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«Imposer une fin à la négociation, maintenant, serait ridicule et on ne supporterait pas ça.»
Tout en tentant de courtiser les travailleurs, le chef conservateur Pierre Poilievre ne ferme pas la porte à ce que le gouvernement fédéral intervienne advenant qu'un conflit de travail entre Air Canada et ses pilotes. En fait, il s'oppose à ce qu'Ottawa impose «maintenant» un arbitrage exécutoire ou une loi spéciale.
«Imposer une fin à la négociation, maintenant, serait ridicule et on ne supporterait pas ça», a-t-il déclaré, mercredi, lors d'une mêlée de presse à Ottawa.
M. Poilievre a dit comprendre pourquoi les pilotes d'Air Canada sont «frustrés» et a appelé le transporteur aérien à négocier pour trouver un terrain d'entente.
«C'est ridicule que nos pilotes soient payés beaucoup moins que les Américains. Les pilotes aux États-Unis, ils sont payés beaucoup plus. En plus ils payent beaucoup moins d'impôts», a-t-il mentionné.
Lundi, Air Canada a annoncé être à finaliser les «derniers détails» de son plan de réduction de ses activités qu'il mettra en place si les négociations avec ses pilotes ne débouchent pas d'ici la fin de la semaine et qu'un arrêt de travail est déclenché.
Dès dimanche, l'employeur et le syndicat auront la possibilité de déposer un préavis de grève ou de lock-out de 72 heures, ce qui entraînerait un arrêt de travail à compter du milieu de la semaine prochaine.
Dans une lettre au ministre fédéral du Travail, Steven MacKinnon, la Chambre de commerce du Canada, des regroupements régionaux et une quarantaine d'organisations du monde des affaires témoignent de leur «profonde inquiétude» face aux répercussions qu'aurait un tel conflit de travail «sur les Canadiens, l’économie du pays, les chaînes d’approvisionnement et, plus encore, sur notre réputation mondiale».
«Le gouvernement fédéral doit agir de façon décisive pour éviter un arrêt de travail chez Air Canada», tranchent-ils.
Plus précisément, ils appellent Ottawa à «agir en amont» faute d'un accord négocié et «soumettre le différend à un arbitrage exécutoire où un arbitre neutre pourra résoudre toutes les questions en litige».
Face aux journalistes, le ministre fédéral du Travail, Steven MacKinnon, a refusé d'ouvrir son jeu advenant qu'un conflit éclate. «Air Canada et son syndicat doivent faire le travail nécessaire afin d'atteindre une solution convenable pour les deux parties», s'est-il contenté de déclarer en marge de la retraite du caucus libéral, à Nanaimo, en Colombie-Britannique.
Pourquoi Air Canada négocierait-elle après avoir vu comment le gouvernement fédéral a agi pas plus tard qu'il y a deux semaines en forçant le retour au travail des cheminots? Parce qu'il y a «des différences significatives» entre ces deux situations, a rétorqué le ministre sans vouloir préciser.
Son ministre des Transports, Pablo Rodriguez, a jugé la veille que l'impact d'un conflit de travail chez Air Canada serait «trop grand» avec «des conséquences énormes à tout point de vue, y compris pour l'économie».
Selon les affirmations du ministre, il y a en moyenne 110 000 personnes qui voyagent par Air Canada tous les jours et 90 routes qui sont desservies uniquement par cette compagnie.
Appelé à réagir aux commentaires de M. Poilievre, le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a rétorqué que les conservateurs et leur chef se sont «toujours» ingérés dans les conflits de travail et ont «toujours» choisi le camp des grandes entreprises aux dépens des travailleurs.
«Ça, c'est leur bilan, a-t-il lancé en marge de leur caucus présessionnel à Montréal. Ils se sont ingérés pour attaquer les syndicats. Ça, c'est qui Pierre Poilievre est. Ça, c'est qui les conservateurs sont.»
M. Singh, qui est à la tête d'un parti fondé par le monde ouvrier, a dénoncé le fait que, contrairement à lui, M. Poilievre n'ait «pas dit un mot» pour appuyer les cheminots en grève il y a quelques semaines et ne fait que jouer un «jeu politique».
«Vous savez qui sont vos amis quand vous vous battez, a-t-il résumé. Ne le laissez pas vous berner. C'est quelqu'un qui attaque les travailleurs dès qu'il en a l'occasion.»
Le Bloc québécois a refusé de commenter les propos de M. Poilievre. Lundi, en entrevue, la porte-parole bloquiste en matière de travail et ancienne cheffe syndicale, Louise Chabot, avait déclaré que de forcer un arbitrage exécutoire ou d'imposer une loi spéciale, y compris en cours de conflit, est «inimaginable».
Elle dénonçait «la stratégie» d'Air Canada qui semble être, selon elle, de faire monter la pression en annulant des vols, un peu comme les compagnies de chemin de fer l'ont fait en arrêtant des trains de marchandises, afin de se donner un rapport de force de manière à «forcer le gouvernement à agir» même avant qu'il n'y ait un conflit.
Les 5400 pilotes d'Air Canada se sont dotés d'un mandat de grève qui a été appuyé à 98 % par les syndiqués.
Les négociations concernant le renouvellement de la convention collective sont en cours depuis juin 2023. Les pilotes réclament de meilleurs salaires, de meilleures prestations de retraite et des améliorations à leur qualité de vie. Leur employeur a qualifié leurs revendications d’excessives.
Selon une source proche des négociations, Air Canada propose une augmentation salariale de 30 % sur quatre ans, ainsi que des améliorations aux avantages sociaux. Cette source a appris que les pilotes demandent des augmentations salariales entre 30 et 60 %.
Avec des informations d'Émilie Bergeron, à Nanaimo, en Colombie-Britannique, et de Pierre St-Arnaud, à Montréal