L'Alliance syndicale de la construction joint le geste à la parole: elle vient de déposer une plainte de négociation de mauvaise foi et d'entrave contre l'APCHQ. Et elle réclame le versement de dommages-intérêts.
Elle demande aussi au Tribunal administratif du travail d'intervenir rapidement et d'émettre une ordonnance provisoire dans ce contexte. «Il est urgent que le Tribunal intervienne afin de rétablir le rapport de force entre les Parties, mais également afin de réduire au minimum le risque de préjudice sérieux et irréparable des Demanderesses et de leurs membres», écrit-elle dans sa requête.
De plus, elle demande au Tribunal d'ordonner à l'Association des professionnels de la construction et de l'habitation du Québec (APCHQ) de soumettre au vote de ses membres la dernière proposition syndicale, et ce, dans un délai de 15 jours.
Dans sa plainte pour manquement à l'obligation de négocier de bonne foi, l'Alliance syndicale reproche à l'APCHQ d'avoir mené une «négociation de façade» sans volonté réelle de conclure une entente de principe avec elle pour renouveler la convention collective.
L'Alliance note qu'elle a fait un compromis, en acceptant de soumettre à un conseil d'arbitrage la question des augmentations salariales à verser pour les années 2026, 2027 et 2028, mais elle déplore le fait que l'APCHQ veuille imposer des limites, en pourcentages d'augmentations salariales, à cet arbitrage.
La plainte syndicale allègue aussi de l'ingérence et de l'entrave aux activités syndicales, parce que des entrepreneurs du secteur résidentiel auraient offert à des travailleurs un salaire supérieur à celui prévu dans la convention collective, dans le but, selon elle, de les convaincre de ne pas participer à la grève et d'y faire ainsi échec.
Dans sa requête, elle cite des exemples de publications dans lesquelles des représentants d'employeurs annoncent «que les salariés qui effectueront du travail dans le secteur résidentiel auront un boni temporaire de 8,35 % le temps que la grève cesse».
À VOIR AUSSI | «J'ai une fille à faire vivre»: des travailleurs «ne veulent rien savoir» de la grève dans la construction résidentielle
L'Alliance demande donc aussi au Tribunal d'ordonner à l’APCHQ et à ses représentants «de cesser et de s'abstenir d'autoriser, d'ordonner, d'organiser, d'approuver, d'appuyer, d'encourager ou de suggérer un acte visant à limiter l’exercice libre du droit de grève et d’une libre négociation collective».
«L’absence de rétroactivité de la convention collective dans l’industrie de la construction, le recours aux travailleurs de remplacement "briseurs de grève" par les entrepreneurs, l’inaction de l’APCHQ quant aux gestes et actions de ses membres d’inciter les travailleurs en grève à venir travailler en leur garantissant les conditions salariales du secteur commercial alors que l’impasse à la table de négociation est justement le refus de cette dernière d’offrir les mêmes conditions salariales que dans le secteur institutionnel et commercial, conjugué à ces exigences pour soumettre l’impasse à l’arbitrage sur les augmentations salariales en limitant le mandat du conseil d’arbitrage, témoignent de la mauvaise foi de l’APCHQ dans le cadre des négociations», allègue l'Alliance dans sa plainte.
L'Alliance demande aussi au Tribunal d'ordonner à l'APCHQ de verser à chacune des cinq organisations syndicales qui la composent une somme de 10 000 $ à titre de dommages moraux et de 10 000 $ à titre de dommages punitifs pour atteinte à la liberté d'association.
Réplique de l'APCHQ
Invitée à commenter, l'APCHQ a assuré avoir toujours fait preuve de bonne foi. «La volonté de négocier ne se crie pas, elle se démontre. Depuis le début des négociations, l’APCHQ a toujours fait preuve de bonne foi. Elle a notamment déposé huit propositions formelles et autant de pistes exploratoires à l'Alliance syndicale. Voilà ce qu’est une réelle volonté de négocier: chercher des scénarios sensés à la table de négociation.»
L'APCHQ a à son tour déposé une plainte contre l'Alliance syndicale. «Malheureusement, cette ouverture ne semble pas partagée. Depuis le 9 avril, aucune nouvelle proposition n’avait été formulée par l’Alliance syndicale, qui s’est contentée de rejeter toutes celles de l’APCHQ, sans même présenter de contre-proposition. Dans ce contexte, l'APCHQ a également déposé une plainte au Tribunal administratif du travail, le 23 mai dernier, pour négociation de mauvaise foi et entraves au processus.»
La grève dans la construction résidentielle a débuté le 28 mai. Environ 63 000 des 200 000 membres de l'Alliance syndicale travaillent dans la construction résidentielle. Certains chantiers demeurent toutefois en activité et des salariés continuent de travailler, malgré la grève.

