Plusieurs provinces au Canada ont connu une baisse des décès apparemment liés aux opioïdes, montrent de nouvelles données du Centre canadien sur les dépendances et l'usage de substances (CCDUS). Ce n'est toutefois pas le cas du Québec, où à l'inverse on observe une tendance à la hausse.
Les données indiquent qu'il y a eu une baisse de 17 % des décès apparemment liés à une intoxication aux opioïdes en 2024 au Canada comparativement à 2023. Malgré cette baisse, le CCDUS souligne dans un rapport que le nombre de décès reste élevé au pays, avec des variations régionales. Globalement, on recense près de 7150 décès en 2024, ce qui représente 20 décès par jour en moyenne.
La majorité (80 %) des décès apparemment liés à une intoxication aux opioïdes ont eu lieu en Colombie-Britannique (2299 décès), en Ontario (2231 décès) et en Alberta (1181 décès).
Le Québec arrive au quatrième rang avec 645 décès en 2024. Il s'agit de plus du double en comparaison avec 2022. En 2023, un total de 536 décès avaient été signalés.
«En termes de chiffres absolus, le Québec a toujours affiché des taux inférieurs à ceux des autres provinces et territoires, même s'il semble avoir connu une augmentation constante au cours des dernières années», commente Samantha King, analyste, recherche et politiques, au CCDUS.
On constate un déplacement vers l'est du pays de substances, telles que le fentanyl, ajoute l'experte. «Nous savons que cela a été un problème en Colombie-Britannique, en Alberta et en Ontario. Jusqu'à ces dernières années, le Québec a été un peu plus épargné, et les stimulants ont toujours été la principale préoccupation au Québec. Mais ces dernières années, les dérivés du fentanyl, comme le para-fluorofentanyl ou le carfentanil, sont devenus plus courants au Québec, ce qui pourrait contribuer à l'augmentation observée dans cette province en particulier.»
Mme King précise que les opioïdes et les stimulants sont souvent combinés. Ainsi, lorsqu'on examine les décès liés aux opioïdes, beaucoup d'entre eux se recoupent et impliquent également des stimulants.
D'autre part, on constate également une augmentation des décès entre 2023 et 2024 pour Terre-Neuve-et-Labrador et les Territoires du Nord-Ouest. Les tendances en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard restent quant à elles pratiquement inchangées.
La tendance vers l'inhalation, un effet protecteur
Dans son rapport, le Centre canadien sur les dépendances et l'usage de substances soulève qu'il y a depuis un certain temps un changement dans le mode de consommation, passant de l'injection à l'inhalation. Mais le rôle de ce changement dans la diminution des décès liés aux opioïdes est incertain.
À Thunder Bay, en Ontario, on sait que le nombre de décès liés uniquement aux substances consommées par l'inhalation a augmenté. Au Québec, on note aussi une hausse de la consommation de drogues par fumée/inhalation par rapport à l'injection.
Mme King précise que cette tendance s'observe dans tout le pays, où l'on passe de l'injection d'opioïdes à leur inhalation. Elle explique que ce mode de consommation a un certain effet protecteur, car en cessant de s'injecter les drogues, les personnes peuvent consommer plus lentement et avoir une meilleure idée de la dose.
«Mais si quelqu'un choisit d'inhaler des opioïdes ou des stimulants, ou les deux, à l'heure actuelle, dans tout le pays, y compris au Québec, nous ne disposons pas de soutien adéquat, nuance Mme King. Si les personnes recherchent des services de réduction des risques, il n'y en a pas beaucoup qui sont spécifiquement destinés à la consommation de drogues par inhalation.»
Plus de contamination
Le rapport met de l'avant certaines hypothèses qui peuvent expliquer les décès apparemment liés aux opioïdes, mais des investigations plus profondes restent à faire pour les confirmer, indique Mme King.
Par exemple, il y a eu des changements fréquents dans l'approvisionnement des drogues, notamment avec la présence de nouvelles substances, comme la xylazine ou d'autres dépresseurs du système nerveux central. Ces nouvelles substances contaminent l'approvisionnement non réglementé et sont associées à des risques supplémentaires.
«Il y a des substances plus ou moins puissantes qui peuvent être mises sur le marché. Différentes substances finissent par être mélangées avec d'autres substances nouvelles que nous n'avons pas encore vues. Les gens sont donc exposés à plusieurs substances à la fois. Et en l'absence de services de contrôle des drogues, ils ne peuvent pas prédire ce que contient le produit. Cela expose les gens à un certain nombre de risques, dont la mortalité liée aux opioïdes», détaille Mme King.
«C'est une situation très complexe, poursuit-elle. Aucun facteur à lui seul ne peut expliquer les baisses que nous observons au niveau national.» Elle précise que l'objectif du rapport était de présenter de manière préliminaire les tendances observées dans les différentes régions.

