Les consultations particulières sur le projet de loi sur la gouvernance syndicale ont été particulièrement houleuses, mardi en fin d'après-midi, alors que les centrales syndicales sont venues étayer leurs reproches à l'endroit du projet de loi.
Parole coupée, temps écoulé au moment de répondre, reproches de «faire l'innocent», d'être «un slow learner», de mener une «campagne de salissage» contre les syndicats. La tension a été vive par moments.
Le président de la Commission de l'économie et du travail, le député Simon Allaire, a dû intervenir à plusieurs reprises, parfois de sa propre initiative, parfois à la suite d'invitations à le faire, pour calmer le jeu. «J'ai rarement vu autant de points de règlement soulevés», a-t-il lancé.
Les deux aspects les plus controversés du projet de loi, à savoir l'implantation de cotisations syndicales facultatives et l'obligation de présenter des états financiers vérifiés, ont fait l'objet de la plupart des échanges.
Ouverture sur les états financiers
À la suite des représentations syndicales, le ministre du Travail, Jean Boulet, s'est dit ouvert à modifier la façon dont son projet de loi module les exigences de présentation d'états financiers par les syndicats.
Actuellement, le projet de loi précise qu'un syndicat qui compte entre 50 et 199 membres devra faire mener annuellement une «mission d'examen» de ses états financiers, ce qui coûte entre 5000 $ et 8000 $. Un syndicat qui compte au moins 200 membres devra faire mener une mission d'audit, ce qui coûte 10 000 $.
La CSQ, comme d'autres centrales, a proposé de baser plutôt ces exigences de présentation d'états financiers sur les revenus d'un syndicat, plutôt que sur le nombre de membres. Et le seuil de revenu minimal pour y être soumis serait de 250 000 $.
«Je trouve ça intéressant. C'est une recommandation qui mérite certainement d'être analysée», a affirmé le ministre Boulet.
La présidente de la CSN, Caroline Senneville, avait donné l'exemple d'un syndicat de chauffeurs d'autobus scolaires, qui compte 50 membres, qui ne travaillent que 25 heures par semaine, qui ne paient pas de cotisations syndicales l'été. Avec les exigences de présentation d'états financiers prévues actuellement dans le projet de loi¸ «ça va mettre le syndicat en faillite», avait-elle illustré.
Cotisations facultatives
Pour ce qui est des cotisations facultatives, la CSN, la FTQ et la CSQ ont expliqué que cela représenterait une lourdeur bureaucratique difficilement applicable.
Le président de la CSQ, Éric Gingras, a rappelé que sa centrale, qui compte plus de 80 % de femmes, avait historiquement participé à des batailles qui ne relevaient pas strictement des conventions collectives, comme celles de l'équité salariale, du droit à l'avortement, de la violence faite aux femmes. Faudra-t-il à chaque fois obtenir l'assentiment des membres et classer le tout dans une cotisation facultative? a-t-il demandé.
Même l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, un tiers neutre, a émis des réserves quant à ces cotisations facultatives. Sa directrice générale, Manon Poirier, a révélé que l'Ordre avait consulté des experts sur la portée de ces cotisations facultatives et qu'ils «avaient tous une interprétation différente du texte».
Le projet de loi distingue les cotisations syndicales principales, qui couvrent la défense des droits des travailleurs, des cotisations facultatives, qui couvriraient la contestation judiciaire d'une loi par un syndicat, la participation à un mouvement social ou une campagne de publicité.
Interrogée par le député péquiste Pascal Paradis, qui voulait savoir si l'Ordre aurait préféré que le projet de loi ne prévoie pas ce concept de cotisation facultative, Mme Poirier a répondu qu'«effectivement», la mécanique d'application est si lourde qu'«on aurait pu ne pas aller vers la cotisation facultative».
Le ministre du Travail, Jean Boulet, a défendu ce concept, arguant qu'il s'agissait simplement d'un levier pour permettre aux membres d'un syndicat de s'exprimer sur l'utilisation des cotisations syndicales qu'ils versent.
«Je sais qu'il y aura toujours un problème d'interprétation, d'application, mais il faut y aller de la façon la plus souple possible et respecter l'autonomie des syndicats», a répliqué le ministre.
Alors que la FTQ tient son congrès triennal ces jours-ci à Québec, sa présidente, Magali Picard, s'est présentée en commission avec l'ensemble de ses grands syndicats affiliés. Ceux-ci se sont plaints de n'avoir pu se faire entendre en commission, sous prétexte que la FTQ parlait pour tous.
Mme Picard s'est aussi présentée en évoquant une résolution d'urgence qui venait d'être adoptée par les 1000 délégués représentant les syndicats de la FTQ, debout, à l'unanimité, pour dénoncer le projet de loi. La résolution invite la FTQ et ses alliés à mener toutes les campagnes et recours juridiques nécessaires pour contester les lois jugées anti-travailleurs du gouvernement Legault.
Les audiences se poursuivront mercredi.

