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Conflit à Gaza: des organismes blâment des investissements de la CDPQ

La CDPQ réfute ces affirmations.

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Image de la conférence de presse organisée par les organismes en question le 30 avril 2025 Image de la conférence de presse organisée par les organismes en question le 30 avril 2025 (Courtoisie | Collectif Désinvestir pour la Palestine)

La Coalition du Québec URGENCE Palestine et le Mouvement pour une paix juste demandent à la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) de retirer 27,4 milliards $ d’investissements dans 76 entreprises, accusées d'être «complices de violation des droits humains» dans le cadre du conflit à Gaza.

«Toute compagnie et toute personne en autorité qui aide ou facilite les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, d’occupation et de génocide sont coupables comme l’administration et l’armée israéliennes», a indiqué Me John Philpot, porte-parole du Mouvement pour une paix juste via communiqué. «La CDPQ doit désinvestir immédiatement et publiquement.»

Pour sa part, la CDPQ réfute ces affirmations. «Nous partageons les préoccupations de la société civile et sommes sensibles à la situation en Israël et à Gaza», a-t-on écrit dans une déclaration envoyée à Noovo Info. 

«Il est faux de dire que nous avons 27 G$ investis en Israël et dans le Territoire palestinien occupé, notre exposition dans la région représente 0,06% de notre portefeuille.»
-La Caisse de dépôt et placement du Québec via les relations médias

«Nous n'avons jamais dit qu'il s'agit d'investissements "en Israël et dans le Territoire palestien occupé"», a répliqué Lynda Khelil, porte-parole de la Coalition du Québec URGENCE Palestine dans un nouveau courriel envoyé à Noovo Info jeudi. La coalition donne l'exemple de l'investissement de la CDPQ dans Lockheed Martin, «une entreprise [américaine] qui fournit des avions de chasse à l'armée israélienne», ce qui «ne [respecte] pas la [politique des droits de la personne] basée sur les principes directeurs des Nations Unies».

Selon les organismes, la CDPQ aurait investi un milliard de dollars de plus dans une vingtaine entreprises militaires, accusées d'être «complices du génocide à Gaza» entre 2023 et 2024. Les investissements seraient passés de 2 à 3,4 milliards $, disent-ils à partir du rapport sur lequel ils se sont basés.

«La CDPQ devrait avoir une attitude exemplaire en matière de droits humains, mais c’est tout le contraire qu’on voit. On s’attend à ce qu’elle rende des comptes aux élus et à la population», a déploré Raymond Legault, porte-parole de la Coalition du Québec URGENCE Palestine.

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Les organismes dénoncent notamment les importants investissements de la CDPQ dans deux entreprises américaines du secteur de l’armement. L’institution québécoise détiendrait 159,8 millions de dollars d’actions de Lockheed Martin, un fabricant d'avions de chasse, dont les F-35 et F-16 sont utilisés par l’armée israélienne. Elle aurait également investi 84,2 millions de dollars dans General Dynamics — soit 26 fois plus qu’auparavant — une entreprise qui exploite des usines au Québec et compte parmi les principaux fournisseurs de munitions de l’armée israélienne.

«En investissant dans la machine de guerre génocidaire d'Israël, la CDPQ ne respecte pas les valeurs de la société québécoise qui a toujours historiquement démontré un soutien au peuple palestinien», a soutenu Fabienne Presentey, porte-parole de Voix Juives Indépendantes - Montréal par communiqué. «Par ses investissements, la CDPQ contribue à l'impunité des crimes d’Israël et implique à leur insu les Québécois dans le génocide en Palestine.»

D'ailleurs, les deux organismes demandent aussi à la CDPQ de mettre en place «un processus de contrôle transparent pour garantir qu’elle n’investit dans aucune entreprise complice de violations des droits humains et du droit international».

Courtoisie | Collectif Désinvestir pour la Palestine Représentants des organismes lors d'une conférence de presse le 30 avril 2025 (Courtoisie | Collectif Désinvestir pour la Palestine)

La CDPQ se défend

De son côté, la CDPQ dit prendre «au sérieux» les enjeux soulevés par les deux organismes. «Nous l'avons déjà dit publiquement, nous ne faisons pas de nouveaux engagements dans le pays et le Territoire palestinien occupé», a fait savoir le porte-parole aux médias à la CDPQ, Jean-Benoît Houde, à Noovo Info.

Par communiqué, les organismes dénoncent aussi l'investissement de la CDPQ dans Amazon, qui fournirait «une infrastructure infonuagique essentielle au gouvernement et à l’armée israélienne». «Ces technologies soutiennent la surveillance, la répression des Palestiniens et le fonctionnement des colonies illégales, en violation du droit international», accusent-ils.

La CDPQ a répondu à Noovo Info qu’elle détenait, «comme bien des Québécois», des investissements dans des multinationales tels que Microsoft, Expedia et Airbnb, qui mènent «des activités partout dans le monde, y compris dans cette région». «Nous sommes aussi conseillés par des experts en droit international et nous nous assurons de respecter toutes nos obligations légales partout où nous opérons et on s'attend à la même chose de la part de nos entreprises en portefeuille», a-t-on fait savoir par courriel.

Selon les organismes, le président et chef de la direction de la CDPQ, Charles Émond, devra «rendre des comptes» à la population et aux élus lors de la Commission des finances publiques de l’Assemblée nationale le 6 mai prochain.

«Charles Émond peut bien tenter de faire croire à l'Assemblée nationale que la CDPQ est un chef de file en matière d'investissement éthique, les chiffres ont déjà parlé pour lui: la CDPQ profite du génocide et de l’occupation», a exprimé Benoît Allard, porte-parole du Collectif Désinvestir pour la Palestine.

Rappelons qu'en juin 2024, des manifestants propalestiens avaient installé un campement au square Victoria pour faire pression auprès de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) et du ministère québécois des Relations internationales et de la Francophonie (MRIF). 

Avec d'autres organismes, le collectif Désinvestir pour la Palestine avait notamment demandé la fermeture «immédiate» le bureau du Québec à Tel-Aviv et que la CDPQ cesse d’investir dans des entreprises liées avec ce que les manifestants considèrent comme un «génocide». Finalement, le campement propalestinien avait été démantelé après plusieurs semaines, en début juillet.

Avec de l'information de Guillaume Théroux pour Noovo Info.