mon atelier de marche et de course permet d'offrir une activité supplémentaire à l'organisme.»
Photo: Theophil Haberstroh, instigateur bénévole de l’initiative.
Pendant 10 semaines, le petit groupe hétéroclite s’entraîne et s’élance dans les rues du Plateau-Mont-Royal pour éventuellement participer à une course à l’extérieur de la métropole.
«On se fixe un objectif, et à la fin des 10 semaines, on sort de Montréal. On est déjà allés à Mont-Tremblant, par exemple», se souvient M. Haberstroh, qui a obtenu diverses subventions, dont une de Mountain Equipment Company (MEC), pour fournir aux jeunes l’équipement de course nécessaire.
Au-delà de l’aspect physique de l’activité, le groupe formé par M. Haberstroh «répond à un besoin de socialisation», analyse Catherine Gilbert, intervenante aux Dîners St-Louis.
«Les jeunes sont souvent très seuls, remarque-t-elle. Même lorsqu’il y a des gens autour d'eux, ils ont parfois l'impression d'être isolés ou de ne pas être soutenus ou compris. Cette activité, c'est un moment positif qui fait changer le mal de place.»
Mathieu, qui a fréquenté les Dîners St-Louis pendant six ans, ne jure que par cet atelier de course. Depuis son enfance, il a toujours affectionné les longues distances. C’est d’ailleurs un brin nostalgique qu’il se remémore avoir accompagné sa grand-mère pendant qu’elle livrait les magazines Sears à pied, dans son quartier.
Maintenant, suivant les conseils de M. Haberstroh, il est en mesure de compléter des courses d’au moins cinq kilomètres. Un des objectifs fixés à l’atelier pour le mois d’août prochain.
«Certains ont le sourire aux lèvres, quelques-uns font des blagues, alors que d'autres sont assez tranquilles, distingue Mathieu. C’est un endroit où, quand on est ensemble, c'est agréable. Entre nous, on peut s'entraider. On se connaît parce qu'on vient souvent aux Dîners (St-Louis).»
Photo: Mathieu s’implique maintenant dans l’organisation de l’atelier de course.
En marchant d’un bon pas vers le groupe de course, qui attend patiemment de démarrer la séance du jour, il s’arrête machinalement devant une boîte d’appareils électroniques jetée sur le bord du chemin. Rien d’intéressant à ses yeux. Il reprend la route, tout en étant reconnaissant des souliers de course qu’il porte grâce à cette activité.
«Mathieu, c'est un des participants de longue date, et quand on se déplace à l'extérieur de Montréal pour participer à des courses à pied, il prend aussi part à toute la préparation, précise M. Haberstroh. Il s'implique en faisant du bénévolat aux courses là-bas et aussi après, quand il s'agit d'organiser la journée. Il est vraiment devenu porteur du projet.»
«Certains jeunes n'étaient jamais sortis de Montréal, donc pour eux, c'est comme découvrir un nouveau monde, souligne Mme Gilbert. De nouvelles opportunités et perspectives s'offrent à eux.»
Maintenant âgé de plus de 30 ans, Mathieu n’est plus en mesure de profiter des dîners gratuits de l’organisme, mais il participe toujours aussi fidèlement aux ateliers de «Theo», espérant que d’autres centres communautaires entrent dans la danse. Un souhait difficilement réalisable, selon Mme Gilbert.
Les employés des Dîners St-Louis sont constamment sollicités, que ce soit lors des «heures de pointe» ou entre les repas. Mettre en place et animer une activité comme un groupe de course relève presque de l’imaginaire, selon l’intervenante.
«On n'aurait probablement pas pu mettre en place cette activité-là. Ça a pris un bénévole extérieur parce qu'on manque de ressources», soutient Mme Gilbert.
«On n'est pas assez financés, relance-t-elle. Juste pour répondre aux besoins de base, pour accueillir les jeunes, on manque de moyens. C'est important de financer le communautaire.»
Photo: Catherine Gilbert, intervenante aux Dîners St-Louis.
Grâce à M. Haberstroh et aux subventions qu’il a réussi à obtenir, le projet a pu prendre forme. Une initiative qu’il aimerait également voir se matérialiser dans d’autres quartiers.
«On est souvent la porte d'entrée, mais on a de la misère à répondre présent, déplore Mme Gilbert. Et pour pouvoir faire des activités comme celle-là, pour pouvoir diversifier nos services, ça prend du staff, et on a de la misère à y arriver.»