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À peine cinq jours après avoir été nommé ministre fédéral de l'Environnement et du Changement climatique, en octobre 2021, Steven Guilbeault s'est rendu en Écosse pour la réunion annuelle des Nations unies sur le climat, à Glasgow.
Mais M. Guilbeault, qui opte «le plus souvent possible» pour le train au lieu de l'avion, a accepté de se rendre par voie aérienne seulement jusqu'à Londres. Son équipe et lui ont donc fait le reste du trajet - 555 km - en train, produisant moins du sixième des émissions de CO2 qu'ils auraient émis avec un trajet en avion.
Quoi qu'un peu surpris, les membres de son équipe ont rapidement compris que certaines choses se feraient différemment maintenant qu'ils avaient un militant écologiste comme ministre.
M. Guilbeault, âgé de 52 ans, est devenu le premier militant écologiste professionnel, expert du lobbying pour pousser le gouvernement à en faire plus pour l'environnement, à devenir celui qui contrôle le gouvernail.
«Je pense que le premier ministre voulait avoir un militant à ce poste pour prouver qu'il était déterminé à faire ce qu'il a promis aux Canadiens pendant la campagne électorale, c'est-à-dire d'en faire plus pour le climat, la nature et toutes les questions environnementales, et de le faire plus vite», souligne-t-il lors d'une entrevue avec La Presse Canadienne.
La nomination de M. Guilbeault avait d'ailleurs été vue comme une lueur d'espoir par plusieurs de ses alliés.
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«Il comprend l'ampleur du défi qui est devant nous. On n'a pas besoin de passer des heures à lui expliquer ce qui se passe, donc ça fait une énorme différence», mentionne le directeur général du groupe Environmental Defence Canada, Timothy Gray.
À sa première année complète au portefeuille de l'Environnement, M. Guilbeault a fait avancer au moins huit importants dossiers différents qui touchent les changements climatiques et la protection de la nature.
De ce nombre, on compte l'aboutissement de nouvelles lois concernant l'utilisation des plastiques à usage unique, les véhicules électriques et les émissions de méthane, en plus de la publication de la stratégie nationale d'adaptation qui était attendue depuis longtemps.
En avril, il a publié le premier plan national de réduction des gaz à effet de serre (GES), qui présente les étapes que devra prendre le pays pour atteindre ses cibles en la matière d'ici 2030.
Et dans les dernières semaines de l'année, il a participé à l'organisation de la COP15 sur la biodiversité, à Montréal, lors de laquelle 196 pays ont réussi à s'entendre sur un plan pour freiner la destruction de la nature.
«On utilise tous les outils réglementaires à notre disposition pour s'assurer qu'on utilise à la fois la carotte et le bâton pour atteindre nos objectifs», illustre le ministre Guilbeault.
Malgré ces récents accomplissements, M. Guilbeault ne met pas de temps à rappeler qu'il a encore beaucoup de pain sur la planche. D'ailleurs, plusieurs de ces nouvelles mesures doivent toujours passer le test du réel.
Il faudra notamment qu'il trouve la façon pour le gouvernement de plafonner les émissions provenant de la production de pétrole et de gaz, ce qui impliquera nécessairement de nouveaux conflits avec le gouvernement de l'Alberta.
Les représentants de l'industrie pétrolière et gazière ont refusé de commenter ce dossier, bien qu'ils rencontrent M. Guilbeault régulièrement et lui aient déjà dit qu'ils ne pouvaient pas atteindre les objectifs qu'il leur avait provisoirement fixés pour 2030.
Le ministre a réprimandé des entreprises pour avoir engrangé des profits records en raison des effets de l'invasion russe en Ukraine sur les prix mondiaux du pétrole. Mais il a écouté leurs préoccupations, ouvert la porte à une certaine flexibilité sur les objectifs et même approuvé un nouveau projet de production pétrolière en avril - le genre de choses contre lesquelles il avait passé toute sa carrière à se battre.
«La décision la plus difficile que j'ai eu à prendre, de loin, a été Bay du Nord. Sans aucun doute. Cette journée-là a été extrêmement difficile», reconnaît M. Guilbeault.
Le mégaprojet, au large de Terre-Neuve-et-Labrador, devrait produire plus de 300 millions de barils de pétrole au cours de sa durée de vie.
Pour Caroline Brouillette, qui est directrice nationale des politiques au Réseau action climat Canada, l'approbation du projet est la preuve qu'avoir «l'un des militants écologistes les plus réputés» comme ministre ne suffit même pas à empêcher l'exploitation pétrolière.
«C'était vraiment un moment déchirant», déplore-t-elle, ajoutant que M. Guilbeault est «en théorie, quelqu'un qui aurait dû dire non à ce projet».
En mai, une alliance de groupes environnementaux a lancé une action en justice pour faire annuler l'approbation. Parmi les groupes impliqués se trouve Équiterre, que M. Guilbeault a contribué à fonder en 1993.
Si M. Guilbeault soutient ne pas avoir perdu d'amis, il assure avoir entendu leur grande déception face à sa décision - qu'il a prise avec beaucoup de réticence, de son propre aveu.
Il rappelle que même si le charbon disparaîtra, toutes les projections montrent que du pétrole et du gaz seront nécessaires au cours des prochaines décennies. Bay du Nord a été soumis à un processus d'approbation fédéral et, après les examens requis, il a été recommandé que le projet opère dans des conditions environnementales strictes, notamment que ses émissions soient nulles d'ici 2050.
Pour la prochaine année, M. Guilbeault souhaite faire progresser des dossiers comme le plafonnement des émissions de pétrole et de gaz, la réglementation sur l'électricité propre et les obligations de transition vers des véhicules électriques.
Il reconnaît aussi qu'il devra mieux communiquer avec les Canadiens.
Pendant des années, les conservateurs ont fait campagne contre le système libéral de tarification du carbone dans l'opinion publique, en mettant l'accent sur ses coûts et en ignorant largement les remises, qui, pour la plupart des Canadiens, représentent plus que ce qu'ils ont payé, selon M. Guilbeault.
Il souligne d'ailleurs que réussir à communiquer un sentiment d'urgence à la population sans déprimer les gens représente un bon défi à relever.
«Je pense que là où on a collectivement échoué dans nos communications, c'est d'aider les gens à voir l'espoir et à comprendre ce que nous essayons de faire», explique-t-il.
«Et ce que nous essayons de faire, c'est de construire un monde meilleur pour tous.»