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«Je fais partie de ce recours parce que je veux protéger les intérêts financiers des jeunes qui, comme moi, travaillent fort pour pouvoir prendre leur retraite un jour.»
Quatre jeunes Canadiens poursuivent Investissements RPC, le plus grand gestionnaire de fonds de pension du Canada, devant la Cour supérieure de justice de l'Ontario, pour mauvaise gestion des risques climatiques.
Aliya Hirji, Travis Olson, Rav Singh et Chloe Tse, quatre jeunes qui prendront leur retraite après 2050, soutiennent que Investissements RPC met en péril les retraites des générations montantes, «en ignorant, en minimisant et en omettant de divulguer les risques financiers liés» au changement climatique.
«Je fais partie des 22 millions de Canadiens qui comptent sur les placements de RPC pour gérer mon épargne-retraite. Pourtant, chaque jour de paie, Investissements RPC utilise mes cotisations de retraite obligatoires pour financer les combustibles fossiles et aggraver la crise climatique», a déploré Aliya Hirji, une plaignante de Vancouver, lors d'une conférence de presse à Toronto lundi.
«En sous-estimant les risques financiers liés au climat, les investissements de RPC risquent de nous exposer à une réduction des prestations de retraite, à une hausse des taux de cotisation, ou aux deux. Nous pourrions finir par payer plus que les générations précédentes et recevoir moins en retour lorsque viendra notre tour de prendre notre retraite», a ajouté Aliya Hirji, 20 ans.
«Les fonds d'investissement au Canada utilisent notre argent pour financer des combustibles fossiles qui provoquent le chaos climatique et la plupart des gens ne s'en rendent même pas compte. Une fois que nous commençons à nommer le problème, nous pouvons commencer à corriger la situation», a ajouté la jeune femme de 20 ans.
« Si Investissements RPC ne fait pas le nécessaire pour protéger nos contributions et nos prestations contre les risques climatiques, alors c’est aux tribunaux de le faire. Mon avenir financier est en jeu», a pour sa part indiqué le demandeur Travis Olson.
Les quatre jeunes estiment qu’Investissements RPC expose les Canadiens qui prendront leur retraite après 2050 à une «réduction importante de leurs prestations ou à une hausse considérable des taux de cotisation».
C’est la première fois au pays qu’une institution financière se fait poursuivre sur des questions liées aux changements climatiques, selon les avocats d'Ecojustice, qui représentent les jeunes avec la firme Goldblatt Partners LLP.
Ecojustice estime également qu’il s’agit de la première «affaire climatique contre un gestionnaire d'investissements de fonds de pension fondée sur le devoir d'impartialité dans un contexte multigénérationnel, c'est-à-dire le devoir d'agir équitablement envers les jeunes cotisants qui prendront leur retraite après 2050, lorsque les risques financiers liés au climat seront encore plus importants».
Les demandeurs espèrent que la justice reconnaîtra que «le devoir fiduciaire inclut la gestion des risques climatiques comme question strictement financière».
Selon les demandeurs, RPC n'intègre pas suffisamment, dans ses décisions d’investissements, les conséquences d’un monde qui n’arriverait pas à «éliminer progressivement les combustibles fossiles» pour éviter les pires conséquences des dérèglements climatiques sur l’économie et la finance.
«Si nous maintenons les mesures actuellement en place, nous sommes alignés sur une trajectoire menant à un réchauffement d’environ 3 degrés Celsius d’ici la fin du siècle. Les scientifiques nous ont avertis que cette situation serait catastrophique et des économistes ont prévenu qu’un tel scénario équivaudrait à vivre une Grande Dépression perpétuelle», a indiqué l'avocate chez Ecojustice Karine Péloffy, lors de la conférence de presse.
«Or, Investissements RPC rapporte seulement une incidente négative de 4 % sur la valeur de marché de la caisse selon le scénario de risque physique le plus extrême», agissant ainsi en décalage complet avec la science, a ajouté Karine Péloffy.
En février 2022, Investissements RPC s'était engagé à atteindre la carboneutralité de son portefeuille d'ici 2050. Mais, comme plusieurs grandes institutions financières, elle a abandonné cet objectif au printemps 2025, après l'élection du président américain climatosceptique Donald Trump.
Les quatre jeunes plaignants déplorent qu'Investissements RPC, un programme d’assurance administré par le gouvernement du Canada et les provinces, investisse des milliards de dollars dans le charbon, le pétrole, le gaz et les pipelines «qui nous enferment dans un avenir dangereux».
«Nous demandons à un tribunal d'interpréter pour la première fois comment le fonds de pension le plus important et le plus doté en ressources du pays, qui prend des décisions d'investissement au nom de la plupart des travailleurs canadiens, doit identifier, mesurer et gérer les risques financiers liés au changement climatique», compte tenu de son obligation d'agir dans l'intérêt de tous les cotisants et bénéficiaires canadiens, a expliqué Adam Scott, directeur de l’organisme Shift Action, qui appuie les plaignants.
Investissements RPC devrait s'inspirer de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), qui gère l'épargne retraite des Québécois, a fait valoir Adam Scott.
«Avec 500 milliards de dollars d'actifs, la Caisse a mis en place une politique climatique forte depuis 2019, dépassant toutes ses cibles intermédiaires en liant la rémunération de son personnel à l'atteinte de ses objectifs climatiques», a souligné M. Scott.
«On a un consensus social au Québec, à l'effet qu'il faut faire tout ce qu'on peut pour lutter contre les changements climatiques. Puis, la Caisse de dépôt fait son devoir dans ce contexte-là», a ajouté l'avocate Karine Péloffy.
Investissements RPC, dont le nom officiel est l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada, gère la caisse du Régime de pensions du Canada.
Les cotisations au Régime de pensions du Canada sont obligatoires pour la plupart des travailleurs canadiens âgés de 18 à 64 ans qui résident à l’extérieur du Québec.
Au Québec, les travailleurs cotisent plutôt au Régime de rentes du Québec (RRQ), qui est le plus grand déposant de la CDPQ.
Investissements RPC a clôturé le premier trimestre de l’exercice 2026 le 30 juin 2025 avec un actif net de 731,7 milliards $, ce qui en ferait le sixième plus grand gestionnaire de fonds de pension au monde.
La direction d’Investissements RPC a réagi à la poursuite par voie de communiqué, lundi, en indiquant «qu’une action contre Investissements RPC et ses efforts en vue de maintenir la viabilité du Régime de pension du Canada est une action contre la sécurité de la retraite de 22 millions de Canadiens» et qu’elle a l’intention de faite tout ce qui est nécessaire pour se défendre.
Le communiqué indique que «les changements climatiques présentent des risques et des occasions financiers» et que le groupe investit «où la transition et la résilience peuvent créer des rendements à long terme».
Lors d’une conférence virtuelle publique en 2024, le chef de la direction d’Investissements RPC, John Graham, s’était fait demander pour quelle raison l’organisation continuait d’investir des milliards de dollars dans l’industrie des combustibles fossiles, responsable de la crise climatique.
«Nous pensons que nous devons continuer à investir dans le pétrole et le gaz, et nous devons continuer à soutenir l'industrie pétrolière et gazière. La demande mondiale d’énergie ne diminue pas», avait-il indiqué en faisant référence à la demande liée aux centres de données qui nourrissent l’intelligence artificielle.