Le ministre de l'Agriculture, André Lamontagne, a présenté jeudi le projet de loi 86 visant à freiner la perte de terres cultivables au Québec.
Il s'agit de la plus importante révision de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles depuis 1978.
Le projet de loi 86 vise notamment à lutter contre l'achat de terres par des investisseurs étrangers. Il propose des mesures pour mieux suivre et encadrer les transactions faites par des non-agriculteurs.
Il permettrait aussi de favoriser l'agrotourisme, de reconnaître davantage les particularités régionales et d'améliorer le processus d'autorisation de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ).
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En conférence de presse à l'Assemblée nationale jeudi, M. Lamontagne a expliqué que son projet de loi découlait d'une grande consultation à laquelle 500 intervenants ont pris part et qui a duré un an.
Selon lui, un «large consensus» s'est dégagé de cette consultation, si bien que dès maintenant, et jusqu'à l'adoption de la loi, les interdictions suivantes s'appliquent:
- l'acquisition d'une terre agricole par un fonds d'investissement ou l'acquisition, dans certaines circonstances, d'une terre agricole située à 1000 mètres ou moins d'un périmètre d'urbanisation;
- la construction de serres ou d'autres bâtiments de production végétale de grande superficie situés majoritairement sur des terres de très bonne qualité agronomique;
- la construction d'une seconde résidence dans une aire de droits acquis résidentielle.
Lorsque le projet de loi sera adopté, les transactions sur le territoire agricole seront toutes répertoriées. Il sera, par exemple, impossible pour un fonds d'investissement d'acheter des terres agricoles à moins d'obtenir l'autorisation de la CPTAQ, a affirmé M. Lamontagne.
L'achat de terres agricoles autour des périmètres urbains par des non-agriculteurs serait aussi encadré par la commission.
«La première intention, c'est de s'assurer, quand quelqu'un achète une terre agricole, que notre agriculture et notre relève en bénéficient, que les Québécois (...) en bénéficient par un accroissement de notre autonomie alimentaire», a déclaré le ministre.
«C'est le prisme à travers lequel n'importe quelle transaction devra être considérée», a-t-il ajouté.
Jeudi, le président de l'Union des producteurs agricoles (UPA), Martin Caron, a salué le dépôt du projet de loi 86. Il a rappelé en conférence de presse avec le ministre que le Québec avait un ratio de seulement 0,24 hectare de culture par habitant.
À l'heure actuelle, seulement 2 % de la superficie totale du territoire québécois est cultivée.
«Il y a une rareté des terres ici, au Québec, a signalé M. Caron. Les terres agricoles et les activités agricoles, c'est important de protéger ça, parce que c'est notre garde-manger.»
M. Lamontagne en a profité pour annoncer qu'Hydro-Québec discute actuellement d'une entente avec l'UPA pour encadrer le développement des éoliennes en territoire agricole.
Québec solidaire (QS) a salué le travail du ministre, qualifiant sa pièce législative de «belle avancée».
«Un gain important est le registre de vente des terres agricoles, ça fait des années que c’est demandé par les acteurs du milieu», a souligné la députée Alejandra Zaga Mendez.
«Il y a également une ouverture intéressante dans ce projet de loi pour freiner l’accaparement des terres par des spéculateurs immobiliers. C’est nécessaire pour protéger la relève agricole et notre garde-manger commun», a-t-elle ajouté.
Le projet de loi a par ailleurs été bien reçu par Équiterre, la Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ), Vivre en Ville et Protec-Terre, qui forment l'Alliance SaluTERRE.
«L'Alliance voit d'un bon œil l’inclusion d'un mécanisme de suivi des transactions foncières concernant les terres agricoles. Le temps presse pour que nous y voyions plus clair sur ces transactions afin de freiner les phénomènes d’accaparement et de spéculation.»
Ses membres affirment toutefois qu'ils resteront «vigilants quant à sa mise en œuvre et à l’adoption des futurs règlements qui seront déterminants pour en assurer son efficacité dans toutes les régions du Québec».

