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Dans une longue entrevue à La Presse Canadienne, vendredi, à la suite de sa décision annoncée en début de semaine de renoncer, à contrecoeur, à se porter candidate lors des prochaines élections, la députée caquiste Marie-Eve Proulx s'est vidée le coeur.
Depuis des mois, elle porte les habits du bourreau dans l'oeil du public, mais la voilà déterminée à endosser ceux de la victime. Pas celle qui cherche à s'apitoyer sur son sort, mais plutôt celle qui se montre déterminée à se battre pour laver sa réputation, préserver sa santé mentale, sauver sa peau. Une victime combative.
Dans une longue entrevue à La Presse Canadienne, vendredi, à la suite de sa décision annoncée en début de semaine de renoncer, à contrecoeur, à se porter candidate lors des prochaines élections, la députée caquiste Marie-Eve Proulx s'est vidée le coeur.
L'ex-ministre du Développement économique régional et députée sortante de Côte-du-Sud, visée depuis plus d'un an par des allégations de harcèlement psychologique, se dit triplement victime.
Elle se pose en victime de ces ex-employés qui s'acharnent, selon elle, à vouloir lui nuire, alors qu'elle n'a rien à se reprocher. Victime aussi d'un système qui fait en sorte que, même innocentés, les gestionnaires se retrouvent bredouilles, la réputation en lambeaux, au chômage, sans protection, sans recours, ni dédommagement. Victime, enfin, à titre de femme politique, prise avec le double standard qui fait en sorte que les employés de cabinet se montrent beaucoup plus exigeants envers leur supérieur, s'il s'agit d'une femme. Et plus prompts à ne rien laisser passer.
Sa décision de renoncer à la politique, elle l'a prise «par respect» pour elle. «C'est la première fois que je me suis choisie réellement», dit la députée, qui se définit comme une «bonne personne», résiliente et forte, qui ne veut «faire de mal à personne».
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Dernièrement, elle sentait que son moral commençait a être miné et a choisi de préserver sa santé mentale. «Je ne voyais pas comment j'allais pouvoir m'en sortir», avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête durant toute la campagne électorale, dit cette mère de trois garçons. Elle craignait trop que la situation «dégénère», et a préféré se soustraire au «tribunal populaire».
Avant que des allégations de harcèlement psychologique provoquent sa chute, Marie-Eve Proulx était députée et ministre, engagée dans ce qu'elle souhaitait être une très longue carrière politique au service du Québec. Mais en mai 2021, en raison de ces allégations, elle a perdu son poste de ministre, et dans un mois, au terme du présent mandat, elle sera au chômage, se demandant à quoi ressemblera son avenir.
À plusieurs reprises durant l'entrevue, elle insiste pour dire que son dossier est vierge, que les deux plaintes formulées contre elle par deux anciens employés et déposées à l'Assemblée nationale ont été jugées non fondées, «après une enquête longue et difficile».
«Il y a eu de l'acharnement. Il y a eu de la diffamation sur mon cas. Il y a eu du règlement de comptes», de la part de ces ex-employés, un homme et une femme, qui, selon elle, n'ont pas respecté les ententes de confidentialité conclues en attaquant leur ex-patronne dans les médias, sous le couvert de l'anonymat, contribuant à alimenter la perception, dans les médias et le public, selon laquelle le nom de Marie-Eve Proulx était synonyme de harcèlement au travail.
Pourquoi un tel acharnement? Elle explique qu'il s'agit de personnes qui, au départ, en 2018, n'auraient pas dû être embauchées, n'ayant pas le profil pour oeuvrer en politique, ni les compétences requises. Sa version des faits: elles ont été congédiées, ne l'ont pas accepté et ont entrepris de se venger.
Des plaintes ont été déposées à l'Assemblée nationale et au Tribunal administratif du travail (TAT). Un premier cas a été réglé à l'amiable. Dans l'autre cas, la plaignante est revenue à la charge et le dossier est à l'étude au TAT.
Lasse de devoir encore et toujours se défendre, elle dit «réfléchir» à la possibilité de riposter, en intentant des poursuites pour atteinte à la réputation contre ceux qui ont provoqué la fin hâtive de sa carrière politique.
Elle en veut aux protocoles mis en place, à l'Assemblée nationale ou ailleurs, pour examiner les plaintes de harcèlement, et qui ne prévoient rien pour réparer les torts subis par un élu qui serait innocenté au terme du processus.
«J'ai perdu mon travail de ministre, je ne vais pas me représenter, je me choisis pour ma santé mentale. On n'est pas dédommagé, il n'y a rien qui va compenser ça, même si j'ai deux enquêtes à mon actif qui (révèlent que les allégations) sont non fondées», déplore-t-elle.
«On laisse à eux-mêmes des gestionnaires dépourvus, et des politiciens dépourvus, dans des situations où on est faussement accusés», plaide la députée, inquiète du vide juridique en ce domaine.
Elle est d'avis qu'au Québec on assiste en ce moment à un retour du balancier, notamment dans la sphère politique, qui favorise les employés, prêts à déposer une plainte pour harcèlement, pour un oui ou pour un non.
Selon elle, on est passé d'un extrême à l'autre, «d'un spectre à l'autre».
Les femmes sont plus vulnérables
Les femmes politiques sont, à son avis, plus susceptibles de faire l'objet de plaintes de ce genre. Traditionnellement, l'autorité est incarnée par des hommes, qui pourront se permettre des écarts de langage ou des comportements répréhensibles, sans que cela soit contesté par leur entourage.
Encore aujourd'hui, les employés de cabinet ont davantage «peur des hommes» de pouvoir, selon elle. Leurs colères sont admises, leurs décisions respectées. Mais une femme ministre, «on peut se permettre de la contester», fait valoir Mme Proulx, qui dit éprouver beaucoup d'empathie et de compassion pour la députée Marie Montpetit, chassée du caucus libéral, elle aussi à la suite d'allégations de harcèlement psychologique. Dans son cas, il n'y a jamais eu de plainte formelle.
Malgré les revers, Mme Proulx assure qu'elle va «rebondir» avant longtemps, même si elle dit n'avoir aucune idée de ce que l'avenir lui réservera.
«Je veux continuer de contribuer», dit celle qui a une formation en travail social. «J'ai cette force. J'ai cette résilience-là qui m'habite», assure celle qui refuse de se laisser atteindre par ses déboires.