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Entente avec Google: «Radio-Canada devrait être exclue du partage», dit Lacombe

Dans une publication sur X, Mathieu Lacombe ajoute que «l'aide doit être dirigée vers les médias privés qui perdent actuellement des revenus publicitaires précieux.»

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Le ministre Mathieu Lacombe lors d'une cérémonie d'assermentation à l'Assemblée nationale du Québec, en octobre 2022. Le ministre Mathieu Lacombe lors d'une cérémonie d'assermentation à l'Assemblée nationale du Québec, en octobre 2022. (Jacques Boissinot | La Presse canadienne)

Alors que la ministre fédérale du Patrimoine, Pascale St-Onge, soulignait jeudi que les questions entourant la portion des 100 millions de dollars de Google qui reviendra à Radio-Canada «s'éclairciront dans les prochaines semaines», le ministre provincial de la Culture, Mathieu Lacombe, prend position et demande que la société publique de diffusion soit exclue du partage, «en raison des subventions dont elle jouit».

«Ça s'adresse à des médias privés qui perdent des revenus publicitaires, donc je pense que(le diffuseur public) devrait être exclu de ce partage de revenus», a dit jeudi M. Lacombe, en mêlée de presse dans les couloirs de l'Assemblée nationale.

Dans une publication sur X, le ministre Lacombe ajoute que «l'aide doit être dirigée vers les médias privés qui perdent actuellement des revenus publicitaires précieux».

Hebdos Québec, qui regroupe environ 120 journaux et 350 professionnels de l'information, est aussi d'avis que CBC/Radio-Canada ne devrait pas avoir accès aux fonds prévus dans le cadre de la loi C-18, ou Loi sur les nouvelles en ligne.

«Ils sont déjà subventionnés à la hauteur d'un milliard par année. (...) Ils ont le droit de vendre de la publicité (…) pour la télévision. Ça, c'est un gros privilège (…) et de là à aller chercher une partie du montant de Google, ça serait de pousser le bouchon un peu fort», a soutenu en entrevue le président du conseil d'administration d'Hebdos Québec, Benoit Chartier.

De son côté, Pascale St-Onge a fait savoir devant les membres du comité du patrimoine de la Chambre des communes que le fait que CBC et Radio-Canada engagent environ le tiers de l'effectif journalistique au pays «a été considéré» dans le partage des sommes.

Par ailleurs, le ministre Lacombe demande également à ce que le Québec «ait son mot à dire» dans la façon dont seront partagés les revenus.

«Pour l’instant, le fédéral fait cavalier seul, comme si la culture et les communications relevaient de lui. Quoi qu’en pense Ottawa, la culture et les médias québécois doivent se gouverner à Québec et, quelles que soient les initiatives prises à Ottawa, elles doivent l’être en concertation avec Québec», écrit-il sur X.

Le terrain d'entente trouvé par Ottawa avec Google prévoit que la somme promise par le géant du numérique sera versée à un seul collectif représentant une panoplie de médias. Il est ensuite prévu que l'argent soit redistribué à travers les membres de ce regroupement.

Durant le témoignage de jeudi de la ministre, la députée conservatrice Rachael Thomas a talonné cette dernière pour tenter de lui faire dire combien obtiendra CBC/Radio-Canada.

«La réglementation est présentement devant le Conseil du Trésor et les détails vont être dévoilés (bientôt). La question de ma collègue va faire partie de la réglementation.»
- Pascale St-Onge, ministre du Patrimoine

Le gouvernement Trudeau doit toujours dévoiler sa réglementation finale visant à encadrer la mise en œuvre de la loi C-18, aussi appelée Loi sur les nouvelles en ligne.

Une ébauche a été présentée par Ottawa en septembre, mais celle-ci n'avait pas calmé l'opposition de Google. Des ajustements doivent, de toute façon, être faits, conformément au processus d'élaboration d'une réglementation.

La loi C-18 vise à forcer les géants du numérique à conclure des ententes d'indemnisation avec les médias d’information pour le partage de leur contenu.

Les dispositions législatives ne pourront toutefois s'appliquer que lorsque les plateformes permettent le partage d'articles ou de reportages au Canada. Ainsi, Meta, qui a fermé le robinet aux nouvelles dès le mois d'août, échappe à la loi.

Google menaçait de faire de même, mais continuait de discuter avec le gouvernement fédéral. Une entente a finalement été annoncée mercredi, à environ trois semaines de l'entrée en vigueur de C-18, prévue le 19 décembre.

Radio-Canada à l'écoute

De son côté, CBC/Radio-Canada a déclaré mercredi qu'il «suivr(a) attentivement les prochaines étapes de ces discussions».

Dans un communiqué, le diffuseur public a d'emblée applaudi qu'un terrain d'entente ait été trouvé.

«CBC/Radio-Canada se réjouit que le gouvernement fédéral ait conclu un accord avec Google pour soutenir le journalisme au Canada», a-t-on réagi. «En garantissant que les médias d’information puissent négocier une indemnisation équitable pour le contenu qu’ils produisent, cet accord constitue une étape majeure dans le développement d’un écosystème de l’information sain.»

Dans la même veine, Mme St-Onge a parlé d'un «point tournant» dans l'écosystème commercial qui inclut les entreprises de presse.

Pour les conservateurs, qui s'opposent aux fondements de C-18 depuis le début, il est clair que l'accord survenu démontre que les «géants des technologies sont en fait dans le siège du conducteur», a résumé Mme Thomas.

«Google a forcé la main au gouvernement. Google a obtenu tout ce qu'il voulait», a dit l'élue de l'opposition officielle.

L'entreprise établie aux États-Unis avait soutenu être prête à avancer dans une «fourchette» de 100 millions $ par an et souhaitait fixer un montant maximal de sa contribution.

Bien que l'entente comporte désormais précisément ce montant, Mme St-Onge estime que son gouvernement n'a pas fait de concessions. Selon des estimations dévoilées précédemment par Ottawa, Google aurait pu devoir verser 172 millions $ par année.

«Google, tout comme Facebook, était opposé à ce que le gouvernement légifère dans ce domaine-là. Ils ne croyaient pas que le gouvernement devait faire ça et on a décidé d’avancer quand même», a soutenu la ministre.

La veille, elle avait insisté sur le fait qu'Ottawa se garde le droit de rouvrir l'entente «si jamais il y a de meilleures ententes qui sont faites ailleurs dans le monde».

De plus, la contribution monétaire de 100 millions $ par an doit être indexable à l'inflation.

Émilie Bergeron

Émilie Bergeron

Journaliste