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Le gouvernement Legault n'a toujours pas déposé de projet de loi pour élargir l'aide médicale à mourir (AMM) aux personnes souffrant d'Alzheimer, près de quatre mois après avoir reçu le rapport qu'il attendait.
Le 8 décembre dernier, une commission spéciale a recommandé que toute personne ayant reçu un diagnostic de maladie grave et incurable menant à l'inaptitude puisse signer une demande anticipée d'AMM.
Cela exclut les personnes dont le seul problème médical est un trouble mental.
Lundi, voyant le temps filer et l'échéance électorale approcher, des députés membres de la commission ont uni leurs voix pour réclamer du gouvernement qu'il fasse connaître ses intentions.
Ils ont fait valoir qu'une partie de la population attendait ce projet de loi avec impatience.
«Si votre mère apprend aujourd'hui qu'elle est atteinte d'Alzheimer et qu'elle est déjà au stade 3 (...) elle ne peut pas appliquer pour l'aide médicale à mourir», a rappelé en entrevue Vincent Marissal, de Québec solidaire.
«Je ne veux pas faire peur au monde là, mais (...) si on n'est pas capable d'adopter le projet de loi cette session, bien d'après moi, on repart le compteur et on en a pour un an», a-t-il résumé.
Rappelons que la loi actuelle, adoptée en 2014, fixe des critères très stricts pour pouvoir réclamer d'un médecin qu'il abrège nos souffrances.
Le consentement éclairé du patient, jusqu'à l'article de la mort, est au cœur du processus, sauf exception. Les personnes ayant reçu un diagnostic d'Alzheimer n'y ont donc pas accès, en aucune circonstance.
Selon les membres de la commission, leur position est le reflet « des grandes tendances » d'opinions observées dans la société québécoise à ce sujet ces dernières années.
Il existe actuellement, selon eux, un «consensus social» en faveur d'un élargissement de la loi destiné aux personnes devenues inaptes.
«Si je deviens incontinent, incapable d'identifier mes enfants (...) de façon très claire, je vais être en mesure de savoir que ma vie va pouvoir se terminer dans la dignité», illustre le député libéral David Birnbaum.
«C'est ça qui est en jeu, donc let's go», a-t-il ajouté lors d'un entretien.
Il ne reste à l'Assemblée nationale qu'une trentaine de séances, ce qui est peu considérant que tout éventuel projet de loi sur l'AMM devra être étudié en détail.
Qui plus est, il y a déjà trois projets de loi en attente à la commission de la santé et des services sociaux, qui étudie en ce moment le projet de loi 15 sur la protection de la jeunesse.
«C'est malheureux, parce que si (l'AMM) avait été priorisée quand on est revenu en février (le projet de loi) serait déjà adopté », a lancé M. Marissal, qui reproche au gouvernement sa mauvaise gestion de l'appareil législatif».
Malgré tout, la députée péquiste Véronique Hivon, ex-membre de la commission et considérée comme la «mère» de la loi actuelle, croit qu'il est encore possible de faire avancer les choses.
Selon son analyse, un ministre autre que le ministre de la Santé Christian Dubé pourrait déposer le projet de loi sur l'AMM, et confier son étude à la commission des institutions, par exemple.
«Il n'y a rien d'impossible», affirme-t-elle en entrevue, avant d'ajouter : «je vois mal comment le gouvernement pourrait faire fi d'un travail aussi fouillé qu'on a fait, qui porte un consensus de la population aussi grand».
Dans leur rapport, les membres de la commission spéciale prévoyaient que le rôle des médecins serait déterminant pour assurer la bonne gestion des demandes anticipées.
Le médecin traitant devrait s'assurer du caractère libre et éclairé de la requête. Il devrait aussi s'assurer que le patient comprenne bien la nature du diagnostic et l'évolution attendue de sa maladie.
Le requérant pourrait même écrire sur le formulaire le stade de la maladie où il souhaite que le traitement létal lui soit administré.
Il devrait identifier un «tiers de confiance», chargé d'alerter les autorités médicales lorsqu'il jugerait le moment venu de donner suite à ses volontés.
Cette personne aurait en quelque sorte la responsabilité «d'agiter le drapeau», selon Mme Hivon, qui rappelait qu'en ce domaine des soins de fin de vie le Québec demeurait «un précurseur».
Selon les vœux de la commission, le formulaire devrait être signé en présence de deux témoins et d'un médecin, et la procédure pourrait à l'avenir être administrée soit par un médecin, soit par une infirmière praticienne spécialisée (IPS).
Il reviendrait aux autorités médicales de statuer à savoir si la demande est conforme aux critères fixés et décider du moment opportun d'y donner suite.
Une consultation sur ce sujet délicat a été menée durant sept jours au printemps dernier et au mois d'août. Au total, 77 personnes et organismes ont été entendus et 75 mémoires ont été déposées.