Revirement de situation majeur au palais de justice de Sherbrooke: le père sherbrookois accusé de voies de fait graves sur son bébé de 11 jours en mars 2022 vient de plaider coupable, au cinquième jour de son procès.
L’accusé, dont l’identité est frappée d’une ordonnance de non-publication, a confirmé sa décision vendredi matin en se présentant devant la juge Julie Beauchesne. Des proches de l’accusé se sont déplacés pour le soutenir.
Il avait jusqu’ici assisté sans broncher aux quatre premières journées d’audiences, dans la première rangée de la salle de cours. En larmes, il a pris quelques instants pour partager son état d’esprit à la juge.
«Je voulais juste dire que je regrettais énormément ce que j’ai fait», a déclaré le père. «Je m’excuse à ma famille, à ma conjointe, à mon fils. Je n’ai jamais voulu poser des gestes comme ça.»
«J’ai été vraiment pris par panique ce matin-là. Je m’excuse, vraiment profondément.»
De nombreux médecins spécialistes ayant évalué ou traité l’enfant ont défilé devant la juge depuis lundi. Ces experts, pour la plupart, étaient venus révéler que les blessures que présentait l’enfant à son arrivée à l’hôpital étaient associées à de la maltraitance. Huit fractures aux côtes, fracture à chacun des fémurs, lésions importantes au cerveau; le bébé avait été amené par ses parents à l’hôpital dans un état lamentable. Les médecins avaient craint pour sa vie, mais le bébé s’est accroché et est aujourd’hui toujours vivant.
Les aveux
Le père de famille, au moment de l’exposé des faits par son avocat, a effectivement reconnu avoir secoué son enfant. Alors que la mère du bébé dormait, l’accusé lui a donné un premier biberon, or l’enfant s’est complètement mouillé avec le lait.
Après avoir changé l’enfant et la tétine du biberon, l’accusé lui a redonné un nouveau boire, mais l’enfant s’est étouffé. L’accusé a alors paniqué, pris l’enfant et lui a donné des tapes dans le dos «de manière trop importante», selon les dires de son avocat. Sauf que l’état de l’enfant ne s’est pas amélioré.
«Il a pris l’enfant sous les aisselles et secoué dans un état de panique, […] d’impatience», a relaté Me Patrick Fréchette.
Deux ans de prison?
La peine maximale pour de telles accusations de voies de fait graves est de 14 ans d’emprisonnement. Mais Couronne et défense, quelques instants après le plaidoyer de culpabilité, ont présenté une suggestion commune sur la peine de deux ans moins un jour d'emprisonnement, à purger dans la collectivité.
Si la procureure de la Couronne, Me Laïla Belgharras, retient plusieurs facteurs aggravants comme le « contexte clair d’abus de confiance et d’abus d’autorité», la reconnaissance des gestes posés par l'accusé doit aussi être considérée. La fin du procès fera également économiser des ressources judiciaires, a-t-elle plaidé.
La juge Beauchesne a écouté la position des parties et a pris la cause en délibéré. La peine serait aussi assortie d'une probation de trois ans. Elle rendra sa décision le 15 novembre prochain.
Le père de famille a été arrêté en mars 2022 par le Service de police de Sherbrooke (SPS) à la suite d'une plainte formelle. Un total de 15 témoins devaient être entendus lors du procès, soit 11 experts, trois civils et au moins un policier.
L'analyse des experts
Le type de fractures au fémur que l'enfant a subies - des fractures métaphysaires - sont hautement spécifiques à une atteinte par des traumas violents, surtout chez des enfants qui ne marchent pas», a décrit un expert. De manière générale, les enfants qui se blessent en marchant ou en jouant subiraient plutôt des fractures diaphysaires.
Véronique Verrier-Fréchette, médecin de famille et médecin d’urgence, a fait partie de l’équipe qui a évalué le bébé d’une douzaine de jours, arrivé à l’urgence avec ses deux parents, lors d’une journée de mars 2022. Elle a rapporté les inquiétudes des équipes de l’urgence lors de l’admission du bébé à l’hôpital.
L'enfant se porte bien
Pour la première fois depuis le début du procès, l'état de santé actuel de l'enfant a été dévoilé. La procureure de la Couronne a révélé que l'enfant présente «de légères séquelles, un léger retard.» Des experts qui effectuent des suivis auprès de l'enfant ont toutefois noté qu'il se développe de façon «très impressionnante.»
«Il est éveillé, regarde un peu partout. Il a des expressions faciales très développées et tout à fait appropriées, la motricité de son visage est tout à fait normale. Cet enfant ne développera pas de paralysie cérébrale. Sa motricité se développe de façon tout à fait normale», a mentionné Me Laïla Belgharras.
Aujourd'hui âgé de 18 mois, l'enfant «se développe dans toutes les sphères. Il marche à quatre pattes et marche debout avec une marchette», a aussi expliqué Me Belgharras
