La forme métabolisée de l'acide folique fait rêver les parents d'enfants atteints d'un trouble sur le spectre de l'autisme.
Leur espoir est alimenté par les travaux d'un médecin américain, le neurologue pédiatrique Richard Frye, qui étudie le leucovorine, un médicament générique dérivé de l'acide folique qui est administré aux gens qui, pour une raison ou pour une autre, ne sont pas en mesure de le métaboliser.
L'acide folique est surtout connu pour être prescrit aux femmes enceintes afin d'assurer un développement normal du tube neural.
Le docteur Frye et d'autres spécialistes croient que certains problèmes neurologiques associés à l'autisme surviennent parce que le patient est incapable de transformer l'acide folique en acide folinique et que leur cerveau en est donc privé.
L'administration de leucovorine contournerait le problème en fournissant au patient l'acide folinique qu'il est incapable de produire seul.
«C'est intéressant parce que ça a été décrit et discuté, mais très vaguement, mais on n'en a jamais parlé comme d'un traitement ou d'une gestion du problème», a dit le chef du programme de la pédiatrie du développement à l'Hôpital de Montréal pour enfants, le docteur Shuvo Gosh, au sujet du leucovorine.
«C'est un peu une nouvelle approche d'en parler spécifiquement au sujet de l'autisme.»
Il y a plus de vingt ans que les médecins sont sur la piste d'une déficience en acide folinique pour expliquer différents troubles neurodéveloppementaux, dont l'autisme, chez les enfants. Un médecin allemand a ainsi constaté que ces enfants présentent un taux normal d'acide folique dans le sang, mais des taux bas dans le liquide céphalo-rachidien.
Des chercheurs ont ensuite découvert que les trois quarts des enfants atteints d'un trouble sur le spectre de l'autisme avaient un système immunitaire particulièrement agressif contre les récepteurs qui transportent l'acide folique jusqu'au cerveau et jusqu'au placenta.
Un autre mécanisme, un peu moins efficace, est toutefois en mesure de prendre le relais pour acheminer le leucovorine (l'acide folinique) jusqu'au cerveau.
Quelques études, dont une pilotée par le docteur Frye, ont mesuré des améliorations du langage et d'autres comportements chez les enfants à qui on avait administré du leucovorine. Il s'agit toutefois d'études de petite envergure dont on ne peut généraliser les conclusions. D'autres études plus ambitieuses seront nécessaires pour approfondir le sujet.
«Il semble qu'il y ait une association entre un pourcentage plus élevé d'enfants autistes qui (...) ont une sorte de résistance à obtenir suffisamment d'acide folique dans le cerveau et le liquide céphalo-rachidien par rapport à la population générale, a dit le docteur Ghosh. C'est une découverte intéressante. Mais est-ce qu'il y a un lien quelconque avec les symptômes? Ce n'est pas encore très clair et je ne pense pas qu'il y ait une forte corrélation prouvée pour l'instant.»
L'acide folique et l'acide folinique sont deux substances différentes, souligne le docteur Ghosh, et prendre des milliers de milligrammes de la première ne ferait aucune différence si c'est la deuxième qui est en carence.
Et même si des suppléments d'acide folinique sont disponibles sur ordonnance, a-t-il ajouté, «on ne sait pas de quelle dose on aurait besoin, on ne sait même pas si l'enfant a un problème avec ses récepteurs, et c'est ça qu'il faut savoir».
«C'est une découverte intéressante parce que c'est quelque chose qui ne devrait pas avoir d'effets secondaires, a dit le docteur Ghosh. S'il y a un léger avantage pour certains parents et leurs familles à voir l'état de leurs enfants s'améliorer, ce serait vraiment bien de leur donner un petit coup de pouce, mais cela ne rendra certainement pas les enfants soudainement "normaux".»
L'autisme, a rappelé le docteur Ghosh, est un spectre et rien ne garantit que cette piste, si elle s'avère, pourrait aider tous les enfants qui en souffrent, «mais cela pourrait concerner une sous-section d'enfants autistes. Certains des symptômes pourraient être liés à des problèmes nutritionnels et l'un de ces problèmes nutritionnels pourrait être l'acide folinique».
Il est vrai, dit-il, que pour une raison quelconque, les enfants du spectre autistique qui ont été étudiés jusqu'à présent semblent avoir un pourcentage plus élevé de fonctions manquantes de ce récepteur de transport de l'acide folinique, «mais il y a des personnes qui ne sont pas autistes qui ont également cette fonction manquante du récepteur».
«C'est ce groupe qu'il faut étudier pour voir si l'on peut observer des changements réels dans leur comportement, a conclu le docteur Ghosh. Et si c'est le cas, nous pourrons alors peut-être dire que tout ça est fondé.»

