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« Ça montre que ce sont des évictions qui sont effectuées pour augmenter rapidement les loyers. Bref, ce sont souvent des évictions pour le profit ».
Le nombre de tentatives d'évictions et de reprises de logement a augmenté pour une deuxième année consécutive au Québec, selon des données compilées par le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ).
Par Frédéric Lacroix-Couture – La Presse canadienne
Il a révélé que les comités de logement dans la province ont traité cette année tout près de 875 dossiers concernant des évictions ou des reprises. Il s'agit d'une hausse de 50 % par rapport à 2020, a précisé le RCLALQ, mardi.
La grande majorité de ces cas se situent à Montréal et sont l'œuvre de nouveaux propriétaires ayant acquis des immeubles récemment, soit depuis moins de trois ans ou dans la dernière année.
«Ça montre que ce sont des évictions qui sont effectuées pour augmenter rapidement les loyers. Bref, ce sont souvent des évictions pour le profit», a indiqué le porte-parole du RCLALQ, Maxime Roy-Allard, en conférence de presse.
«(Les propriétaires) ont souvent acquis des immeubles à très fort prix avec la spéculation immobilière. On va donc se tourner vers les locataires pour renflouer ses coffres», a-t-il ajouté.
M. Roy-Allard a aussi précisé que les évictions touchent en grande partie des locataires habitant leur logement depuis au moins 10 ou 15 ans et déboursant mensuellement pour un loyer en bas de la moyenne québécoise de 844 $.
Ces personnes évincées doivent souvent se reloger à un prix beaucoup plus élevé et doivent couper dans leurs besoins de base pour absorber cette hausse, a-t-il affirmé.
«Et si on n'est pas capable d'absorber une plus grande part de ses revenus pour le loyer, ça veut aussi dire trouver un logement beaucoup plus petit, en moins bon état et parfois même quitter son quartier ou sa ville qu'on a habité pendant des années, voire toute notre vie», a soutenu M. Roy-Allard.
Les données du RCLALQ ne précisent toutefois pas la proportion de tentatives abusives d'éviction. Mais l'organisme cite une étude dévoilée l'an dernier par le comité logement de la Petite-Patrie, à Montréal, qui montre qu'environ 70 % des évictions dans le quartier ont été effectuées sous de faux prétextes.
Cette tendance à la hausse des évictions se répand aussi à l'extérieur de la métropole québécoise. Depuis le début de l'année, Bail Lanaudière a comptabilisé plus de 90 cas de reprises de logement, contrairement à cinq à dix cas en moyenne par année.
«C'est un phénomène nouveau, qui prend plus d'ampleur pour nous en région. Ce phénomène est exacerbé par la pénurie de logements et le manque de contrôle des loyers», a expliqué la coordonnatrice et intervenante sociale chez Action-Logement Lanaudière, Amélie Pelland.
Elle constate aussi un exode de Montréalais vers la région qui entraîne une pression sur les locataires. Plusieurs acheteurs de Montréal se tournent vers des maisons louées par des familles et vont demander à celles-ci de quitter les lieux, a relaté Mme Pelland.
Le Bureau d'animation et information logement de la région de Québec a également reçu l'an dernier cinq à six fois plus de demandes qu'en 2018-2019 concernant une éviction ou une reprise, a dit son organisateur communautaire, Jonathan Carmichael.
Devant ces constats, le regroupement a de nouveau interpellé Québec pour que des mesures soient prises afin de protéger les locataires contre les divers types d'évictions et la flambée des prix.
Le RCLALQ revient notamment à la charge avec la création d'un registre public national des loyers permettant de comparer le prix des logements au fil des années.
La ministre des Affaires municipales et de l'Habitation, Andrée Laforest, a toutefois fermé la porte à cette proposition en septembre, après une analyse. Celle-ci a conclu qu'une législation existe déjà pour protéger les locataires des hausses de loyer abusives.
Appelé à réagir aux demandes du RCLALQ, le cabinet de la ministre a affirmé pour sa part qu'on observe une diminution de 33 % des demandes pour les évictions au Tribunal administratif du logement (TAL), depuis l'ajout au printemps dernier d'une ligne et d'une section consacrées à ce type de demandes sur le site du TAL.
Le cabinet a aussi mentionné par courriel que `le ministère est en train de compléter l'analyse' afin que le fardeau de la preuve pour justifier une éviction revienne aux propriétaires.
Par ailleurs, le RCLALQ réclame également l'interdiction des reprises de logement dans les secteurs où le taux d'inoccupation est inférieur à 3 %. Pour les autres secteurs, l'organisme souhaite que des indemnités équivalant à 12 mois de loyer soient versées aux locataires lors d'une reprise.
Le regroupement demande aussi de retirer les dispositions du Code civil du Québec permettant l'éviction aux fins de subdivision, agrandissement et changement d'affectation.
«Ce sont des évictions illégitimes, injustifiées. Elles ne devraient pas avoir lieu sous aucun prétexte», a affirmé M. Roy-Allard, qui aimerait que les municipalités resserrent aussi leur réglementation entourant les demandes de permis de rénovation amenant à des évictions.