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Des centaines d’employés francophones doivent jongler avec des manuels d’opérations d’Air Canada uniquement en anglais, dénonce leur syndicat. Les employés qui mènent des opérations délicates dans un environnement risqué doivent déchiffrer des instructions et des termes compliqués dans leur langue seconde, ce qui met leur sécurité en péril, selon leurs représentants.
Le site de formation d’Air Canada «Acaéronet» est en apparence bilingue. Ses employés peuvent passer de l’anglais au français grâce à un onglet dans le coin droit de la page. Mais les employés qui s’y rendent pour comprendre les détails de certaines opérations complexes à réaliser sur les pistes d’aéroports se butent bien souvent à une documentation unilingue anglophone, selon un de leurs chefs d’équipe, Guillaume Lingat, président d’une aile de l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et des travailleuses de l'aérospatiale.
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«Regardez, je vais vous montrer. Si je choisis le manuel général d’un avion avec lequel on doit travailler, j’ai la version française. Mais lorsque je cherche les manuels spécifiques sur les équipements de sécurité, les portes, le stationnement et les déplacements de l’avion, les systèmes électriques, les pneumatiques… Là, on nous ramène à des manuels seulement en anglais», montre le chef de l’unité syndicale qui représente 1200 employés.
«Eille, moi je représente des bagagistes, des gens qui déplacent des avions, des employés qui font des manœuvres techniques. Si on comprend mal les enjeux techniques, ça peut être très dangereux! Une valve avec de la pression, si tu comprends mal comment ça fonctionne, bien la porte, elle te défonce le visage et te casse les dents. C’est énormément de pression», lance-t-il.
Certaines pages des manuels présentés à Noovo Info ont des titres bilingues — Emergency equipment checklist / Liste de l’équipement de secours — mais le reste de la page est uniquement en anglais. «O2 bottles, resuscitator kit, smoke hood, radio beacon», peut-on ainsi lire, mais aucun équivalent français n’est fourni.
Les préoccupations touchent aussi le type de matériel transporté dans les avions. «Si j’ai du matériel inflammable, je peux pas mettre ça à côté de l’oxygène, dans l’éventualité d’un feu. Mais les terminologies françaises et anglaises sont bien différentes. Il faut pouvoir identifier un produit dans les deux langues», dit Guillaume Lingat.
Après s’être plaint de la situation par le passé, le représentant syndical affirme qu’Air Canada aurait proposé comme solution que les formateurs ou autres gestionnaires traduisent les termes en français au besoin et au cas par cas. «Je suis moi-même chef d’équipe et je n’ai jamais eu de formations pour ça! Pas plus que les collègues formateurs!» dénonce-t-il.
Après s’être plaint de la situation par le passé, Guillaume Lingat (photo) affirme qu’Air Canada aurait proposé comme solution que les formateurs ou autres gestionnaires traduisent les termes en français au besoin et au cas par cas. «Je suis moi-même chef d’équipe et je n’ai jamais eu de formations pour ça! Pas plus que les collègues formateurs!» | Crédit: Noovo Info
La porte-parole d’Air Canada, Pascale Déry, a offert une réponse aux questions de Noovo info à ce sujet.
«Air Canada traduit habituellement elle-même les outils d’usage courant, produits par Air Canada et destinés aux employés. Concernant les manuels d’entretien, Air Canada réfère aux procédés hautement techniques tels que publiés par le manufacturier et/ou approuvé par Transport Canada intégralement dans la langue de publication originale», a-t-elle dit par écrit, refusant une entrevue sur la question.
Informée du type de formulaires pointés du doigt pour leur unilinguisme par le syndicat, elle promet d’aller au fond des choses pour comprendre la situation.
Au lendemain d’un autre rapport critique du Commissariat aux langues officielles qui n’a pas manqué d’écorcher Air Canada, une annonce d’emploi de l’entreprise régie par la Loi sur les langues officielles porte à réflexion.
Air Canada a publié un poste de relations avec la clientèle, à Montréal, où le bilinguisme n’est pas obligatoire. Plusieurs intervenants ont indiqué à Noovo Info qu’avec la pénurie de main d’œuvre qui frappe le Québec, des employeurs comme Air Canada sont tentés d’engager du personnel, même s’il ne parle pas français.
Publiquement, Air Canada nie cette interprétation.
«Tel qu’indiqué sur l’affichage partagé, nous priorisons toujours les ressources bilingues. Nos agents à Montréal servent nos clients partout à travers le monde (notre centre d’appels est mondial), et lorsque vous appelez, le système téléphonique vous demande de choisir la langue dans laquelle vous voulez être servi. Si le client choisit le français comme langue de préférence, il sera automatiquement dirigé vers un agent qui lui offrira le service en français. La quasi-totalité des employés du service à la clientèle, basés à Montréal, parlent le français. Pour les centres d’appels c’est la même chose. Près de 95% de nos agents basés à Montréal parlent le français. Tous les candidats que nous recrutons actuellement à Montréal sont bilingues», affirme Pascale Déry.
Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, tient néanmoins à rappeler leurs obligations à Air Canada et aux organisations encadrées par la Loi sur les langues officielles. «Faut faire attention de s’en servir comme excuse. Ce n’est pas parce qu’il y a une pénurie de main d’œuvre qu’on est pas assujettie à la loi», a-t-il indiqué mardi en entrevue à Noovo Info.