Le premier ministre Mark Carney a annoncé que le Canada maintiendra des troupes en Lettonie jusqu'en 2029, dans le cadre d'une mission visant à dissuader toute agression russe en Europe, qui a conféré à Ottawa un rôle prépondérant au sein de l'alliance transatlantique.
M. Carney a déclaré que «nous devons dissuader et fortifier. C'est ainsi que nous pourrons véritablement rassurer». Il a fait cette annonce lors d'une conférence de presse mardi, à Riga, en présence de la première ministre lettone, Evika Silina.
Le cabinet du premier ministre indique que 2000 soldats des Forces armées canadiennes sont actuellement déployés en Lettonie dans le cadre de l'opération Reassurance, la plus importante mission canadienne à l'étranger.
Les troupes canadiennes sont présentes sur place depuis 2017 pour renforcer la défense du flanc est de l'Europe et dissuader la Russie d'envahir les pays baltes, par ce que beaucoup appellent un «fil de déclenchement».
L'autorisation actuelle de la mission prend fin en mars 2026, mais M. Carney prévoit la prolonger de trois ans.
«Ce faisant, nous augmenterons les capacités de la brigade ici en Lettonie, renforcerons notre défense collective, consoliderons notre sécurité coopérative et maintiendrons une forte présence de l'OTAN», a assuré M. Carney.
Le Canada coordonne le rôle des soldats d'une dizaine de pays en Lettonie afin de consolider les défenses du pays et de former des soldats lettons, selon Stephen Saideman, professeur à l'Université Carleton.
«Nous jouons dans la cour des grands», a-t-il affirmé, lors d'une entrevue. «Nous sommes traités par le reste de l'OTAN comme le Royaume-Uni et l'Allemagne», qui coordonnent respectivement des brigades multinationales similaires en Estonie et en Lituanie, a dit M. Saideman.
Ottawa vise à déployer un effectif complet de 2200 soldats canadiens en Lettonie d'ici 2026 et a construit de nouvelles infrastructures à la base d'Adazi, près de Riga, au cours des deux dernières années pour pallier la surpopulation.
Il a déclaré que la visite du premier ministre vise probablement à «informer les Canadiens de cet engagement majeur» et à mettre un visage sur l'augmentation des dépenses de défense, qui se fait au détriment d'autres services offerts aux Canadiens.
«Il se rendra peut-être là-bas pour montrer au Canada où va l'argent et pourquoi il est nécessaire», a-t-il avancé.
M. Saideman a ajouté que la mission est particulièrement complexe, car la France était initialement censée diriger et encadrer Adazi, Ottawa se chargeant alors de la tâche complexe de coordination de petits contingents de nombreux pays.
«Nous accomplissons beaucoup de choses qui ne sont pas nécessairement reconnues au Canada», a-t-il soutenu.
La première ministre Silina a déclaré que les Canadiens peuvent être fiers de leur rôle à la base d'Adazi, qualifiant de «grande réussite» le fait que le Canada coordonne le travail de plusieurs pays. «Notre coopération est excellente», a-t-elle affirmé en letton, par l'intermédiaire d'un interprète.
Le Canada compte 13 pays européens parmi les membres de la brigade lettone.
Une mission importante
La mission a débuté après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2014 et l'annexion de la Crimée, et a pris une importance accrue depuis l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par Moscou en février 2022.
«Vous ne devez jamais douter de l’engagement des Canadiens et Canadiennes envers votre cause. C'est comme la nôtre», a affirmé le premier ministre en français, lors d'une conférence de presse commune. «Une attaque des pays baltes est une attaque contre l'OTAN et contre le Canada.»
Plus tôt mardi, Mark Carney a déclaré à Berlin que le président russe, Vladimir Poutine, craignait de rencontrer le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, après que le président américain, Donald Trump, a argué que les deux hommes devraient discuter directement de la manière de mettre fin à la guerre.
«Nous voyons le président Poutine poser des conditions, tergiverser, et craindre cette rencontre», a dit le premier ministre.
M. Carney a également déclaré que l'augmentation des dépenses de défense au sein de l'OTAN vise à renforcer la capacité de l'alliance transatlantique à «déployer des ressources sur divers théâtres d'opérations» pour faire face aux menaces non seulement en Europe, mais aussi dans l'Arctique.
«Il s'agit d'une refonte de notre façon de nous défendre», a-t-il dit.
Marcus Kolga, chercheur principal à l'Institut Macdonald-Laurier, a assuré que la mission du Canada en Lettonie constitue une contribution majeure.
«C'est probablement l'une des missions internationales les plus importantes auxquelles nous ayons participé depuis la libération des Pays-Bas pendant la Seconde Guerre mondiale», a-t-il soutenu.
«Cela leur permet de continuer à vivre normalement, même si la menace est imminente», a précisé le chercheur, ajoutant que cela s'applique aussi bien aux Lettons qu'aux Estoniens et aux Lituaniens voisins.
«Cela démontre que le Canada est actif et qu'il ne se laissera pas faire par Vladimir Poutine.»
Des partenaires économiques
Le profil de la Lettonie d'Affaires mondiales Canada indique que les deux pays «entretiennent des relations étroites fondées sur des valeurs fondamentales communes, y compris le soutien à la démocratie, aux droits de la personne et à un ordre international fondé sur des règles».
Evika Silina a rappelé que le Canada est un partenaire économique de son pays, citant l'exemple d'Air Baltic, qui exploite des avions à réaction à impact environnemental relativement faible, fabriqués au Canada par Bombardier.
«Nous souhaitons coopérer dans la construction de drones, la transformation alimentaire et l'énergie hydrogène», a soutenu la première ministre lettone, ajoutant que les entreprises de défense souhaitent également collaborer avec leurs homologues canadiennes.
La Lettonie porte de profondes cicatrices liées aux violences infligées à sa population, tant pendant l'occupation nazie que pendant son appartenance à l'Union soviétique.
Avec des informations de Dylan Robertson, à Ottawa

