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Bombardier prêt à rivaliser avec Boeing sur le prix des avions de patrouille maritime

Bombardier affirme que ses avions qui pourraient remplacer les appareils de patrouille maritime canadiens vieillissants afficheront un prix concurrentiel à celui des jets proposés par son rival américain, Boeing.

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Une maquette du Boeing P-8 Poseidon est vue au salon CANSEC à Ottawa, le 1er juin 2023. (Justin Tang | La Presse canadienne)

Bombardier affirme que ses avions qui pourraient remplacer les appareils de patrouille maritime canadiens vieillissants afficheront un prix concurrentiel à celui des jets proposés par son rival américain, Boeing.

Le constructeur montréalais d'avions d'affaires s'est associé cette année à la compagnie américaine General Dynamics pour produire un avion de surveillance doté d'une technologie de détection des sous-marins. Les deux partenaires demandent au gouvernement du Canada de lancer un processus d'approvisionnement ouvert pour remplacer les 14 avions de patrouille maritime CP-140 Aurora, de Lockheed Martin, qui devraient être mis au rancart en 2030 après un demi-siècle d’utilisation par l'Aviation royale canadienne.

Le prix des 16 P-8A Poseidon et des équipements associés que Boeing vise à vendre à Ottawa s'élève à 5,9 milliards $ US, selon des informations publiées le 27 juin par une agence du département américain de la Défense.

Ce total est celui avec lequel Bombardier peut rivaliser, a affirmé le vice-président des affaires publiques de Bombardier, Pierre Pyun. «Nous en sommes absolument convaincus», a-t-il déclaré, bien que la société ait refusé de donner un prix.

 

«Pour qu'on puisse proposer un prix, il faudrait qu'il y ait un appel d'offres, puis il faudrait qu'il y ait des exigences précises», a-t-il expliqué aux journalistes lors d'une présentation, la semaine dernière, à l'usine Bombardier de Montréal.

Services publics et Approvisionnement Canada décrit les P-8 de Boeing comme «le seul avion actuellement disponible qui répond à toutes les exigences opérationnelles de l'AMMC (avion multimission canadien)» — en particulier en ce qui a trait à la collecte de renseignements, la surveillance et la guerre anti-sous-marine.

L'avion de Bombardier, une version modifiée de l'avion d'affaires Global 6500 équipée de la technologie et des capteurs de General Dynamics, n'existe jusqu'à présent que sur papier, bien que le constructeur affirme que l'avion sera prêt au début des années 2030, conformément aux besoins du gouvernement.

La directrice des programmes chez Bombardier Défense, Anne-Marie Thibaudeau, a indiqué qu'il était «tout à fait normal» que des entreprises reçoivent un contrat pour un produit qui n'a pas encore été fourni.

«Les gouvernements ou les services militaires ont tendance à exiger des systèmes ou des radars à caractéristiques uniques sur leurs avions, il s'agit donc généralement de programmes de développement complets», a-t-elle expliqué.

«Boeing prétend avoir un avion qui est disponible plus tôt, mais c'est aussi un avion qui est en fin de vie et dont la chaîne de production, selon Boeing, sera terminée en (2025) s'il n'y a pas d'autres commandes», a-t-elle ajouté.

Bombardier a rencontré la ministre de la Défense, Anita Anand, et le ministre de l'Industrie, François-Philippe Champagne, pour discuter des avions de surveillance, a indiqué M. Pyun.

Le gouvernement fédéral a affirmé qu'il étudiait toujours ses options pour le contrat de plusieurs milliards de dollars.

Les concurrents défendent leur candidature

Le service de l'approvisionnement a émis en février 2022 une lettre de demande d'offre sur 16 Poséidons, transmise via le programme de ventes militaires à l'étranger du gouvernement américain. Le gouvernement a déclaré dans un courriel que cela «n'engageait pas le Canada à acheter le P-8A Poseidon et que le projet restait en analyse d'options».

La décision finale s'appuiera sur la capacité et les prix ainsi que sur les avantages pour l'industrie canadienne, a-t-il ajouté.

Néanmoins, Bombardier considère la lettre et les actions subséquentes comme équivalentes à un processus d'appel d'offres à fournisseur unique.

La semaine dernière, la société a cherché à renforcer ses arguments économiques en faveur d'un contrat militaire de plusieurs milliards de dollars avec une entreprise canadienne.

Citant un rapport de PwC commandé par Bombardier, elle a souligné qu'un contrat ajouterait 2,8 milliards $ au produit intérieur brut et fournirait directement 22 650 emplois ainsi que 800 millions $ en recettes fiscales.

Boeing a également tenté de vanter ses qualifications.

Le P8-A du géant de l'aviation soutiendrait plus de 2900 emplois et générerait 358 millions $ en production économique au Canada chaque année, selon une étude commandée par Boeing par les consultants en gestion Doyletech.

«Nous sommes déterminés à poursuivre la paix et la prospérité du Canada pour ceux que nous défendons et servons, et nous sommes convaincus que les capacités inégalées du P-8 — et notre offre de P-8 pour le Canada — reflètent ces idéaux», a déclaré le chef de la direction de la division de la défense, l'aérospatiale et la sécurité de Boeing, Ted Colbert, dans une déclaration le 30 mai.

«En étroite collaboration avec nos partenaires P-8 de l'industrie canadienne et notre vaste chaîne d'approvisionnement dans le pays, nous sommes reconnaissants de l'occasion de tirer parti de notre relation de plus de 100 ans avec le Canada et de développer nos partenariats et investissements canadiens.»

Bombardier et Boeing se sont déjà affrontés pour des contrats semblables. En 2020, Bombardier a vendu sa participation restante dans le programme d'avions de ligne A220, abandonnant sa tentative ratée de s'attaquer au duopole d'avions commerciaux Airbus et Boeing.

En 2018, un panel américain sur le commerce a statué que Boeing n'avait subi aucun préjudice en raison de la concurrence de Bombardier, malgré l'affirmation de l'avionneur américain selon laquelle son rival du nord aurait vendu des avions de la série C à Delta Air Lines à des prix «absurdement» bas tout en bénéficiant de subventions des gouvernements fédéral et du Québec.

La prise de bec entre les deux constructeurs grimpait en flèche avant la décision, Ottawa ayant notamment menacé d'abandonner ses projets d'achat de 18 avions de chasse de Boeing.