Environnement

Déchets dangereux: Blainville veut voir Legault et Stablex veut «rétablir les faits»

La mairesse de Blainville demande à le rencontrer afin de stopper le projet d'agrandissement d'un dépotoir.

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Le premier ministre du Québec, François Legault, arrive au bureau du lieutenant-gouverneur à Québec le vendredi 28 février 2025. (Jacques Boissinot | La Presse canadienne)

Critiquée de toutes parts pour son projet d'agrandissement avalisé par le gouvernement Legault, l'entreprise de traitement de déchets dangereux Stablex a riposté lundi en se disant victime de désinformation. 

La mairesse de Blainville, Liza Poulin, exige de rencontrer le premier ministre François Legault d'ici à mardi afin de stopper le projet et lui faire entendre raison, dit-elle. 

Dans un communiqué, l'entreprise a dit vouloir «rétablir les faits» concernant «plusieurs informations erronées», en assurant que son procédé est sécuritaire et qu'il n'y a aucune solution de rechange. 

Le projet avance à grands pas, même s'il a été rejeté par le BAPE: le gouvernement a déposé le projet de loi 93 jeudi dernier, pour exproprier la Ville au coût de 17 millions $ en vue de céder un terrain à Stablex, qui traite notamment des matières dangereuses en provenance des États-Unis.

Dans une lettre transmise au cabinet du premier ministre, la mairesse Liza Poulin accuse M. Legault de créer un «dangereux précédent» qui incitera d'autres entreprises à réclamer ce genre de «traitement privilégié».

La mairesse accuse également le premier ministre de rompre son engagement de préserver l'autonomie municipale en déposant un projet de loi qui, selon elle, bafoue la volonté de la municipalité, des citoyens, mais aussi la réglementation métropolitaine.

Procédé «sécuritaire»

Stablex assure pour sa part que son procédé est «sécuritaire», qu'il «répond aux normes environnementales les plus strictes», et qu'il est soumis à des «analyses en continu» effectuées notamment par des laboratoires indépendants.  

La mairesse exige de s'adresser au premier ministre pour, écrit-elle, faire «entendre le point de vue des populations» sur la préservation des milieux naturels.

«Il est temps que vous entendiez raison dans ce dossier», a-t-elle semoncé.  

Elle souhaite ainsi protéger la Grande Tourbière de Blainville, un milieu humide qui serait touché par l'agrandissement.

«Le lieu identifié pour accueillir la nouvelle cellule n’est pas un parc national: il s’agit d’un site zoné industriel actuellement loué par la Ville à une entreprise qui l’utilise comme site d’entreposage d’explosifs depuis la Seconde Guerre mondiale», a répliqué Stablex. 

Le terrain convoité par Stablex compte neuf hectares de milieux humides et 58 hectares de boisés. 

Il s’agit, selon le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), d’un milieu naturel d’une qualité exceptionnelle qui abrite des plantes, des amphibiens et des reptiles à statut particulier.

Dans une décision rendue en septembre 2023, le BAPE recommandait de ne pas autoriser le projet. 

Un règlement de contrôle intérimaire (RCI) est en vigueur sur ce terrain, c’est donc un territoire protégé par la Communauté métropolitaine de Montréal.

Québec offrirait 17 002 580 $ à la Ville à titre d’indemnité.

Le gouvernement possède un terrain voisin, mais il n’est pas aussi grand que celui qui appartient à Blainville et cette solution a été écartée.

Le terrain plus vaste que veut offrir le gouvernement à Stablex lui permettrait donc de poursuivre ses activités pour les 40 prochaines années, plutôt que seulement une vingtaine avec un terrain plus petit.  

Selon la ministre des Ressources naturelles, Maïté Blanchette Vézina, qui pilote le projet de loi, la situation est critique pour l'entreprise et il faut aller de l'avant. 

Tous les scénarios ont été évalués et celui préconisé par le gouvernement est le meilleur, a-t-elle plaidé en Chambre.  

Stablex fait aussi valoir qu'il n'y a pas d'autre options de rechange.

«Malgré tous les efforts réalisés dans plusieurs secteurs industriels, des résidus ultimes demeurent et doivent être traités de manière sécuritaire et responsable», assure l'entreprise. 

Pas moins de 600 entreprises dépendent de son centre de traitement, rappelle-t-elle. 

Mme Blanchette Vézina a laissé entendre que le Québec s'exposait à des représailles s'il bloquait l'importation des déchets dangereux des États-Unis. Elle a fait valoir que le Québec exporte quatre fois plus de déchets dangereux qu'il n'en importe. 

Or, le BAPE dispose de données contraires. Dans son rapport sur le projet de Stablex, on écrit que «même si la base de données du MELCCFP ne permet pas d’avoir un portrait précis des quantités importées et exportées», on peut constater «que les importations gravitent autour d’une moyenne annuelle de 302 201 tonnes de 2019 à 2021 comparativement à une moyenne de 183 918 tonnes pour les exportations».

Le centre de traitement de déchets industriels de Stablex comprend actuellement une usine de traitement et cinq cellules d’enfouissement.

Les déchets traités par Stablex sont des matières dangereuses résiduelles, des sols contaminés et des matières non dangereuses ayant des propriétés préoccupantes pour l’environnement.

Ces déchets proviennent par exemple de l’industrie minière ou encore de l’industrie pharmaceutique.

Ils sont en partie importés des États-Unis et des autres provinces canadiennes.

Les résidus subissent «un traitement complet qui les transforme en substances inorganiques, stables et inertes», affirme l'entreprise.

L’entreprise a l’intention de créer une sixième cellule d’enfouissement sur le terrain qui appartient à  la Ville de Blainville.

Le choix de ce site a été effectué par le gouvernement de René Levesque dans les années 1980, parce «des caractéristiques de sol argileux spécifiques à ces terrains permettent d’assurer la stabilité des cellules», expliqué Stablex. 

Patrice Bergeron

Patrice Bergeron

Journaliste