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Des avions anti-pluie, des barrages détruits à dessein, de l'eau rationnée pour soumettre ou contrôler les populations...
Des avions anti-pluie, des barrages détruits à dessein, de l'eau rationnée pour soumettre ou contrôler les populations: la vague de sécheresse qui touche la méditerranée occidentale fait remonter à la surface un flot d'information mensongère et de théories du complot abondamment relayées dans les sphères climato-sceptiques.
Une masse d'air chaud et sec venue d'Afrique du nord a entraîné des records absolus de températures pour un mois d'avril au Portugal et en Espagne continentale avec respectivement 36,9 et 38,8 degrés - des niveaux dignes du mois de juillet.
Au Maroc, des records locaux ont également été battus et les températures ont dépassé par endroits les 41 degrés. En Algérie, elles ont franchi la barre des 40.
Une situation inédite très largement commentée sur les réseaux sociaux, notamment dans les sphères complotistes qui y voient, non pas les conséquences du changement climatique, mais la main des autorités qui chercheraient selon eux à «soumettre» la population.
«Il n'y a pas de sécheresse, c'est du pillage», a-t-on pu lire sur Facebook à propos de la situation en Espagne. «Le changement climatique, c'est eux qui le provoquent» en «détruisant» des barrages et des digues, affirment d'autres publications repérées et démystifiées par les équipes de vérification de l'AFP.
Ces comptes en veulent pour preuve la destruction de barrages, sous le gouvernement espagnol de Pedro Sanchez, avec un nombre record d'infrastructures démolies en 2021, selon le collectif Dam Removal Europe.
En réalité, la plupart de ces installations étaient désaffectées et leur démolition s'inscrit dans la stratégie de l’Union européenne visant à rétablir l'écoulement libre d’au moins 25 000 kilomètres de cours d’eau dans les pays européens d'ici à 2030.
Quant à la sécheresse, elle est la conséquence directe du réchauffement climatique, rappelle Simon Mittelberger, climatologue à Météo France.
«Il y a un principe physique très simple: dès que vous avez un degré de plus sur l’atmosphère vous avez 7% d’eau en plus qui s’évapore dans l’air et donc 7% d’eau en moins soit dans les sols, soit dans les nappes phréatiques», explique-t-il.
Bien connue des experts du complotisme, la théorie des «chemtrails», qui avait perdu de sa vigueur ces dernières années, a également refait surface.
Selon les tenants de cette théorie maintes fois démentie, les traînées d'avions visibles dans le ciel sont la trace de produits chimiques répandus délibérément pour des raisons secrètes, qui changent au gré de l'actualité. Dans le contexte actuel, ces produits chimiques auraient pour objectif d'arrêter les pluies et de provoquer de la sécheresse.
En France, c'est l'annonce du «plan de sobriété» sur l'eau par Emmanuel Macron il y a quelques semaines qui a remis quelques pièces dans la machine complotiste. Des comptes ont vu dans «ce nouveau narratif de la sécheresse et des pénuries d’eau» la volonté «de renforcer le contrôle sur les populations» via des «outils de surveillance».
«Avec la sécheresse, on a un sujet de rêve», relève Laurent Cordonier, directeur de recherche à la Fondation Descartes, spécialisée sur les enjeux liés à l'information et la désinformation.
«On a d'un côté ceux qui disent que la sécheresse est orchestrée par le gouvernement, et de l'autre des personnes qui disent "on nous ment, il n'y a pas de sécheresse, regardez il pleut, regardez les rivières sont pleines" – c’est facile et ça rejoint toute une tendance de désinformation sur le climat», ajoute le chercheur.
Loin d'être circonscrite aux réseaux sociaux, cette désinformation trouve parfois un écho dans la classe politique. C'est le cas en Espagne où un élu a récemment demandé publiquement au gouvernement s'il manipulait la météo grâce à «l'épandage de produits chimiques».
Pour Laurent Cordonier, «c’est le pire qui puisse arriver».
«Cela fait sortir de l’univers des réseaux sociaux des hypothèses sans fondement qui vont toucher une population qui jusque-là n'avait pas connaissance de ces théories et qui va potentiellement se dire "si un député le dit, alors...". C'est catastrophique».