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Voici les impacts du plafonnement des visas d'étudiants étrangers sur les loyers au Canada

La nouvelle limite imposée par le Canada sur les visas pour les étudiants étrangers refroidira la forte demande de logements locatifs et ralentira le taux de hausse des loyers, mais elle ne sera pas un facteur important dans la résolution de la crise.

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Le plafond du nombre d'étudiants étrangers affectera principalement le marché de la location. (Christinne Muschi | La Presse canadienne)

La nouvelle limite imposée par le Canada sur les visas pour les étudiants étrangers refroidira la forte demande de logements locatifs et ralentira le taux de hausse des loyers, mais elle ne sera pas nécessairement un facteur important dans la résolution de la crise de l'accessibilité au logement dans le pays, selon les observateurs.

«Je pense que l'impact sera quelque peu lent et atténué», estime Steve Pomeroy, professeur d'industrie au réseau de recherche Canadian Housing Evidence Collaborative de l'Université McMaster, lors d'un entretien téléphonique avec CTVNews.ca. M. Pomeroy est également chercheur principal au Centre for Urban Research and Education de l'Université Carleton.

«Le plafonnement du nombre d'étudiants et une meilleure gestion de la demande contribueront à ralentir le taux d'augmentation des loyers», a-t-il ajouté dans un courriel. «Cela ne réduira pas nécessairement les loyers et ne les rendra pas plus abordables.»

Ce texte est une traduction d'un article de CTV News.

Pour que les loyers baissent, selon M. Pomeroy, il faut réduire la demande et augmenter l'offre pour que les taux d'inoccupation des logements locatifs dépassent largement les 3%. Selon un rapport de la Société canadienne d'hypothèques et de logement publié mercredi, le taux global d'inoccupation des logements locatifs atteindra en 2023 son niveau le plus bas en 36 ans, soit 1,5%.

Le plafond du nombre d'étudiants étrangers affectera principalement le marché de la location, car les étudiants internationaux et les travailleurs étrangers temporaires ont tendance à louer plutôt qu'à posséder une maison, a-t-il précisé.

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«Ils (le gouvernement fédéral) sont très en retard, mais ils agissent au moins maintenant de la bonne manière», a ajouté M. Pomeroy, en faisant référence à la récente mesure du gouvernement visant à freiner l'afflux d'étudiants étrangers. «Je pense qu'il s'agit d'une mesure positive pour le marché de la location… parce qu'en fait, elle réduit la demande future, ce qui, à son tour, diminuera la pression sur les loyers et, par conséquent, nous n'assisterons pas à de très, très fortes augmentations des loyers.»

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Le 22 janvier, le ministre de l'Immigration, Marc Miller, a annoncé une limite temporaire de deux ans sur les inscriptions d'étudiants étrangers, ce qui réduirait le nombre de nouveaux permis de 35% cette année. Cette mesure signifie que le Canada aura un plafond de 364 000 nouveaux permis cette année. Les permis sont valables trois ans. Plus de 900 000 étudiants étrangers avaient un visa pour étudier au Canada en 2023 et plus de la moitié d'entre eux avaient un nouveau permis, a rapporté la Presse canadienne. L'annonce de M. Miller intervient alors que le programme croissant d'étudiants étrangers au Canada met à rude épreuve les marchés locaux du logement, selon le gouvernement.

La limite de 2025 pour les nouvelles demandes sera réexaminée d'ici la fin de l'année. Cette mesure vise à résoudre le problème des établissements et des «mauvais acteurs» qui facturent des frais de scolarité excessifs tout en augmentant le nombre d'étudiants étrangers qu'ils acceptent, a déclaré M. Miller.

Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a déclaré à la Presse canadienne que la limite des visas étudiants devrait contribuer à atténuer la pression sur les coûts de location dans le pays. Rentals.ca et Urbanation ont rapporté que le loyer moyen demandé a atteint un niveau record de 2 178 $ par mois en décembre.

M. Pomeroy et certains experts citent le grand nombre d'étudiants étrangers comme l'un des principaux facteurs de la crise de l'accessibilité au logement.

«Il ne s'agit pas d'une discrimination. Il s'agit simplement de la quantité absolue, du nombre de visas d'étudiants délivrés dans le cadre d'un système totalement anarchique», a souligné le professeur. «Le nombre de visas d'étudiants a massivement dépassé ce que nous pouvions réellement accueillir en termes de logements disponibles.»

Robert Kavcic, économiste principal chez BMO Capital Markets, admet que le plafonnement freinera l'augmentation des loyers, mais pas de sitôt.

Vers une amélioration progressive

M. Kavcic s'attend néanmoins à ce que la limite fixée pour les visas d'étudiants étrangers apporte un certain soulagement.

«La demande a augmenté beaucoup plus vite que notre capacité à fournir une offre. Des mesures axées sur la demande, telles que ce plafond, peuvent être mises en œuvre beaucoup plus rapidement et avoir un impact beaucoup plus immédiat qu'une augmentation de l'offre, qui peut prendre des années’, a-t-il déclaré.

Toutefois, M. Pomeroy estime que le plafonnement des visas n'aura pas d'effet immédiat, à moins que de nombreux visas n'arrivent à expiration et que les étudiants étrangers ne quittent bientôt le Canada, ce qui créerait des logements vacants. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada n'a pas été en mesure de fournir immédiatement ces données à CTVNews.ca.

«Je pense donc que la nouvelle approche actuelle empêchera les choses d'empirer. Mais les choses ne s'amélioreront que lentement»
-Steve Pomeroy, professeur d'industrie au réseau de recherche Canadian Housing Evidence Collaborative de l'Université McMaster

Prentiss Dantzler, professeur adjoint de sociologie et conseiller à la School of Cities de l'Université de Toronto, s'attend également à ce que la demande locative diminue, mais il pense que le plafonnement ne résoudra pas suffisamment la crise du logement.

«Bien que cela puisse atténuer la demande, l'offre souffre toujours d'un manque d'unités de logement abordable et d'un taux élevé de spéculation sur le marché (c'est-à-dire les maisons comme source de profit par rapport aux maisons comme foyer)», a-t-il dit dans un courriel adressé à CTVNews.ca.

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Par exemple, les nouveaux logements construits sont beaucoup plus petits que les anciens logements occupés par de nombreux étudiants étrangers.

«De nombreux étudiants étrangers vivent dans des maisons de chambres ou des sous-sols, certains s'entassant même dans des appartements pour réduire le coût de leur logement», a-t-il ajouté. «Étant donné que les besoins des étudiants étrangers diffèrent de ceux d'autres populations (comme les adultes vieillissants ou les familles qui s'agrandissent), le système de logement n'offre pas suffisamment de logements pour tous les types d'arrangements familiaux.»

-Un texte de Christl Dabu pour CTV News

Avec des informations d'Alexandra Mae Jones pour CTVNews.ca et de La Presse canadienne

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